Si Stendhal s’en retournait en Italie…

Que dirait-il, ce cher Henri Beyle, s’il refaisait aujourd’hui le voyage qu’il entreprit à travers l’Italie peu après la chute de Napoléon ? Garderait-il le même enthousiasme lors de ses promenades et de ses sorties dans le grand monde ? Absoudrait-il les frasques berlusconiennes, lui qui écrivait : « Il ne faut faire, en ce beau pays, que l’amour ; les autres jouissances de l’âme y sont gênées ; on y meurt empoisonné de mélancolie si l’on est citoyen » ? À la lecture de ses commentaires, souvent très savoureux, on se dit que sa complaisance ne l’empêchait pas d’être lucide et, surtout, que son approche d’une culture qu’il admirait est remarquablement moderne. Habitué de la Scala, il voyait bien qu’en Italie, tout se passe comme dans un opéra, et comme il était « fan » d’opéras (surtout ceux de Cimarosa et Rossini), il ne pouvait que se sentir heureux dans cette société où seule vit la musique. Certaines de ses réflexions sont surprenantes : « Accoutumé qu’il est dès l’enfance à observer si les gens qu’il adore ou qu’il exècre lui parlent avec sincérité, la plus légère affectation glace l’Italien ». D’autres témoignent d’une grande finesse : « Un être qui marche à un bonheur quel qu’il soit ne lui (à l’Italien) semble jamais ridicule par la singularité du but, mais seulement quand il se trompe de route ». Enfin, comment ne pas aimer l’homme qui, en 1817, notait ceci : « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation ; elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain et ses probabilités de bonheur » ? Donc, il faut relire Stendhal et parcourir Rome, Naples et Florence avec lui, d’autant plus que Diane de Selliers (qui pratique l’excellence éditoriale) nous en offre, dans sa petite collection, une version illustrée par les peintres du Romantisme. Le bonheur à chaque page ! Une iconographie patiente qui mélange paysages, portraits rares, scènes de genre, vues citadines avec un art consommé de la composition. Quand un éditeur (belge, par ailleurs) réussit à nous faire aimer tout ce qu’il publie, cela veut dire qu’il vole très haut.

TACITE

Rome, Naples et Florence par Stendhal, Paris, Éditions Diane de Selliers, septembre 2010, 312 pp. en quadrichromie au format 19 x 26 cm sous couverture brochée en couleurs et à rabats, 50 € (prix France)

Date de publication
mercredi 17 novembre 2010
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