Une grande pionnière du cinéma…

Déjà auteurs chez Casterman à Bruxelles, de trois récits graphiques (Kiki de Montparnasse, Olympe de Gouges et Joséphine Baker), la dessinatrice Catel Muller et le scénariste José-Louis Bocquet récidivent dans la même maison avec la passionnante biographie d’Alice Guy (1873-1968), la première réalisatrice de l’histoire du cinéma.

C’est en 1895, à Lyon, que les frères Lumière ont inventé le cinématographe. Quelques mois plus tard, entre septembre 1896 et mai 1897, à Paris, Alice Guy, 23 ans, réalise sept courts- métrages pour Léon Gaumont dont elle est la secrétaire, des films parmi lesquels on pointera le premier, La Fée aux choux [1] (1896), dont le thème aurait été inspiré par l’invention des couveuses en Belgique et leur présentation à l’Exposition universelle de Paris de 1889.

Première réalisatrice de l’histoire du cinéma, Alice Guy dirigera plus de 300 films en France.

En 1907, après avoir épousé Herbert Blaché, un opérateur issu de l’agence Gaumont de Londres, elle part à la conquête de l’Amérique, crée en 1910, à Flushing près de New York, sa propre maison de production, la Solax Film Co, construit en 1912 un studio à Fort Lee dans le New Jersey et fait fortune.

Alice Guy tourne des mélodrames, des westerns, des films sur la guerre civile. Elle s’intéresse souvent aux problèmes ethniques, et lorsque ses acteurs blancs refuseront d’apparaître à l’écran avec des acteurs noirs, elle réalisera A Fool and His Money (1912), un des premiers films joués uniquement par des acteurs afro-américains.

Mais en 1917, le cinéma, devenu une grande industrie, migre sur la côte ouest des États-Unis où les indépendants ont peu de place et, en 1919, son mari, qui avait mis la Solax Film à son nom, la quitte pour une actrice et part pour Hollywood.

Divorcée et ruinée, Alice Guy rentre en France en 1922 avec ses deux enfants.

Elle ne retrouvera plus jamais d’emploi dans le monde du cinéma.

Par la suite, elle suivra sa fille en poste dans des ambassades des États-Unis en France, en Suisse (durant la guerre et jusqu’en 1947), en France à nouveau, aux États-Unis et en Belgique.

Puis elle revint aux États-Unis en 1964, dans la ville de Wayne (New Jersey), où elle s’éteindra en 1968, à l’âge de 95 ans.

Elle est enterrée au cimetière Maryrest de Mahwah (comté de Bergen).

Femme libre et indépendante, témoin de la naissance du monde moderne, elle aura côtoyé les pionniers de l’époque : Gustave Eiffel, Louis et Auguste Lumière, ou encore Georges Méliès, Charlie Chaplin et Buster Keaton.

L’universitaire belge Victor Bachy, qui l’avait interviewée en 1963, publiera ses mémoires posthumes trente ans plus tard[2].

Remarquable en tout point, l’album de Catel Muller et José-Louis Bocquet est riche de très nombreuses informations, complétées par une filmographie, une bibliographie et des notices biographiques des personnages qu’a croisés Alice Guy durant sa carrière.

Signalons pour conclure qu’une exposition autour d’Alice Guy sera présentée du 13 novembre au 31 décembre 2021 à la Médiathèque Olympe de Gouges à Strasbourg.

PÉTRONE

Alice Guy par Catel Muller et José-Louis Bocquet, Bruxelles, Éditions Casterman, septembre 2021, 400 pp. en noir et blanc au format 14,2 x 21,5 cm sous couverture brochée en couleurs et à rabats, 24,95 €


[1] Synopsis : dans un jardin, une fée salue aimablement le public et se penche sur des choux immenses. Elle en sort comme par magie un, puis deux nouveau-nés qui gigotent, puis un troisième figuré par une poupée, qui sont successivement déposés à terre, donnant ainsi foi à la légende du folklore français selon laquelle les petits garçons naissent dans les choux et les petites filles dans les roses. (Wikipédia)

[2] Victor Bachy, Alice Guy-Blaché (1873-1968) : La première femme cinéaste du monde, Perpignan, Institut Jean-Vigo, collection « Les Cahiers de la cinémathèque », 1993

Date de publication
lundi 4 octobre 2021
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