« Courage, fuyons ! »

Docteur en histoire et professeur à l’université Rennes 2, Marc Bergère (°1963) est un spécialiste de l’histoire de l’épuration en France, sujet auquel il a déjà consacré trois ouvrages[1].

Il en publie un quatrième aux Éditions des Presses universitaires de France à Paris, intitulé Lignes de fuite – L’exil des collaborateurs français après 1945 , un essai fortement documenté dans lequel il se penche sur la destinée d’un certain nombre de Français qui, après la chute du IIIReich et parce qu’ils avaient collaboré directement avec lui ou avec ses relais vichystes, trouvèrent le salut dans la fuite, seuls ou avec leur famille, et se dispersèrent dans l’Hexagone, dans ses colonies, en Italie, en Espagne, en Argentine, au Brésil, au Québec, en Irlande et même en Belgique, parfois avec l’aide d’instances catholiques ou internationales[2].

On y croise les noms de personnalités fortement compromises (Raymond Abellio, Raphaël Alibert, l’amiral Paul Auphan, Jean Bassompierre, Abel Bonnard, Louis-Ferdinand Céline, Henri Coston, Louis Darquier de Pellepoix, Marcel Déat, Léon Degrelle, Maurice Gabolde, Claude Jamet, Jean Jardin, Alain Laubreaux, Jean Luchaire, Paul Touvier…) ou peu mouillées (Coco Chanel, Jacques Chardonne, Alfred Fabre-Luce, Michel Mohrt, Paul Morand, Georges Simenon, Suzy Solidor…), de salauds moins célèbres (le délégué en zone Nord de la police de Vichy, le gestapiste Jacques Vasseur qui sévissait à Angers, l’ancien combattant au sein des Brigades internationales en Espagne devenu agent du SD nazi à Bordeaux Jacques Pierre, le gestapiste grenoblois Jean Barbier, le dirigeant doriotiste du PPF Georges Guilbaud…) et de menu fretin de la compromission (une femme de prisonnier de guerre, boutiquière ayant commercé avec des Allemands et les ayant invités à boire un verre dans sa cuisine…) ou supposé tel (Esther Albouy, née en 1920, célibataire et « pas fiancée », probablement violée en 1942, tondue à Saint-Flour en 1944 sur la seule base de vagues rumeurs, puis exilée du Cantal, et qui vécut cloîtrée dans un taudis de 1946 à 1983…), sans oublier ceux d’enfants ballotés dans ces sombres histoires de haute trahison et/ou hantés par elles (Marie Chaix et Anne Sylvestre, Sorj Chalandon, Frédéric Vitoux[3]…)

Édifiant !

PÉTRONE

Lignes de fuite – L’exil des collaborateurs français après 1945 par Marc Bergère, Paris, Éditions des Presses universitaires de France, octobre 2024, 376 pp. en noir et blanc au format 12,5 x 19 cm sous couverture brochée en couleurs, 21 € (prix France)

SOMMAIRE

PROLOGUE : AUX ORIGINES D’UNE ENQUÊTE

PARTIE 1 : DES COLLABORATEURS FRANÇAIS EXILÉS À L’ÉTRANGER

« Vichy sur Danube », une comédie tragique et bouffonne

Chapitre 1 : Sur les routes de l’exil après la fin des hostilités

Combien ?

Cartographie de l’exil

Rome, ville ouverte

L’auberge espagnole

Le purgatoire helvétique

Un dernier tango

Je reviendrai à Montréal

Le cercle celtique

« Les routes des rats » : les filières de l’exil

« Veuillez présenter vos papiers, SVP »

À l’ombre des clochers

L’accueil « collabo »

Les voies du Seigneur sont impénétrables

Connivences gouvernementales

Chapitre 2 : Refaire sa vie en exil

L’exil comme expérience familiale

Des familles à l’épreuve de l’exil

Des femmes collaborationnistes en exil

Mobilités sociales et solidarités « collabos »

Reclassement ou déclassement ?

« Entre purs, on se donne un coup de main »

La guerre continue : poursuivre le combat de l’extérieur

Dénoncer les excès de l’épuration

Commémorer

La bataille de l’écrit

L’exil comme vecteur de diffusion du révisionnisme

Des espaces de rédemption

L’empire comme purgatoire

Faire carrière à l’étranger pour se faire oublier

PARTIE 2 : SE CACHER EN FRANCE ?

Chapitre 3 : Un phénomène d’ampleur à la Libération

Une menace surestimée

Le complot des soutanes

« Plan bleu », « maquis noir » et « maquis blanc »

Un exil intérieur largement et durablement imposé

Vivre sous une autre identité

Des vies clandestines « hors normes »

PARTIE 3 : L’ÉCRITURE COMME REFUGE

Chapitre 4 : La mémoire en marge « des vaincus de la Libération »

Quand les épurés parlent d’abord aux épurés

L’édition d’une littérature de témoignage

« Eau de Vichy et vin de Malaga »

Relais littéraires

Une contre-mémoire de l’épuration

Quand les « enfants de l’épuration » parlent désormais à tous les Français

Mémoires familiales et intimes : sortir du silence ?

Une réception facilitée par des « livres d’écrivains »

Chapitre 5 : Michel Mohrt ou l’écriture comme patrie intérieure

Une rencontre fortuite et lointaine

Michel Mohrt, un académicien épris d’ordre et de liberté

Un rapport singulier au passé qui ne passe jamais

Son syndrome de Vichy

La défaite comme blessure initiale

L’obsession de la guerre civile

Une inaptitude à l’engagement

La tentation de l’exil

ÉPILOGUE ?

BIBLIOGRAPHIE

INDEX NOMINUM

NOTES

REMERCIEMENTS


[1] Une société en épuration. Épuration vécue et perçue en Maine-et-Loire, de la Libération au début des années 1950 (thèse de doctorat), Presses universitaires de Rennes, 2004 ; Vichy au Canada : l’exil québécois de collaborateurs français, Presses universitaires de Rennes, 2015 ; L’épuration en France, Presses universitaires de France, collection « Que sais-je ? », 2018.

[2] À l’instar du collaborationniste belge Pierre Daye (1892-1960), cité dans l’ouvrage, qui passa d’Espagne en Uruguay puis en Argentine avec un passeport Nansen délivré par la Société des Nations.

[3] Marc bergère a toutefois omis de mentionner Alain Robbe-Grillet…

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Date de publication
jeudi 19 juin 2025
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