Un succès triomphal…

C’est à l’initiative de Georges Lebouc, grand spécialiste de la question, que les Éditions Samsa à Bruxelles ressortent, premier ouvrage d’une série qui (re)mettra le patrimoine bruxellois littéraire à l’honneur, Monsieur Peperbol (1934), une pièce de théâtre du coauteur, avec Paul Van Stalle (1908-1995), de Bossemans et Coppenolle (1938), à savoir Auguste Hanswyck, dit Joris D’Hanswyck (1878-1942).

Premier volet d’une trilogie il sera suivi de Peperbol en ribote en 1935 et de Madame Peperbol a tort en 1936 , Monsieur Peperbol connut un succès inouï pour son époque, puisque ses représentations à la Gaîté furent données sans discontinuer du 12 octobre 1934 au 27 octobre 1935, soit au moins 465 fois (ou 475, selon certaines sources).

Ce triomphe résulte bien évidemment des thèmes abordés dans ce vaudeville qui met en scène un couple de boulangers pâtissiers aisés, Élodie et Albert Peperbol, leur fille Caroline fiancée à Marcel Houyoux, un jeune employé de banque, et Hortense, la fidèle servante wallonne de la famille Peperbol qui aime un Flamand d’origine paysanne, Joseph Lollepot.

L’un de ces thèmes est la fortune. Les Peperbol remportent le gros lot de la loterie française et les voilà soudain très riches. S’ensuivra une série de déboires qui les ramèneront à la raison, plaie de trop d’argent pouvant s’avérer d’un ennui mortel.

Un autre, très central, est la question linguistique en Belgique, corrélée aux notions de race, soulevée par Édouard, cousin flamingant et fasciste d’Élodie, « un bon à rien qui veut s’occuper de tout ».

Rappelons que la pièce est jouée à partir d’octobre 1934.

L’université de Gand, après des débats houleux, a été intégralement flamandisée en 1930, après l’avoir été brièvement par l’occupant allemand de 1916 à 1918.

Le 6 octobre 1931, Joris Van Severen (1894-1940) fonde le Verdinaso, un mouvement flamingant qui présente toutes les caractéristiques d’un mouvement fasciste : une milice, le port d’uniformes, l’organisation de défilés, un programme anti-démocratique et un vocabulaire antisémite.

Le Vlaams Nationaal Verbond, un parti nationaliste flamand d’extrême droite, a été fondé le 8 octobre 1933 par l’agitateur Staf Declercq (1884-1942) ans le but de créer un État flamand séparé de la Wallonie.

En Allemagne, Hitler est devenu chancelier du Reich le 19 août 1934, et avec lui triomphe la volonté de l’antisémitisme délirant et abject porté par tout un peuple voisin de la Belgique.

Ce contexte historique inquiétant pour la petite bourgeoisie bruxelloise notamment, dont la langue est un mix de français et de flamand trahissant ses caractéristiques de zinneke en matière raciale, parce qu’il est traité de manière antiraciste avec cette forme d’humour mêlant le français, le dialecte et la zwanze brusseleer que l’on trouvait auparavant dans Le Mariage de Mademoiselle Beulemans (1910), explique le triomphe de la pièce de D’Hanswyck et annonce celui de Bossemans et Coppenolle qui transposera la problématique sur un plan footballistique.

PÉTRONE

Monsieur Peperbol par Joris D’Hanswyck, texte revu, commenté et préfacé par Georges Lebouc, Bruxelles, Éditions Samsa, collection « Des lettres bruxelloises », octobre 2021, 161 pp. en noir et blanc au format 14 x 20,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 18 €

Date de publication
mercredi 20 octobre 2021
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