Une histoire belge…

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, une petite commune belge des Cantons de l’Est constitua de 1816 à 1919 un État indépendant de 3,5 km², le Moresnet neutre, disposant d’un « gouvernement », d’une monnaie, d’un drapeau, de timbres-postes (pendant deux semaines, du 5 au 19 octobre 1886) et d’une langue nationale… l’espéranto.

La raison en est qu’en 1816, le royaume de Prusse et le royaume des Pays-Bas ne trouvèrent pas d’accord sur l’exercice de la souveraineté à exercer sur la municipalité de Moresnet, notamment à cause de la mine de smithsonite (une espèce minérale formée de carbonate de zinc) très importante d’Altenberg (« Vieille Montagne », comme le nom de l’entreprise qui l’exploitait) qui s’y trouvait. La petite ville fut alors scindée en trois parties : Moresnet, intégré aux Pays-Bas, Neu-Moresnet, rattaché à la Prusse, et l’hinterland, qui devint neutre et fut géré conjointement par les deux États.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, la mine de zinc de Moresnet neutre était la plus riche d’Europe, et plus de deux millions de tonnes de minerai en furent extraites en cinq siècles.

Lorsque la mine de la Vieille Montagne fut épuisée en 1885, l’existence même de Moresnet neutre fut remise en question. Plusieurs propositions furent avancées pour y amener de nouvelles activités économiques, telle la création d’un casino.

L’initiative la plus remarquable fut avancée par le docteur Wilhelm Molly, qui proposa de faire de Moresnet le premier État utilisant officiellement l’espéranto, sous le nom d’Amikejo, « Lieu d’amitié ».

Cependant, ni la Belgique ni l’Allemagne n’avaient abandonné leurs revendications sur le territoire et, vers 1900, à la suite du refus de la Belgique d’ouvrir des négociations sur son statut, les Allemands s’orientèrent vers une politique plus agressive, incluant plusieurs actions de sabotage et d’obstruction administrative. En 1914, pendant le début de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne envahit la Belgique et annexa Moresnet en 1915.

Après la guerre, le Traité de Versailles établit en 1919 la souveraineté belge sur Moresnet neutre, ainsi que sur le village allemand voisin de Neu-Moresnet. Ces territoires furent de nouveau annexés par l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale puis furent restitués à la Belgique en 1944.

Après l’annexion à la Belgique en 1920, la commune prit le nom de La Calamine ou Kelmis ; elle a fusionné en 1977 avec Neu-Moresnet et Hergenrath.

Sous le titre Neutral-Moresnet-neutre, l’historien local Leo Wintgens, docteur ès-lettres de l’Université de Liège, a consacré un superbe album en quatre langues (français, allemand, néerlandais et anglais) richement illustré à cette histoire singulière qui mérite incontestablement d’être connue de tous les vrais Belges (il y en a !) et de leurs voisins.

Ainsi que de tous les amateurs de surréalisme, bien entendu…

PÉTRONE

Neutral-Moresnet-neutre Échos d’une curiosité européenne par Leo Wintgens, Aachen, Helios Verlag & Montzen, Centre de recherches linguistiques Obelit, collection « Documents d’Histoire », novembre 2010, 304 pp. en quadrichromie au format 21,5 x 30,5 cm sous couverture cartonnée et jaquette en couleurs, 39,90 € à verser au compte ISBN 978-3-86933-024-2 du Centre de recherches linguistiques, rue Gustave Demoulin 34 à 4850 Montzen

Date de publication
dimanche 30 janvier 2011
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