Christophe Bellon est professeur d’histoire contemporaine à l’Université catholique de Lille et membre correspondant du Centre d’histoire de Sciences Po Paris. Il est l’auteur d’une biographie d’Aristide Briand (2016) et de nombreux travaux sur l’histoire politique et parlementaire de la France, dont La République apaisée. Aristide Briand et les leçons politiques de la laïcité (2015, réédition 2016). Vice-Doyen de Faculté, il préside les Semaines sociales du Nord et du Pas-de-Calais.
Il publie aux Editions du CNRS à Paris Waldeck-Rousseau – Sauver la République, une imposante biographie politique de Pierre Waldeck-Rousseau, né le 2 décembre 1846 à Nantes et mort le 10 août 1904 à Corbeil-Essonnes, un homme d’État français, républicain et libéral, dont le nom est associé à plusieurs réformes importantes, les plus significatives étant la légalisation des syndicats (loi Waldeck-Rousseau de 1884) et la loi de 1901 sur les associations.
Il a par ailleurs joué un rôle clé dans la gestion de l’affaire Dreyfus[1] (1894-1906) et la réhabilitation du capitaine injustement déporté à l’île du Diable.
En 1899, Pierre Waldeck-Rousseau fut appelé par le président Émile Loubet (1838-1929) pour former un gouvernement. Représentant éminent des républicains modérés, ministre de Léon Gambetta (1838-1882), puis de Jules Ferry (1832-1893) dans les années 1880, il constitua un gouvernement de « Défense républicaine » incluant des personnalités de sensibilités différentes, comme le général Gaston de Galliffet (1831-1909) et le socialiste indépendant Alexandre Millerand (1859-1943).
Son cabinet, qui dura près de trois ans, fut le plus long de la IIIe République. Il marqua, on l’a dit, un tournant dans l’affaire Dreyfus et poursuivit une politique économique et sociale faite à la fois d’avancées sociales incarnées en particulier par Millerand et d’une certaine modération représentée par le ministre des Finances Joseph Caillaux (1863-1944).
Il fut soutenu dans l’ensemble par le camp républicain, allant de l’Alliance républicaine démocratique, proche des milieux d’affaires, aux socialistes révolutionnaires, incarnés par Édouard Vaillant (1840-1915) et Jules Guesde (1845-1922) qui, s’ils critiquèrent la participation de Millerand, prônèrent pour un temps l’unification[2].
Présentation de l’ouvrage :
« À la fin du XIXe siècle, la France républicaine se dresse contre la France catholique. Plusieurs gouvernements viennent de tomber ; la République est bousculée. Quel républicain peut prendre les rênes du gouvernement de la France ?
Dans ce moment de crise, Waldeck-Rousseau rassure : élu député très jeune, il s’est déjà illustré à deux reprises au ministère de l’Intérieur. S’il prend alors les traits de l’homme providentiel, il est surtout celui qu’on n’attendait pas.
D’une timidité presque maladive, il a exercé ses responsabilités politiques avec un détachement et un désintéressement qui lui ont assuré une grande autorité et une popularité singulière.
Ni radical, ni socialiste, il compte agir en homme du bloc central, non par seule commodité, mais parce que c’est au centre que l’on peut le mieux réaliser l’unité républicaine et coordonner tous ceux qui veulent “la République définitive”.
Comment expliquer alors que celui qui a mis fin à l’affaire Dreyfus, a fait oublier les grands scandales par l’action de la justice, a tenu dans la crise sociale en parlant directement avec les ouvriers et a construit un compromis laïque fondé sur la logique associative, ait glissé aussi rapidement dans l’oubli ?
C’est à cette question que répond Christophe Bellon en réinscrivant la trajectoire et l’action de cet homme dans l’histoire politique de la Troisième République. »
Une remarquable réhabilitation historique…
PÉTRONE
Waldeck-Rousseau – Sauver la République par Christophe Bellon, Paris, CNRS Éditions, septembre 2025, 532 pp. en noir et blanc au format 15 x 23 cm sous couverture brochée en couleurs, 26 € (prix France)
TABLE DES MATIERES
Introduction
Partie 1
Penser la République
(1846‑1881)
Chapitre 1. Une éducation républicaine et catholique
L’influence paternelle
Waldeck-Rousseau père, représentant du peuple à l’Assemblée constituante de 1848
Dans la culture maternelle janséniste
La vie familiale, rue Dugommier, à Nantes
Un enfant sage, un écolier appliqué
La formation incomplète d’un adolescent au romantisme décalé
Chapitre 2. À la recherche d’une vocation
L’apprentissage laborieux du droit : Poitiers, un faux départ
Premières années à Paris : une formation universitaire tout aussi pénible
L’échec en troisième année de licence
L’heure du ressaisissement, du succès et du choix
Les variations de la quête spirituelle du jeune Waldeck-Rousseau
À vingt ans, le temps du doute
De l’autonomie de la foi à la critique sociale de l’Église
Chapitre 3. Un début dans l’Ouest
L’éveil à la vie publique : la campagne pour les élections législatives de 1869
Penser sa République : les idées politiques du jeune avocat
Dans les pas de son maître, Jules Dufaure
Avocat à Saint-Nazaire : dans l’ombre portée de la famille nantaise
Juillet 1870-Janvier 1871 : la guerre de Waldeck-Rousseau
Waldeck-Rousseau père et fils, dans la République conservatrice de « M. Thiers »
Pour l’union des républicains
Avocat au Barreau de Rennes : une adaptation rapide
Les riches années de Maître Waldeck-Rousseau
La crise du 16 mai 1877 et l’appel de la politique
Chapitre 4. Le député qu’on n’attendait pas
L’avocat républicain à l’épreuve de l’engagement politique
Être ou ne pas être candidat
Député de Rennes ou le succès d’un ancrage électoral : première campagne victorieuse
Une adaptation rapide au métier parlementaire
Dans le bain opportuniste, le choix de Gambetta contre Ferry
Rapporteur de la réforme de la magistrature : l’octroi d’une légitimité politique
Le rapporteur face au Ministre : un dialogue, accélérateur de la réforme
À l’épreuve de la séance publique : « première tribune » et vrai tremplin politique
Partie 2
Gouverner la République : galops d’essai
(1881‑1884)
Chapitre 5. Avec Gambetta. La recherche contrariée du bon gouvernement
À nouveau rapporteur : en mémoire des victimes du Coup d’État du 2 décembre
Waldeck-Rousseau se met au service exclusif de Gambetta
Dans la campagne des élections législatives de 1881
Ministre de l’Intérieur du « Grand Ministère »
La minutieuse organisation de ses entourages ministériels
Les grandes circulaires du ministre de l’Intérieur : l’autorité au service des libertés
Le scrutin de liste ou la quête du Graal
La procédure d’examen de la réforme constitutionnelle en échec
Comprendre la chute du 26 janvier : le bon gouvernement, introuvable ?
Chapitre 6. Au chevet de l’État
Dans la crise du leadership gambettiste : la République de Gambetta continuée ?
Une initiative parlementaire dense
S’intéresser à la réforme parlementaire
L’échec de l’unité républicaine, à la mort de Gambetta : le diagnostic
« La nécessité pour la République d’être un “gouvernement” » : l’ordonnance
Chapitre 7. Avec Ferry. Transformer la République
Un contrat de gouvernement pour une République « qui gouverne » : l’entrée de Waldeck-Rousseau dans le gouvernement Ferry
La nécessité nouvelle d’une « majorité dans l’unité »
Flux et reflux de Waldeck sur la question laïque à l’école
La politique de laïcisation de la vie sociale : le discernement assumé de Waldeck-Rousseau
Dépasser la question laïque : un premier « esprit nouveau »
Chapitre 8. L’affirmation de l’État
L’affirmation efficace de l’État par la « conservation » : la querelle des prétendants, premier avertissement
Contre les manifestations séditieuses : un gouvernement « autoritaire » ?
Une politique pénale pour consolider l’État républicain : la loi sur la relégation des récidivistes
Faire de l’État « l’intendant de la démocratie » : les feux mal éteints de la réforme judiciaire
Vers la réforme constitutionnelle de 1884 : une affaire gouvernementale.
Le ministre de l’Intérieur et le droit de dissolution : immobile, à grands pas
La « loi de Pénélope » du 5 avril 1884 ou la République au village : éduquer le citoyen
La loi sénatoriale : conserver et innover
Partie 3.
Sauver la République : le couronnement politique
(1884‑1902)
Chapitre 9. Régénérer la République par la question sociale
Waldeck-Rousseau ou l’optimisme social
Les travaux parlementaires déjà engagés
Négocier d’abord avec… Jules Ferry : renforcement de sa position de numéro deux
La méthode de l’arbitrage
La responsabilité des patrons en matière d’accidents
Les sociétés de secours mutuels
La protection de l’enfance et des enfants abandonnés
L’institution d’un système de garantie collective des Caisses d’épargne
La suppression des livrets ouvriers
De l’association ouvrière à la liberté syndicale : la question de la grève
Liberté d’association donnée aux syndicats : la nécessité d’une loi nouvelle
La fabrique de la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels : palladium de la législation par l’arbitrage
Appliquer la loi du 21 mars 1884
Chapitre 10. En réserve de la République
Le constat d’échec de la République opportuniste
Dernières illusions et premières amertumes : la chute du gouvernement Ferry-Waldeck-Rousseau (30 mars 1885)
Quitter la Chambre ou y revenir ?
Réflexions politiques à l’écart du pouvoir
Une retraite momentanée et assumée
Le coup de grâce du boulangisme
Retour dans les prétoires : portrait d’un grand avocat parisien
René Waldeck-Rousseau intime : tentatives de « notabilisation »
Chapitre 11. L’impératif retour en politique
Jalons annonciateurs
La stabilisation post-boulangiste (1889‑1892)
Les scénarios d’une majorité durable
L’« esprit nouveau » de la Chambre modérée
Revenir au Parlement : l’ancien député d’Ille-et-Vilaine devient sénateur de la Loire
Candidat à l’élection présidentielle de janvier 1895 : un galop d’essai pour se compter
Un programme d’actualité : les principes de la réforme parlementaire
Informer et créer l’opinion : la Revue politique et parlementaire
Waldeck-Rousseau et le socialisme naissant
Modeler la nébuleuse centriste
L’essai d’un parti républicain conservateur : le Grand Cercle républicain
Chapitre 12. Le « dernier des trois » au secours de la République
Les espoirs déçus du scrutin de 1898
L’affaire Dreyfus et l’appel à Waldeck-Rousseau
La formation du gouvernement de Défense républicaine (22 juin 1899) : changer de méthode pour mieux gouverner
La feuille de route des membres du gouvernement
La majorité du 26 juin : une majorité de combat
Les entourages du président du Conseil : une équipe de choc
Le rétablissement de l’ordre républicain : trois mois pour agir
Retour du calme dans l’armée : « Silence dans les rangs ! »
Régler l’Affaire : « L’incident est clos ! »
Le gouvernement face à la répression nationaliste
La grâce de Dreyfus et la fin de la séquence troublée : le gouvernement au travail ?
Le ministre des Cultes devant la question religieuse en 1899
La liberté d’association à l’épreuve du nécessaire compromis laïque
La question des deux clergés
L’impact du discours de Toulouse (28 octobre 1900)
La loi de 1901 : une nécessité largement partagée
Le chantier parlementaire de la loi du 1er juillet 1901 : un triple compromis
Une discussion menée tambour battant
La mise en tension de la question sociale
La réponse du gouvernement : un compromis social limité
La réforme de l’enseignement secondaire
Épilogue : Ultimes combats (1902‑1904)
Dans la campagne des élections législatives de 1902 : naissance de l’Alliance républicaine démocratique, parti « waldeckiste »
Résultats des élections générales de 1902 : victoire de Waldeck-Rousseau ?
Le choix de Combes et de la retraite politique : une double décision singulière
Derniers accommodements : Waldeck aide à la composition du gouvernement Combes
Contre Combes et contre la Séparation
Le retrait définitif
Conclusion
Sources principales et bibliographie sommaire
Index des noms de personnes
Remerciements
[1] L’affaire Dreyfus est une affaire d’État devenue un conflit social et politique majeur de la Troisième République, survenu en France à la fin du XIXe siècle autour de l’accusation de trahison faite au capitaine Alfred Dreyfus, juif d’origine alsacienne, qui fut finalement innocenté. Elle bouleversa la société française pendant douze ans, de 1894 à 1906, la divisant profondément et durablement en deux camps opposés : les « dreyfusards », partisans de l’innocence de Dreyfus, et les « antidreyfusards », partisans de sa culpabilité.
[2] Source : Wikipédia.