Alain Kruger, né à Oran en 1958, est un journaliste français.
Producteur éditorial du « Cercle » et du « Cercle Séries » sur Canal+ depuis 2015, il a été directeur rédacteur en chef de divers magazines (7 à Paris, L’Autre Journal, Première et Vidéo 7).
Il a également été « Monsieur Cinéma » pour LCI et France 24, producteur radiophonique et animateur sur Arte Radio ainsi que sur France Culture avec « On ne parle pas la bouche pleine » de 2011 à 2018.
De cette émission à succès, il a tiré un ouvrage qui paraît aujourd’hui chez Albin Michel à Paris.
Intitulé On ne parle pas la bouche pleine – Encyclopédie culturelle de la gourmandise, il adapte, illustrées de dessins au trait par Solange Gautier, 36 interviews de célébrités et de spécialistes autour de thèmes et de personnalités très variés vus sous un angle historique, géographique, mystique, poétique, ludique et gastronomique.
On y trouve :
• Des écrivains célèbres (Jean de La Fontaine, Miguel de Cervantes, Molière, William Shakespeare, Denis Diderot, Louis-Sébastien Mercier, Victor Hugo, Guillaume Apollinaire, Marcel Proust, Jean Cocteau…)
• Des personnages de bandes dessinées (Gaston Lagaffe et Obélix)
• Des époques et des lieux fastueux (le Versailles de Louis XIV, le Grand Véfour au Palais-Royal)
• Des cuisiniers et chefs de renom (Antonin Carême, Auguste Escoffier, Raymond Oliver, Michel Oliver, Bernard Pacaud, la Mère Brazier, Claude Peyrot, Alain Passard, Thierry Marx, Pierre Gagnaire…)
• Des personnalités diverses (Chantal Thomas, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, Kasimir Malevitch, Jacques Borel, le capitaine Cook, Philippe Sarde…)
• Des mets savoureux (les oursins, les huîtres, les blinis, l’ail, les épices, le foul, la grenade, les côtelettes d’agneau, le canard aux huîtres, les pieuvres japonaises, les carpes, les petits harengs hollandais…)
• Des thèmes surprenants (l’hostie à travers le temps, les vers de terre, les nourritures agroforestières, les nourrices d’enfants, le cannibalisme, les rituels vaudous, le caddy du zombie, le vampirisme, les bacchanales inspiratrices du film La Grande Bouffe de Marco Ferreri, les carnets de recettes rédigés par des déportés dans les camps…)
Une farandole de délices !
PÉTRONE
On ne parle pas la bouche pleine – Encyclopédie culturelle de la gourmandise par Alain Kruger et ses invités, illustrations de Solange Gautier, Paris, Éditions Albin Michel, novembre 2025, 416 pp. en noir et blanc au format 15 x 22 cm sous couverture brochée en couleurs, 24,90 € (prix France)
TABLE DES MATIERES
MISE EN BOUCHE
Poulpe poêlé à l’anis en branche
LE MENU
Fables et autres choses
qui semblent plus vraies que raisonnables
Qui mange qui chez La Fontaine ?
Patrick Dandrey, président des Amis de La Fontaine, nous fait déguster la langue du poète. Dans les fables, tout mangeur a vocation à être mangé. La cigale crie famine, le corbeau ne devrait pas parler la bouche pleine, l’agneau se désaltère et le loup l’emporte et puis le mange. Apologie de la nutrition immédiate.
De la panse de Sancho aux jeûnes de Don Quichotte
Florence Delay, l’académicienne amoureuse de Cervantès et de son ingénieux hidalgo, évoquait pour nous l’alimentation cervantine dans la Mancha. Si Cervantès a souffert de la faim et de la soif dans les geôles d’Alger ou de Séville, le sujet est au cœur de ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale
Victor Hugo : « Madame Magloire, vous mettrez un couvert de plus »
Jacques-Noël Pérès, docteur en théologie, se passionne pour Victor Hugo et collectionne ses œuvres ; de la bonne soupe de Madame Magloire dans Les Misérables aux confitures de L’Art d’être grand-père, il nous fait goûter des textes où l’amour et l’humour de table sont des ingrédients essentiels.
De Lagaffe à la « Gastonomie »
Sergio Honorez, réalisateur, homme de radio et de télévision belge, grand admirateur de son génial compatriote, le dessinateur André Franquin, nous offre quelques gourmandises de Gaston Lagaffe, connu pour ses siestes et son hyperactivité inventive, tout particulièrement en matière gastronomique – ou plutôt « gastonomique ».
La chair de Proust : un art violent
Yuji Murakami, professeur à l’Université de Kyoto, évoque cet art sacré que représente l’aliment pour Proust, une création sexuée et parfois aussi subtile que peut l’être l’écriture.
Les banquets expirent chez Shakespeare
Nathalie Vienne-Guerrin, professeure en Études shakespeariennes à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, a publié un dictionnaire d’injures shakespeariennes ; elle nous fait déguster la langue du « Barde », celle des banquets évanouis et des fêtes qui finissent mal. Histoires de langues, alliances du parler et du manger.
Tables et tréteaux,
Grand Siècle et Ancien Régime
La table sur les tréteaux de Molière
Patrick Dandrey, professeur émérite à la Sorbonne, dix-septiémiste éclairé, nous invite à la table de Molière, d’Amphitryon, Monsieur Jourdain, Sganarelle, Harpagon, Dom Juan. Du valet italien amateur de vin au paysan gourmand.
La Bouche du Roy
Marie-France Noël et Roland de l’Espée, respectivement historienne de la gastronomie et ancien président des Amis de Versailles, nous entraînent dans le Grand Commun et les coulisses du château pour le Grand Couvert et l’apparat de la bouche du Roi-Soleil.
Les rôts et les mots de Diderot
Jean-Claude Bonnet, directeur de recherche émérite au CNRS, a publié La Gourmandise et la Faim. Histoire et symbolique de l’aliment (1730-1830). Il met en Lumières les repas de Diderot, qui a consacré le repas entre amis, « avec du vin de Champagne, de la gaieté, de l’esprit et toute la liberté des champs », comme la forme idéale de la sociabilité.
Les écrits et les cris du ventre de Paris
Jean-Claude Bonnet est le maître d’œuvre de la première réédition des principaux ouvrages de Louis-Sébastien Mercier, dont le Tableau de Paris. Peintre en littérature, passionné par le gouffre dévorateur de la capitale, Mercier est aussi plein de compassion pour le peuple de Paris.
Cuisiniers artistes et passeurs de légendes,
beauté du geste et intelligence de la main
Carême « roi des chefs, chef des rois et des empereurs »
Pascal Ory, historien, professeur émérite à la Sorbonne et membre de l’Académie française, nous raconte celui qui fut, sous le Consulat, l’Empire et la Restauration, le premier cuisinier artiste médiatique, inventeur du titre de « chef » et de son couvre-chef, la toque, que cet architecte en pièces montées a dessiné en forme de colonne corinthienne.
La cuisine est un jeu d’enfants terribles
Michel Oliver, cuisinier et auteur de La cuisine est un jeu d’enfants, se souvient du Grand Véfour au Palais-Royal (l’ancien Café de Chartres où sont passés Danton, Robespierre et Bonaparte). Il raconte son grand-père, disciple d’Escoffier, son père Raymond Oliver, le premier chef vedette de la télévision française, et son ami Jean Cocteau.
Inspiration, création, mise en cène
Pierre Gagnaire nous parle d’un jeune Forézien, cuisinier par devoir, devenu un créateur célébré dans le monde entier. Amateur de la trompette de Chet Baker et des toiles de Pierre Soulages, il évoque son père et ses pairs, la création et la transmission.
La chanson de gestes de la mère Brazier et du père Peyrot
Bernard Pacaud, fils adoptif de la Mère Brazier et fils spirituel de Claude Peyrot, deux cuisiniers de légende du XXe siècle, nous raconte le geste de ses maîtres triplement étoilés (comme lui d’ailleurs, pendant plus de trente ans, à « L’Ambroisie »).
La beauté du geste du cuisiner légumier
Alain Passard, chef triplement étoilé de « L’Arpège », se réinvente depuis plus de vingt ans avec une cuisine légumière inspirée par ses jardins potagers. Fils d’un passionné de musique et d’une passionnée de couture, il nous raconte la beauté du geste qui voyage au-dessus de ses plats.
Chef samouraï
Thierry Marx, légionnaire d’honneur, maître du feu et du geste, disciple du chef Alain Chapel et du philosophe et escrimeur Miyamoto Musashi, parle de la culture de l’effort.
Goûts et saveurs du Levant au Couchant
Quand le désir surgit de l’eau de l’huître
Chantal Thomas, enfant du bassin d’Arcachon et académicienne française, chante le goût et l’éclat nacré du divin coquillage. Huîtres aphrodisiaques, initiation au plaisir, l’huître comme un cri de plaisir.
Le goût de l’oursin
Xavier Girard, l’historien d’art, a connu ses premières émotions oursines dans les eaux niçoises de son adolescence. Il a détaché les oursins de la roche pour les déguster crus dans les criques du Cap-Ferrat au Cap Canaille.
L’ail comme marqueur social, sexuel et rituel
L’écrivaine et poétesse Liliane Giraudon partage sa passion marseillaise pour ce bulbe, nu ou en chemise, cru ou cuit, délicieusement baigné d’huile d’olive.
À mi-chemin entre la Tunisie et la France
Nordine Labiadh est né dans le Sud tunisien. En l’absence de son père émigré à Vénissieux, Nordine faisait le marché, tirait les filets et rêvait à la France, ses villages, ses clochers, ses maisons sages, en regardant à la télévision les coureurs du Tour de France. À Mi-Chemin, il réunit dans sa cuisine les épices de son enfance et les spécialités du Tour.
Foul sentimental
Tobie Nathan, l’ethnopsychiatre, raconte le foul, cette fève à la forme de petit fœtus, qui a marqué son enfance ; ce plat de pauvre bercé par les chanteurs du Caire et nourri par les paroles d’Hérodote et d’Aristote.
Beyrouth années 30
Étel Adnan, « poète », écrivaine et peintre, fille d’une Grecque orthodoxe de Smyrne et d’un officier ottoman de Damas, se souvenait de la grenade du jour de l’An, des côtelettes d’agneau du dimanche à Beyrouth et du riz dégustés dans la famille de son père à Damas, de ce Liban du mandat français dans lequel elle a grandi.
Dans la cuisine de Monique Lévi-Strauss
Monique Lévi-Strauss, écrivaine, sociologue de la culture et historienne de la mode, vient de publier à quatre-vingt-dix-neuf ans, J’ai choisi la vie ; elle nous fait goûter son canard aux huîtres, ses blinis qui lèvent, les petites pieuvres japonaises et les carpes vivantes, les petits harengs soyeux hollandais, qu’elle dégustait avec son époux Claude Lévi-Strauss.
Nourritures terrestres et spirituelles,
l’agriculture, les cultes, les cultures
L’hostie : manger rien pour absorber le tout
Jean Pierre Brice Olivier est un frère dominicain, auteur de Oser la chair. De la parabole des miettes à l’adoration du Saint-Sacrement, de la Pange Lingua de saint Thomas d’Aquin à l’abstraction absolue de Malevitch, il évoque l’hostie à travers le temps, depuis le pain sans levain de la Pâque juive.
Saint Augustin et sainte Monique : la délectation de l’illicite
Salvador Dalí disait que Jésus était une montagne de fromages, en s’appuyant sur sa lecture de saint Augustin. Le patristicien Jacques-Noël Pérès évoque le Père de l’Église, ses confessions sur une jeunesse qui a le goût du fruit défendu, des pommes, des poires et des amphores de vin, que sa mère berbère, sainte Monique, aimait déguster.
Le sol et ses amis les vers de terre
Marcel Bouché est un jardinier qui a mal tourné. Devenu directeur de recherche en géodrilologie, la branche de la zoologie qui étudie les lombriciens, il aborde un sujet hautement gastronomique, puisque nos chers vers représentent la première biomasse animale des sols.
Les nourritures agroforestières
Geneviève Michon, ethnobotaniste et géographe, détaille ces nourritures agroforestières que nous donnent les arbres quand les paysans les intègrent à leurs champs : veaux, vaches, cochons, durians sont des délices. L’odeur de cathédrale des agroforêts, ça ne se mange pas, mais ça nourrit l’âme.
Industrie et légendes du lait nourricier
Emmanuelle Romanet-Da Fonseca, docteure en histoire, évoque les nourrices, depuis le code Hammurabi jusqu’à l’apogée des nourrices dans la France du XIXe siècle. Le modèle de la mère au foyer n’est devenu dominant qu’à la fin du siècle dernier. La mode de la mamelle était une réalité française décrite par Flaubert, Zola, après avoir été décriée par Rousseau.
Le hamburger, un sous-produit du travail des femmes
Jacques Borel, personnage hors norme, est le créateur des premiers fast-foods français (les « Wimpy »), de restaurants d’entreprise, des Restoroutes et du Ticket-Restaurant.
Le ventre d’Obélix
Nicolas Rouvière, maître de conférences en littérature à Grenoble et spécialiste des aventures d’Astérix le Gaulois, auteur du Complexe d’Obélix, évoque les relations complexes du porteur de menhirs, amateur de banquets et de sangliers, avec les aliments et la marmite.
Recettes rêvées et festins cannibales,
gorestronomie et nourritures de survie
La bonne chair à canon du chef de pièce Guillaume Apollinaire
Laurence Campa est professeure de littérature du XXe siècle à l’Université Paris Nanterre. Elle est la biographe d’Apollinaire. À la fin de l’été 1915, Guillaume Apollinaire décrit, avec son humour le plus noir, le festin cannibale de cette terre de France labourée d’obus et de tranchées, aussi affamée que les soldats qu’elle dévore.
Recettes rêvées et festins de mots
La réalisatrice Anne Georget évoque les carnets de recettes rédigés par des déportés à leurs risques et périls dans les camps. Des carnets écrits dans des moments de partage, remplis de recettes fantasmées, riches du gras et du sucre qui leur manquaient tant et qui remplissaient de folles espérances et de grande illusion les ventres affamés.
Gorestronomie : zombies al dente
Philippe Rouyer, historien du cinéma, nous ouvre l’appétit : cannibalisme, rituels vaudous, caddy du zombie, vampirisme… Buveurs de tous rhésus, unissez-vous, les morts-vivants ne restent pas sur leur faim.
Quand le capitaine Cook passe à la casserole
Anne Pons, écrivaine de marine, nous racontait les voyages du capitaine Cook, le plus grand navigateur et cartographe britannique qui, avant de laisser son nom à des boîtes de conserve, a fini dans une marmite anthropophage.
La Grande Bouffe ou l’art de creuser sa tombe avec les dents
Philippe Sarde a composé 300 musiques de film. Il se souvient des bacchanales inspiratrices de La Grande Bouffe de Marco Ferreri et de la rumba entêtante et funèbre qu’il a composée pour accompagner ce grand festin.
DESSERT
La vie est un millefeuille
Bruno Verjus, dont la devise est « La façon dont on se nourrit décide du monde dans lequel on vit », est le créateur du restaurant Table et l’auteur de L’Art de nourrir (2021). L’itinéraire singulier d’un gastronome passionné devenu un célèbre chef.