On apprend dans Les Présidents de la République pour les nuls, paru sous la plume d’Arnaud Folch et de Guillaume Perrault aux Éditions First à Paris, que de Louis Napoléon, élu en 1848, à Nicolas Sarkozy, arrivé au pouvoir suprême en 2007, la France a connu 23 présidents de la République qui, chacun à sa façon, aura marqué son époque au cours du dernier siècle et demi.
Si les plus emblématiques de notre temps furent Charles de Gaulle (1959-1969) et François Mitterrand (1981-1995), en raison du caractère « souverain » de l’exercice de leurs mandats, d’autres hôtes de l’Élysée sont restés dans la mémoire collective pour des raisons diverses : Jules Grévy (1879-1887) parce qu’il fut le premier à être victime d’un scandale, Sadi Carnot (1887-1894) parce qu’il fut le premier à être assassiné, Félix Faure (1895-1899) parce qu’il mourut dans les bras de sa maîtresse, Paul Deschanel (1920) parce que, devenu fou, il tomba d’un train en pyjama, Vincent Auriol (1947-1954) parce qu’il remplit ses fonctions « à la papa », Georges Pompidou (1969-1974) parce qu’il incarnait la France des provinces (il était Auvergnat et on le surnomma « Bougnaparte »), Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) parce que, ayant accédé très jeune à la présidence, il fit souffler un vent de modernité sur la République, Jacques Chirac (1995-2007) parce qu’il se retrouva au second tour d’une élection mémorable face à Jean-Marie Le Pen, et enfin Nicolas Sarkozy (2007-2012) en raison du déluge de critiques qui se sont abattues sur lui, sans d’ailleurs jamais réduire sa « niaque » ni son punch.
L’ouvrage fourmille d’informations et d’anecdotes tout en resituant chaque président dans son contexte historique et politique avec une clarté parfaite, qualité sine qua non il est vrai pour paraître dans la collection « Pour les nuls ».
Un livre d’actualité brûlante !
PÉTRONE
Les Présidents de la République pour les nuls par Arnaud Folch & Guillaume Perrault, Paris, Éditions First, collection « Pour les nuls », novembre 2011, 375 pp. en noir et blanc au format 19 x 23 cm sous couverture brochée en couleurs, 22,90 € (prix France)
Pour vous, nous avons recopié dans ce livre instructif les lignes surprenantes suivantes :
Le président… qui ne voulait pas être président !
Après l’assassinat, le 24 juin 1894, de Sadi Carnot par un anarchiste, le pays, sous le choc, réclame un homme à poigne. Les parlementaires de la majorité (centre et droite) se tournent vers Casimir-Perier. Carnot lui-même, arrivé presque au terme de son mandat, et qui avait annoncé qu’il ne se représenterait pas, voyait en lui son successeur.
Mais il y a un « hic » – et de taille : celui que l’on presse d’être candidat ne veut surtout pas être président ! Cas unique dans l’histoire, il refuse d’être adoubé. À ses amis qui insistent, il répond : « Je ne suis pas l’homme de cette magistrature impossible ». Le gros costaud va même jusqu’à… fondre en larmes devant certains de ses solliciteurs ! « Je ne peux pas et je ne veux pas », répète-t-il, convaincu que la charge, réclamant de permanents arbitrages, est aux antipodes de ses compétences : « Je suis une force, dit-il, encore cette force s’évanouirait à l’Élysée ».
Il faudra toute la force de persuasion de sa… mère pour le décider : « Si votre père était là, il dirait : « Accepte » », le sermonne-t-elle. L’argument fait mouche : il se soumet à contrecœur… Le 26 juin, deux jours après l’assassinat de Carnot, une réunion préparatoire au Sénat des membres de la majorité entérine le choix: Casimir-Perier obtient 180 voix sur les 200 votants.
Le lendemain, 27 juin 1894, le Congrès réuni à Versailles l’élit triomphalement dès le premier tour, par 451 voix (sur 851) contre respectivement 195 et 97 voix aux anciens présidents du Conseil Henri Brisson et Charles Dupuy, 53 au général et grand chancelier de la Légion d’honneur Victor Février et 27 au physicien et sénateur Emmanuel Arago.
Le nouveau président met un point d’honneur à ne pas rejoindre Paris en train, mais à prendre la route en voiture découverte – où Carnot fut poignardé – afin que l’on ne puisse le suspecter de craindre un attentat. Son premier message au Parlement est empreint de la rude solennité que l’on attend de lui : « Un pays qui au milieu de si cruelles épreuves se montre capable de tant de vitalité politique, saura unir ces deux forces sans lesquelles les peuples périssent : la liberté et un gouvernement ».
Mais derrière les apparences, l’homme n’a pas changé : les doutes l’assaillent. Sa mission lui pèse. Il n’en dort pas. Président, il ne veut définitivement pas l’être ! « Me voilà prisonnier ! », confie-t-il à son beau-frère, les yeux embués, le jour même de son installation à l’Élysée. Qu’il abandonnera six mois plus tard…