Décret « Robin des Bois : quand l’archer cdH manque sa cible…

Nous nous faisions l’écho, le mois dernier, des premières escarmouches dont retentit la forêt de Sherwood lorsque Dame Joëlle entraîna ses mercenaires vêtus d’orange dans une guérilla inattendue contre un décret « Robin des Bois » pourtant précédemment avalisé par son parti et toujours défendu bec et ongles par les troupes rouges et vertes de ses (ex ?) alliés gouvernementaux.

Cette disposition législative devait, sans qu’il en coûte un écu au trésor communautaire, transférer des moyens en personnel et en subsides de fonctionnement des écoles « moins pauvres » aux établissements « très pauvres ». Constatant un peu tard que ce décret était surtout défavorable aux écoles « libres » des milieux aisés dont les parents et les enseignants correspondent davantage à son électorat (pour autant qu’il y ait encore dans l’enseignement catholique beaucoup de votes cdH à espérer !), cette émule du Shérif de Nottingham avait exigé martialement le retrait intégral du décret désormais proscrit.

Désagréablement surpris par cette perfide flèche décochée dans leur dos, les chevaliers rouges et verts du gouvernement de la Communauté française acceptèrent cependant, pour mettre un terme au conflit, de tenir une « Table ronde » avec leurs collègues ministres communautaires du parti orange obligés d’opérer un virage à 180 degrés pour défendre une position présidentielle les mettant particulièrement en difficulté.

Frappant d’estoc et de taille, les combattants cdH se montrèrent valeureux, mais durent céder à la force du nombre. Cependant, les vainqueurs, magnanimes, acceptèrent de ne pas trop humilier leurs adversaires en leur permettant de prétendre avoir obtenu partiellement satisfaction.

Nous avons eu, dans ces colonnes, l’occasion d’expliquer les motivations de cet assaut inattendu des démocrates-humanistes contre un décret qui avait dans un premier temps recueilli leur accord. Il s’agissait de satisfaire les « deux Églises » chères à l’ex-parti du Trône et de l’Autel. D’abord tenter (assez vainement) de reconquérir les faveurs des enseignants et des parents du « libre », échaudés les uns par le peu de considération affiché depuis des années par le cdH à leur égard, les autres par les conséquences d’un décret « inscriptions » qui laisse à nouveau en cette fin juin près de 500 élèves dans l’ignorance de l’école secondaire où ils pourront poursuivre leur scolarité. [1] Ensuite, préserver les liens très privilégiés de l’ex-PSC avec les pouvoirs organisateurs de ce réseau en général et avec ses « amis » du Secrétariat général de l’Enseignement catholique (Segec) en particulier. Ce grand écart s’est, de manière prévisible, traduit par une chute sans gloire.

Que prévoit l’accord intervenu ? Le volet concernant le personnel est supprimé : les transferts prévus de 140 emplois des écoles dites « favorisées » vers les plus démunies n’auront pas lieu. Les premières garderont leurs enseignants, mais les secondes recevront malgré tout les renforts promis grâce à la création de nouveaux postes (pour autant, bien sûr, que la pénurie d’enseignants permette de trouver des candidats à ces fonctions dans des écoles souvent réputées « difficiles »). Par contre, le principe de solidarité financière reste maintenu même si son effet sera partiellement atténué : le décret nouvelle mouture prévoit de conserver le niveau actuel des subventions pour les écoles « haut de gamme », mais sans leur donner la revalorisation prévue par les accords de la Saint-Boniface et dont bénéficieront les autres établissements.

Comme lors des soirs d’élections, les belligérants se proclament tous deux vainqueurs, le cdH saluant « l’abrogation de l’entièreté du mécanisme Robin des Bois » et le gouvernement de la Communauté française insistant sur « le maintien du mécanisme pour ce qui concerne les subsides de fonctionnement ». On comprendra que le second est bien plus crédible que le premier si l’on ajoute que l’accord prévoit également de donner satisfaction à une revendication jugée essentielle par les syndicats enseignants, celle de la taille des classes.

Un précédent accord prévoyait en effet que le nombre d’élèves par classe ne pouvait dépasser « en moyenne » un certain seuil. Ce « en moyenne », inséré à la demande des pouvoirs organisateurs, leur aurait permis de « gonfler »  certaines classes pour en soulager d’autres… et donc de favoriser les membres du personnel à l’échine plus souple au détriment de ceux qui se montrent moins dociles. Ces deux mots ont désormais disparu, ce qui, ajouté au maintien partiel des transferts de subsides, ne doit guère réjouir pouvoirs organisateurs et Segec.

Et comme, malgré leur relative victoire, les enseignants ne sont pas près d’oublier le mépris affiché à leur égard par le parti de Dame Joëlle depuis vingt ans, la lutte qui a animé la forêt de Sherwood, loin de se traduire par un succès orange, s’apparente davantage à une défaite en rase campagne… électorale.

MAGISTER


[1] Pour tenter de rassurer les parents-électeurs concernés, la ministre Simonet utilise un argument-massue : des places seront libérées sous peu par les élèves de 6eprimaire déjà inscrits en 1e secondaire qui échoueront au Certificat d’Études de Base (CEB). Quand on sait que le pourcentage global de réussite au CEB était l’an dernier de 94,5% et qu’assez logiquement les rares échecs se situent davantage dans les écoles où peu d’élèves veulent s’inscrire que dans celles où existent des listes d’attente, on mesure la valeur du raisonnement…

Date de publication
dimanche 19 juin 2011
Entrez un mot clef :