« La félicité n’existe pas là où l’art du cuisinier est ignoré. » (Cambacérès)

Normalien, agrégé d’histoire, docteur ès lettres, directeur de recherche au CNRS (Centre Roland Mousnier), Alain Drouard est spécialiste de l’histoire et de la sociologie de l’alimentation à l’époque contemporaine.

On lui doit, parue aux Éditions du CNRS, une passionnante Histoire des cuisiniers en France XIXe-XXsiècle dans laquelle il retrace l’évolution de toute la profession.

Écoutons l’auteur :

« Si depuis une trentaine d’années la gloire et le prestige entourent les grands chefs français, l’histoire des cuisiniers ne se confond pas avec celle des cuisiniers les plus célèbres. Le monde des cuisines comprend en effet plusieurs catégories d’« ouvriers » et d’acteurs : à côté des cuisiniers de la restauration commerciale, il y a les cuisiniers de maison bourgeoise et les cuisiniers de la restauration collective.

Si importantes qu’elles soient, ces distinctions n’ont pas empêché les cuisiniers de lutter ensemble pour changer leur statut dans la société. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la condition de l’immense majorité des chefs et des cuisiniers était celle de domestiques ou d’employés. Dans les restaurants, les chefs étaient placés sous l’autorité des restaurateurs, propriétaires des restaurants, et des maîtres d’hôtel qui dans les salles étaient au contact direct de la clientèle.

Les chefs et les cuisiniers ont été longs à s’affranchir de cette double tutelle et à gagner leur indépendance. Ils ont cherché à la fin du XIXsiècle à faire reconnaître leur compétence et leur qualification professionnelle, puis ils sont devenus progressivement au XXe siècle propriétaires de leurs restaurants. La médiatisation puis l’aventure de la Nouvelle Cuisine [1] dans le dernier tiers du XXsiècle les ont mis en relation avec d’autres mondes – le show business, l’industrie et la finance – tandis que l’industrie agroalimentaire changeait complètement les conditions et les modalités d’exercice de leur métier.

Quant aux cuisiniers de maisons bourgeoises, ils ont dû attendre les années 1960 pour acquérir le statut de salarié qui n’est plus seulement celui des cuisiniers de la restauration collective, mais celui de la majorité des cuisiniers en France. Fondée sur des sources et des archives inédites, cette Histoire des cuisiniers en France aux XIXe et XXe siècles est celle d’un groupe, d’un métier, d’une profession en quête d’identité et de reconnaissance. »

Les gourmets, amateurs d’histoire, apprécieront les exemples de menu, de la Belle-Époque à aujourd’hui.

PÉTRONE

Histoire des cuisiniers en France XIXe-XXe siècle par Alain Drouard, préface de Jean-Robert Pitte, Paris, CNRS Éditions, Collection « Biblis », juin 2015, 234 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,9 cm sous couverture brochée en couleurs, 10 € (prix France)

EXTRAIT

Menus types d’Escoffier (1924) [2]

AVRIL

Œufs de pluvier

Velouté printanier

Truite saumonée pochée au vin de Touraine accompagnée d’écrevisses à la Nantua

Selle d’agneau de Béhague poêlée

Petits pois à la française

Pommes nouvelles au beurre

Poussins en cocotte aux morilles

Salade de laitues

Asperges de Lauris

Fraises Sarah Bernhardt

Mignardises

JUIN

Melon Cantaloup

Consommé de poulet (froid)

Turbotin bonne femme

Laitances à la meunière

Ris de veau braisé à l’ancienne mode

Purée Saint-Germain

Dodine de canard en gelée blanche

Cœurs de Romaine

Asperges d’Argenteuil au beurre d’Isigny

Pêches Trianon

Friandises

 

[1] Avec la mise en avant de Paul Bocuse et des frères Jean et Pierre Troisgros par Christian Millau et Henri Gault.

[2] (Source : « Menus et recettes », La Revue culinaire, 1924, p. 248.)

Date de publication
dimanche 28 avril 2019
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