Les kékés de Ouistreham

N’est pas Günter Walraff ou Nellie Bly qui veut…

Car, malgré toute la bonne volonté et le sérieux qu’a nécessités son intégration dans le quart-monde, touché de plein fouet par les effets de la crise sur l’économie réelle (expression présumant qu’il existe une économie irréelle), Florence Aubenas n’arrive pas à sortir du cliché : des chômeurs de longue durée mangeant des patates même pas bio devant leur télévision, nouvel opium du peuple.

Et son enquête, Le Quai de Ouistreham, ressortie pour la rentrée littéraire au format de poche chez Points à Paris, finit par relever de l’humoristique tant la candeur de l’auteur surprend. Par exemple, elle s’étonne qu’une femme de quarante ans sans diplôme, sans expérience et sans voiture n’obtienne pas d’emploi simplement en poussant la porte d’une agence d’intérim. Et lorsqu’elle décroche enfin un job d’« agent de propreté [1] », elle n’en revient pas de la difficulté de la tâche et de la pression d’enfer qu’exercent les employeurs sur leurs ouvriers précaires. Allo, Florence ? Ici la France !

Après un commentaire romantique, teinté de gauchisme de bon ton, sur le syndicalisme qui se meurt mais ne se rend pas et sur la politique qui n’est souvent que le cadet des soucis de ce quart-monde qui peine à survivre, Florence Aubenas gratifie le lecteur d’une histoire de transsexuel tendant à prouver à quel point l’indigente engeance est généreuse et ouverte d’esprit.

Il n’y a pas à dire, c’est une pauvreté digne, une pauvreté belle, une pauvreté de chez nous que nous sert la journaliste dans son reportage.

Il lui aura fallu six mois pour bénéficier d’un contrat à durée indéterminée et aligner tous ces clichés (n’) éblouissant (que) l’intelligentsia parisienne qui n’a jamais connu la précarité qu’au travers de ces horribles clochards qui vous alpaguent dans le métro.

Nous sommes donc loin d’une enquête décoiffante, car ni la forme, ni le fond ne sont originaux…

Et dire qu’en parallèle d’autres journalistes innovent en invitant à découvrir, dans un format adapté aux technologies numériques, une investigation sur l’industrie de l’incarcération dans Prison Valley (http://prisonvalley.arte.tv/?lang=fr) serait sans doute enfoncer davantage encore le doigt dans la plaie.

Soulignons toutefois que l’ancienne otage, qui a vu son portrait affiché sur la façade de la mairie de Paris, aura eu la décence de ne pas raconter dans un livre sa captivité de six mois en Irak.

Mais il semble que six mois à Ouistreham se sont avérés tout aussi juteux pour le monde du livre.

Pour notre part, nous invitons de tout cœur l’auteure à s’inscrire au prochain Rally World Quart qui traversera certainement le quai de Ouistreham.

http://www.dailymotion.com/video/x5v8rz_monsieur-manatane-paris-world-tour_fun

ÉLIOGABALE

Le quai de Ouistreham par Florence Aubenas, Paris, Éditions Points, septembre 2011, 238 pp. en noir et blanc au format 10 x 17,6 x cm sous couverture brochée en couleurs, 6,50 € (prix France)


[1] C’est le terme de novlangue pour « femme de ménage » ou « Madame pipi ».

Date de publication
mercredi 12 octobre 2011
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