Marianne Belgique ? Une Arlésienne !

Annoncé en septembre de l’année passée pour le premier trimestre 2012, puis il y a trois semaines pour le 17 septembre prochain, le premier numéro de Marianne Belgique n’est manifestement pas près de sortir des rotatives et d’enflammer la « nation francophone » que l’hebdomadaire parisien prétendait pourtant faire sortir de son tombeau. C’est que, dans la Ville-lumière, on avait négligé un minuscule détail : avant de donner le bon à tirer, il se recommande généralement d’avoir des pages à imprimer. Or, à ce jour, le nouvel hebdo de la francophonie militante se cherche toujours un rédacteur en chef et, très accessoirement, quelques plumitifs sous-payés pour les noircir…

Et ça ne va manifestement pas tout seul. Nos éminents confrères français, bien sûr, connaissent mal le terrain. Par une malchance insigne, on ne leur a proposé qu’un irrésistible duo comique pour les piloter dans ce champ de mines : les frères Remiche en personne. L’aîné, Bernard, est un avocat qui fut chef-cab’ de Lucien Outers à la Coopération au développement à l’époque de gloire du FDF. Le cadet, Benoît, rallia plus tard le PSC de Melchior Wathelet senior en provenance du Rassemblement wallon naufragé, et présida le conseil d’administration de Belgacom avant de s’en faire virer et de se reconvertir en patron de PME subventionnée par les pouvoirs publics.

Calotins et wallingants, ou wallingants et calotins, c’est comme on veut, les Remiche ne manquent pas d’entregent. Chaudement lovés dans la gauche caviar de l’Olivier wallo-bruxellois, ils sont bien élevés et portent élégamment le gilet rayé qui affine leur silhouette, mais le choix est curieux et fait bien rigoler le Tout-Bruxelles. Outre que leur pedigree comme patrons de presse est aussi léger que la fumée de leurs cigares, ils n’ont pas précisément une réputation de gestionnaires avisés. Et pour l’impertinence et l’indépendance d’esprit qui est la marque de fabrique de l’hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn, on repassera.

Ce qui ne les empêche pas de s’y croire.

Le premier candidat pressenti par le joyeux duo pour diriger la rédaction à constituer fut notre vieil ami Michel Konen, ex-RTBF et ex-La Libre, alors attaché de presse du CDH et porte-sacoches de Jowelle Milquet. Il fit un four lors du roadshow, organisé au Cercle de Wallonie en septembre 2011 et fut remercié le lendemain. Depuis, les candidats se succèdent à haut débit aux entretiens d’embauche. Ceux qui sont sollicités – on vous donnerait bien des noms mais ce ne serait pas sympa pour ces malheureux qui n’avaient rien demandé à personne – déclinent poliment ; et ceux qui sollicitent, émoustillés par la réputation de Marianne, ne plaisent pas aux Remiche qui n‘ont pas encore vraiment saisi la différence entre un rédac’-chef et un secrétaire de rédaction. À moins bien sûr qu’ils l’aient trop bien comprise et se cherchent en réalité une carpe bien servile pour l’attifer en lapin…

De sorte qu’à Paris, on commence sérieusement à se demander si on a bien fait le bon choix, sinon déjà comment sortir de ce foutoir sans trop perdre la face. Le 24 avril, lors de la présentation du numéro zéro – à la Monnaie qui, pour la circonstance, évoquait plus L’Arlésienne que La Muette de Portici, l’absence la plus remarquée fut celle de Maurice Szafran, le grand patron de l’hebdo français, pourtant annoncé comme puissance invitante sur les cartons. Et c’était pas la faute au Thalys.

Bref, Rik De Nolf peut dormir tranquille. Les barbares francolâtres ne campent pas encore aux frontières de l‘empire Roularta.

Eusebia Julianus et Sulpicia Dyrantilla

Date de publication
mardi 15 mai 2012
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