Sous la botte boche…

En 2009, France Télévisions diffusait la remarquable série documentaire Apocalypse, réalisée par Isabelle Clarke et Daniel Costelle, consacrée aux combats qui ont émaillé la Seconde Guerre mondiale. Il y était présenté par le biais de documents souvent peu connus, voire inédits, un panorama intelligemment construit de l’évolution du conflit et de ses diverses retombées sur les populations des deux camps.

Dans la foulée de la sortie du DVD de la série et de sa diffusion sur les antennes rtbéennes, les Éditions Racine avaient déjà fait paraître un premier opus passionnant écrit par les journalistes maison Bruno Deblander (un ancien du Soir, qui enseigne aussi à l’ULB) et Louise Monaux (par ailleurs historienne de formation), replaçant le focus du documentaire sur le sort de nos compatriotes durant cette guerre [1].

La parution du deuxième volet, dû aux mêmes auteurs et paru récemment chez le même éditeur, est ainsi à saluer, car il n’a rien à envier au précédent. Il s’agit à nouveau de voir quelle fut la vie de ceux qui vécurent dans une Belgique sous la botte (entendez, celle des nazis). L’ouvrage présente ainsi au lecteur une galerie de portraits hétéroclites d’une certaine « Belgique d’en bas », grâce aux témoignages, souvent touchants, que les auteurs ont pu recueillir de ces anonymes ou auprès de leurs descendants et de ceux qui les ont connus sous l’Occupation.

Nous retrouvons dès lors la Campagne des Dix Huit Jours relatée par le soldat Vantrogh dans son journal et la route de l’exil du mois de mai 1940 qu’emprunte la jeune Georgette Stulens pour la Grande-Bretagne avant de s’engager dans les forces britanniques. Nous prenons le chemin du travail obligatoire en Allemagne où nous croisons la future gloire du cyclisme belge Pino Cerami, envoyé à dix-huit ans du pays de Charleroi vers la région d’Erfurt pour y travailler dans une usine d’armements, ou celui de Dachau où fut envoyé l’abbé Jean Cassart, principal du Collège de Chimay. Nous apprenons aussi le destin tragique de la famille Callant, des Montois expatriés en Chine et prisonniers des Japs au camp de Lunghwa, d’où leurs fils cadet, âgé de onze ans à l’époque, mourut à son retour en Belgique.

À côté des soldats engagés sous les drapeaux alliés et des résistants de tous bords qui connurent le feu des armes, nous lisons aussi le témoignage ému que Georgette V. (souhaitant garder l’anonymat) a livré l’hiver dernier sur son père. Celui-ci, séduit autant par un certain appât du gain (mêlé aussi d’une trouille certaine) que par le chant lointain de sirènes de l’Ordre Nouveau, fournit ses vils services aux Allemands dans leurs traques contre la Résistance.

Ce livre invite donc le lecteur à entrer dans l’intimité d’un foyer, où sont racontés au coin du feu les exploits ou les histoires honteuses de « bon-papa et bonne-maman », dans un travail de mémoire très intéressant qui ne manque pas d’interpeller.

Car, héros ou gredins, les Belges qui composent cette galerie ne furent-ils pas, somme toute, des victimes du drame de la guerre ?

EUTROPE

Apocalypse en Belgique 1940-1945 : destins singuliers, par Bruno Deblander & Louise Monaux, Bruxelles, Éditions Racine/RTBF, avril 2011, 208 pp. en noir et blanc au format 15 x 23 cm sous couverture brochée en couleurs, 19,95 €


[1] Apocalypse en Belgique, 1940-1945. Témoignages inédits par Bruno Deblander & Louise Monaux, Bruxelles, Éditions Racine/RTBF, avril 2010, 192 pp. en noir et blanc au format 15 x 23 cm sous couverture brochée en couleurs, 19,95 €

Date de publication
lundi 6 juin 2011
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