« Je suis un mort encore vivant ! » (Jacques Brel)

Voici quarante ans, Jacques Brel (Schaerbeek, 8 avril 1929 – Bobigny, 9 octobre 1978) alors âgé de 49 ans, quittait définitivement la scène d’un monde qu’il a marquée durablement à l’issue d’une carrière à la fois courte, fracassante et protéiforme.

Après des débuts laborieux à Bruxelles en 1952, tout commence pour lui en septembre 1953 quand Jacques Canetti, découvreur de talents, directeur artistique de Philips et propriétaire du théâtre parisien « Les Trois Baudets » appelle le chanteur belge à Paris pour y assurer la première partie du spectacle de Marcel Mouloudji.

Suivent alors, en 1954, le spectacle Cinémassacre dans lequel Boris Vian et Jean Yanne font aussi leurs débuts, puis, en 1956, un premier grand succès public avec Quand on n’a que l’amour.

En 1957, il remporte le grand prix de l’académie Charles-Cros et, à la fin de 1958, il rencontre le succès à l’Olympia avant d’être, en 1958, tête d’affiche à Bobino, où il crée Ne me quitte pas et La Valse à mille temps.

En 1962, il enregistre chez Barclay Le Plat Pays, hommage à la Flandre, puis Les Bourgeois, Bruxelles et Rosa. En 1963, il interprète Les Vieux en référence à ses parents, puis La Fanette, Au suivant ou encore Amsterdam en 1964 et Ces gens-là en 1965.

En 1966, au sommet de sa carrière, Jacques Brel sort l’album Ces gens-là qui, outre la chanson homonyme, compte plusieurs titres incontournables de son œuvre comme Jef, La Chanson de Jacky, Le Tango funèbre, Fernand, Mathilde

C’est alors qu’il décide d’abandonner la scène pour le cinéma, tout en honorant ses contrats. Le 16 mai 1967, il donne son dernier récital à Roubaix.

Durant l’été 1967, il joue dans son premier long métrage, Les Risques du métier du réalisateur André Cayatte, un grand succès public, puis en 1968 dans La Bande à Bonnot de Philippe Fourastié, où il tient le rôle de Raymond-la-Science.

Deux albums paraissent concomitamment, Jacques Brel 67, où figurent La Chanson des vieux amants et quelques titres créés sur scène l’année de ses adieux, puis J’arrive (1968) dont certaines chansons sont filmées en studio ou sur des plateaux de télévision (Vesoul, L’Éclusier, Je suis un soir d’été, Regarde bien petit…)

En octobre 1968, à Bruxelles, au théâtre royal de la Monnaie, il crée L’Homme de la Mancha, version française de la comédie musicale américaine Man of La Mancha d’après Miguel de Cervantès, dans laquelle il interprète le rôle de don Quichotte et Dario Moreno celui de Sancho Pança. La chanson La Quête qui en est issue remportera les faveurs d’un large public.

Au début de l’été 1969, Brel tient le rôle-titre dans Mon oncle Benjamin, un film d’Édouard Molinaro dont il compose la musique avec François Rauber.

Il tourne encore dans plusieurs autres films (dont L’Aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch, sorti en 1972 et devenu culte par la suite) et il en réalise lui-même deux, Franz en 1971, partageant l’affiche avec Barbara, et Le Far West en 1973, qui est un échec. Dans son dernier rôle au cinéma, il crève l’écran dans L’Emmerdeur réalisé lui aussi par Édouard Molinaro.

Des traductions anglaises de ses chansons connaîtront un succès parfois planétaire à l’instar d’Amsterdam dans la version de David Bowie, ainsi que dans celles de Scott Walker (qui interpréta également Mathilde), de Marc Almond (qui enregistra aussi un Jacky) et du groupe Goodbye Mr. Mackenzie, tandis que Terry Jacks se fit connaître avec Le Moribond et qu’Alex Harvey interpréta Next, l’alias d’Au suivant.

La comédie musicale américaine Jacques Brel is alive and well and living in Paris fut jouée dans le monde entier pendant plusieurs années. Elle comprend des traductions rimées, opérées en 1968 par Mort Shuman, ami de Brel, et ce spectacle a été adapté au cinéma en 1974.

Passionné d’aviation et de navigation maritime à voile, Jacques Brel, après une formation de dix semaines, avait été reconnu pilote d’avion qualifié IFR en avril 1970, avant d’obtenir son brevet de « capitaine au grand cabotage » le 1er juillet 1974.

Cette année-là, il se lance avec sa compagne Maddly Bamy et sa fille France dans un tour du monde à la voile en trois ans, mais on lui découvre un cancer du poumon et, lors d’une escale aux îles Marquises, diminué, il décide de se retirer dans ce lieu sauvage où personne ne le connaît.

En 1977, malgré la maladie, il revient à Paris pour enregistrer son dernier album, Les Marquises, qui paraît le 17 novembre et contient des apostrophes politiques radicales (Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? et Les Flamingants).

Rentré en France métropolitaine en juillet 1978 pour y être soigné à l’hôpital Avicenne de Bobigny dans le service d’oncologie du professeur Lucien Israël, Jacques Brel y meurt dans la chambre 305 d’une embolie pulmonaire massive le 9 octobre [1].

Le photographe des stars Alain Marouani (°1940), qui fut le bras droit d’Eddie Barclay pendant trente ans, a accompagné Jacques Brel dans la création de la plupart de ses pochettes de disque. Pour commémorer les quatre décennies du décès du « Grand Jacques », il a fait paraître chez Flammarion à Paris un remarquable beau livre sobrement intitulé Brel rassemblant ses propres portraits de l’artiste, dont de nombreux inédits époustouflants, ainsi que des photographies d’archives, pour rendre un hommage émouvant et magnifique à l’un des plus grands Belges de tous les temps.

Grâces lui en soient rendues !

PÉTRONE

Brel par Alain Marouani, préface de Bruno Brel, Paris, Éditions Flammarion, octobre 2018, 192 pp. en quadrichromie au format 24,6 x 31,8 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 35 € (prix France)

 

[1] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Brel

Date de publication
samedi 6 octobre 2018
Entrez un mot clef :