Sagas des racin(é)es…

Luc Collès est professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve où il enseigne la didactique du français langue seconde et de l’interculturel et il a fait paraître tout récemment aux Éditions Modulaires Européennes à Fernelmont (Belgique) une passionnante compilation intitulée L’immigration maghrébine dans la littérature française, anthologie France-Belgique (1953-2010) dans laquelle il a rassemblé des textes exemplaires d’auteurs d’origine algérienne, marocaine, tunisienne, turque, française et belge présentant, sur le thème du déracinement, tout un éventail de récits (ainsi que deux études et un essai), depuis la fiction la plus pure et la mise en scène littéraire d’un fait divers authentique, jusqu’aux récits les plus explicitement autobiographiques.

Il les présente dans l’ordre chronologique, à partir de 1953, le temps de Feraoun où les expatriés partaient seuls et pour une période limitée, jusqu’à 2010 où leurs fils et leurs filles sont définitivement installés en Europe.

Si les premiers textes traitent souvent de la solitude affective de l’immigré séparé des siens, les derniers évoquent quant à eux les relations amoureuses entre jeunes maghrébines et jeunes français, tandis qu’un des sujets les plus fréquemment évoqués tient à l’expérience souvent désenchantée du retour ou d’une visite au Maghreb. Plus rare est la description du départ du pays et de l’arrivée (ou du retour) en France. On y trouve aussi d’autres préoccupations telles que l’alphabétisation, les conflits mari-femme et parents-enfants, les éducateurs, les fugues, la libération de la femme, les mariages mixtes, les nouveaux arrivés, les Pieds-noirs, les pratiques religieuses, le racisme, la vie associative traditionnelle, la violence.

Insistons au passage sur la grande qualité littéraire de bon nombre de ces témoignages, en plus de ceux des écrivains français et belges « de souche », preuve s’il en était besoin – mais par les temps qui courent, de résurrection de la bête immonde, c’est encore mieux en le disant – des indéniables qualités intellectuelles, morales et humaines de celles et ceux qui les ont produits…

PÉTRONE

L’immigration maghrébine dans la littérature française, anthologie France-Belgique (1953-2010) par Luc Collès, Fernelmont, Éditions Modulaires Européennes, collection « Proximités », avril 2011, 168 pp. en noir et blanc au format 14 x 21 cm sous couverture brochée en couleurs, 18 €

Liste des auteurs et des œuvres dont proviennent les extraits :

Mouloud Feraoun, La Terre et le sang (1953, 2010)

Driss Chraïbi, Les Boucs (1955, 1976, 1989)

Mouloud Feraoun, Les Chemins qui montent (1957, 1976)

Michel Grimaud, Le Paradis des autres (1973, 1983)

Bernard Barokas, La révolte d’Ayachi (1975)

Rachid Boudjedra, Topographie idéale (1975)

Tahar Ben Jelloun, La réclusion solitaire (1976)

Émile Ajar, La vie devant soi (1975, 1977)

Tahar Ben Jelloun, La Plus Haute des solitudes (1977, 1997)

Marie Féraud, Anne ici, Sélima là-bas (1978, 1993)

Ali Ghalem, Une femme pour mon fils (1979)

Mohand Khellil, L’exil kabyle (1980)

J.M.G. Le Clézio, Désert (1980)

Slaheddine Bhiri, L’espoir était pour demain (1982)

Leïla Sebbar, Shérazade (1982, 2010)

Mehdi Charef, Le thé au harem d’Archi Ahmed (1983)

Leïla Sebbar, Parle mon fils, parle à ta mère (1984, 2005)

Akli Tadjer, Les ANI du Tassili (1984)

Hélé Béji, L’œil du jour (1985)

Leïla Houari, Zeida de nulle part (1985)

Marie Féraud, Histoires maghrébines (1985)

Nacer Kettane, Le sourire de Brahim (1985)

Michel Tournier, La Goutte d’or (1985)

Ahmed Kalouaz, Point kilométrique 190 (1986)

Azouz Begag, Le Gone du Chaâba (1986, 2005)

Mehdi Lallaoui, Les Beurs de Seine (1986)

Mustapha Raïth, Palpitations intra muros (1986)

Frank Andriat, Journal de Jamila (1986, 1992, 2008)

Sakinna Boukhedenna, Journal « Nationalité: immigré(e) » (1987)

Antoinette Ben Kerroum-Covlet, Gardien du seuil (1988)

Azouz Begag, Béni ou le paradis privé (1989, 2005)

Tassadit Imache, Une fille sans histoire (1989)

Aicha Benaïssa, Née en France, histoire d’une jeune beur (1990)

Djura, Le voile du silence (1990)

Ferrudja Kessas, Beur’s Story (1990)

Slaheddine Bhiri, De nulle part (1993)

Soraya Nini, Ils disent que je suis une Beurette (1993)

Malika Mokeddem, L’interdite (1993)

Muharrem Türkôz, Moutons sans bergers (1993)

Mounsi, Territoire d’outre-ville (1995)

Malika Madi, Nuit d’encre pour Farah (2000)

Saber Assal, À l’Ombre des Gouttes (2000)

Mina Oualdlhadj, Ti t’appelles Aïcha, pas Jouzifine (2008)

Date de publication
samedi 21 mai 2011
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