« Si la musique nous est si chère, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur. » (Romain Rolland)

Directeur de recherche émérite au CNRS, iranologue et musicien, l’ethnomusicologue français Jean During (°1947) s’est spécialisé dans les musiques d’Asie centrale (Azerbaïdjan, Iran, Ouzbékistan, Tadjikistan…). Il a publié une cinquantaine de CD et une douzaine d’ouvrages, dont Musiques d’Iran – La tradition en question, Musique et Mystique dans les Traditions de l’Iran, L’Âme des sons et A sense of tradition in Eastern musical culture.

Il ressort[1], aux Éditions du Cerf à Paris et dans une version actualisée, son essai magistral intitulé Musique et extase – L’audition mystique dans la tradition soufie qui traite d’un sujet tout à la fois original et pertinent pour la connaissance de racines culturelles propres à l’islam, à savoir la musique comme source d’extase chez les derviches tourneurs.

« Derviches tourneurs » est le nom donné par les Européens aux adeptes de la confrérie des Mevlevi. Cet ordre de soufis a été créé par le fils du grand poète et mystique persan Jalal al-Din Roumi à Konya, en Turquie actuelle, au XIIIsiècle.

Afin d’approcher le plus possible de la connaissance intime de Dieu, les fidèles se livrent, entre autres, à une cérémonie musicale et dansée appelée le samâ‘. Celle-ci peut être individuelle ou collective, sous la direction du shaikh, ou maître spirituel de la confrérie.

Dans ce cas, le samâ‘ a lieu après la prière, et commence toujours par la lecture d’un poème extrait du Masnavi de Roumi. De nombreux gestes et salutations rituels encadrent la danse proprement dite et tous ont un sens spirituel.

Par exemple, lorsque les danseurs tournent, la paume de leur main droite est orientée vers le ciel, indiquant que le danseur reçoit de Dieu, tandis que la gauche, orientée vers le sol, indique que le don de Dieu est restitué à la terre et au peuple[2].

Dans la culture soufie, l’audition de musique est considérée comme un moyen de vivifier l’âme et d’accéder à un état de grâce afin de se rapprocher du divin. Il s’agit donc d’une tradition de concert mystique, d’écoute spirituelle de musique et de chants, dans une forme plus ou moins ritualisée.

Dès l’origine du soufisme, ces expériences et affects ont été exposés, commentés et évalués par les maîtres dans des écrits qui font toujours autorité.

Leurs concepts, représentations et symboles n’ont rien perdu de leur prégnance et transparaissent de nos jours encore dans les propos des mystiques, qu’ils aient été transmis par des écrits ou par voie orale, ou qu’ils aient émergé naturellement de leur expérience personnelle.

En ce sens, le samâ‘, au-delà de ses colorations culturelles, est un phénomène universel[3].

Cet ouvrage, rédigé par un spécialiste de la tradition soufie et de la musique, étudie les origines, la nature et les effets de la musique soufie, en s’adressant aussi bien aux spécialistes qu’au public cultivé.

La présentation des textes fondamentaux du soufisme sur la musique et l’extase est éclairée par la familiarité de l’auteur avec les traditions de musique sacrée du Moyen-Orient.

Bernard DELCORD

Musique et extase – L’audition mystique dans la tradition soufie par Jean During Paris, Éditions du Cerf, collection « Islam, nouvelles approches », février 2023, 304 pp. en noir et blanc au format 15,9 x 24,2 cm sous couverture brochée en couleurs, 25 € (prix France)


[1] L’édition princeps a paru en 1988 chez Albin Michel.

[2] Source : https://vous-avez-dit-arabe.webdoc.imarabe.org/religion/sunnisme-chiisme-et-soufisme/pourquoi-les-derviches-tourneurs-tournent-ils

[3] Source : Éditions du Cerf.

Date de publication
vendredi 5 mai 2023
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