Julia Margaret Cameron (1815-1879), pionnière de la photographie

(MSK, Musée des Beaux-Arts de Gand, 14 mars-14 juin 2015)

L’Ange au sépulcre (1869-70)

(610 x 510 x 40 mm)

Tirage à l’albumine d’un négatif au collodion humide.

Don d’Alan S. Cole, 1913.

© Victoria and Albert Museum, London.

Au Musée des Beaux-Arts de Gand, le printemps 2015 sera placé sous le signe de Julia Margaret Cameron (1815-1879).

Née il y a deux cents ans, le 11 juin 1815, à Calcutta, à une période où l’Empire britannique est en plein essor, elle s’est imposée comme l’une des photographes les plus importantes et les plus novatrices du XIXe siècle.

Des images innovantes

Vers les années 1860 – époque marquée par la rapide évolution de la photographie –, Julia Margaret Cameron réussit à prêter voix à une technique en devenir.

Son regard est celui d’une femme indépendante qui fréquente un milieu intellectuel réunissant des peintres, des écrivains, des physiciens et autres personnages influents. Toutes ses photos témoignent d’une profonde sensibilité spirituelle et d’un point de vue résolument féminin. Ces qualités se manifestent dans ses portraits de Thomas Carlyle, Charles Darwin, John Herschel, Alfred Tennyson et G.F. Watts, mais davantage dans ses tableaux montrant des femmes et des enfants, séparément ou en groupe.

Sainte-Cécile, d’après le style de Raphaël, 1865

(570 x 420 x 40 mm)

Tirage à l’albumine d’un négatif au collodion humide.

© Victoria and Albert Museum, London.

Ces images sondent les profondeurs de l’âme des sujets, explorant les liens affectifs entre les modèles, mais aussi entre les modèles et la photographe. Bien qu’elle puise son inspiration dans la noblesse des thèmes des récits bibliques, de la mythologie classique et de la littérature, Cameron les libère de leur contexte et les actualise.

Ne se contentant pas d’apporter une note romanesque à une nouvelle technique, J. M. Cameron aspire à donner à l’humanité un sentiment esthétique. Ses œuvres offrent un point de vue prophétique et comblent une importante lacune dans le développement d’une technique en devenir. De plus, elles témoignent, toutes et chacune, d’un regard de femme sur le monde, un regard qui dément leur apparente discrétion, un regard qui est aussi convaincant que celui des grandes romancières anglaises de la fin de l’époque victorienne.

Parallèlement au développement du mouvement préraphaélite, les photographies de Cameron représentent non seulement des séductrices et des maîtresses, comme le font celles de ses collègues, mais aussi des mères et des grands-mères aimantes, avec des enfants et des petits-enfants, dans des scènes de tous les jours. Son univers est celui de l’espace féminin et familial, et c’est dans ce contexte que sa photographie fascinante, émouvante et maternelle s’épanouit.

Florence Fisher, 1872

(610 x 510 x 40 mm)

Tirage à l’albumine d’un négatif au collodion humide.

© Victoria and Albert Museum, London.

Parmi les cris d’excitation des enfants, les costumes et draperies pêle-mêle, s’élève une voix qui relie l’époque héroïque de la peinture d’histoire et des scènes bibliques à l’époque moderne de la vie intérieure, du soi et de l’empathie. Cette voix, résolument contemporaine mais sans écho, est celle d’une artiste dans la fleur de l’âge. En établissant une continuité entre les aspects du quotidien d’hier et d’aujourd’hui, elle crée un merveilleux amalgame de la famille, de l’amitié et du patrimoine culturel britannique, avec son art, son théâtre et sa littérature, du Roi Lear de Shakespeare et des Idylles du Roi de Tennyson au roi Arthur et autres légendes héroïques.

Pourquoi de la photographie au Musée des Beaux-Arts de Gand ?

Julia Margaret Cameron, peut-être plus que tout autre, a réussi à élever la photographie au rang de l’art tel que nous le connaissons. Elle aspirait à « anoblir la photographie et à lui assurer le caractère et les usages de l’Art en associant le réel et l’idéal et en ne sacrifiant rien à la Vérité par toute la dévotion possible à la poésie et à la beauté ». Elle situait sa photographie dans le contexte de l’art ancien et moderne, l’apparentant à la peinture, la sculpture et le dessin.

En 1868, le South Kensington Museum (actuel Victoria & Albert Museum) met à sa disposition deux salles à proximité de celles consacrées à son impressionnante collection de peintures qui lui servent de studio de portrait, faisant d’elle sa « première artiste en résidence ». Ses photographies s’apparentent effectivement à des tableaux et dessins non seulement par leurs sujets et leurs compositions inspirés des maîtres anciens (et modernes), mais également par leur taille relativement importante, leur flou artistique et leurs jeux contrastés d’ombres et de lumières.

Une occasion unique

Cette année marque le 200e anniversaire de la naissance de la photographe. Par sa présentation de l’exposition Julia Margaret Cameron (1815-1879), pionnière de la photographie, le Musée des Beaux-Arts de Gand est le seul musée en Europe à célébrer cet anniversaire.

L’exposition réunit des œuvres provenant de la riche collection du Victoria & Albert Museum, qui fut non seulement le seul à exposer les œuvres de J. M. Cameron de son vivant, mais aussi le premier à constituer une importante collection de ses photographies en les achetant de l’artiste. Julia Margaret Cameron (1815-1879), pionnière de la photographie offre une occasion unique de découvrir des œuvres de cette grande dame de la photographie qui n’ont jamais été présentées à l’extérieur de la Grande-Bretagne.

Gerrie SOETAERT

Julia Jackson, 1867

(610 x 510 x 40 mm)

Tirage à l’albumine d’un négatif au collodion humide.

© Victoria and Albert Museum, London.

Renseignements généraux

http://www.mskgent.be/fr/informations-pratiques

Biographie de Julia Margaret Cameron (1815-1879)

1815. Julia Margaret Pattle est née à Calcutta le 11 juin 1815, quatrième de sept sœurs. Son père occupe un poste de haut fonctionnaire à la Compagnie britannique des Indes orientales et sa mère descend de l’aristocratie française.

Elle fait la majeure partie de ses études en France.

1834. Retour en Inde.

1836. Rencontre Charles Hay Cameron au cap de Bonne-Espérance. Le couple se marie en 1838 à Calcutta, où naîtront quatre de leurs enfants. Cameron est fonctionnaire à Calcutta et possède des plantations de caoutchouc et de café à Ceylan.

John Herschel initie Julia à la photographie en 1836.

1848. Charles Hay Cameron prend sa retraite et la famille s’installe en Angleterre, où naîtront deux enfants. Ils vivent à Tunbridge Wells, Kent, East Sheen et Putney, à Londres, avant de se fixer sur l’île de Wight en 1860.

Fréquente le salon tenu par sa sœur Sara Prinsep dans sa résidence londonienne, Little Holland House, où elle fait la connaissance de divers artistes et écrivains.

1863. Sa fille et son gendre lui font cadeau son premier appareil photo.

Mary Hillier, 1864-66

(570 x 420 x 40 mm)

Tirage à l’albumine d’un négatif au collodion humide.

© Victoria and Albert Museum, London.

1864. Première photo réussie en janvier 1864.

Première exposition de son travail en mai 1864 (Photographic Society, Londres) ; commence à vendre ses photos par l’entremise de la galerie P. & D. Colnaghi and Co. à Londres.

1865. Réalisation de la série Fruits of the Spirit, qu’elle présente au British Museum.

Elle expose son travail au South Kensington Museum ; communique régulièrement avec le directeur du Musée, Henry Cole. Le Musée réunit une importante collection de ses œuvres sous la forme d’acquisitions ou de dons offerts par Cameron. Présente son travail à Londres, à Berlin et à Dublin.

1866. Le South Kensington Museum met deux salles à sa disposition qui lui servent de studio de portrait.

Julia Jackson, 1867

(610 x 510 x 40 mm)

Tirage à l’albumine d’un négatif au collodion humide.

© Victoria and Albert Museum, London.

1867, 1872, 1873. Participe aux expositions universelles et internationales de Paris, Londres et Vienne.

1874. Écrit Annals of My Glass House, un texte autobiographique qui sera publié pour la première fois en 1889.

1874-75. Publie Illustrations of Tennyson’s Idylls of the King, and Other Poems, comprenant 25 photographies.

1875. Julia et son mari s’installent à Ceylan, où leurs deux fils ainés s’occupent de la gestion des plantations de café familiales. Ralentit ses activités professionnelles.

1879. Julia Margaret Cameron meurt à Ceylan.

1892. Le travail de Cameron est montré en Belgique pour la première fois dans le cadre de l’Exposition de l’art photographique anglais au Cercle Artistique et Littéraire à Bruxelles.

Date de publication
mercredi 11 mars 2015
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