Théorie explosive…

Né à Charleroi en 1894 et mort à Leuven en 1966, le chanoine Georges Lemaître, physicien, astronome et mathématicien de très haut vol formé à Louvain, à Harvard et au MIT de Boston fut l’un des plus grands savants du XXe siècle, dont la critique des travaux de son ami Einstein (qui croyait au caractère statique de l’univers) déboucha en 1927 sur la théorie – belge donc – du Big Bang, c’est-à-dire d’expansion de l’univers à partir d’un atome primitif [1].

Ce catholique à la foi solidement ancrée avait aussi été un volontaire héroïque de la Première Guerre mondiale et il fut décoré de la croix de guerre pour son action pleine de panache durant la bataille de l’Yser, où il avait eu Joris Van Severen comme compagnon d’armes.

Entré au séminaire de Malines en 1920 et dans les ordres en 1923, il concilia ses pratiques religieuses et ses connaissances scientifiques, en prônant par exemple une lecture symbolique et non pas littérale de la Genèse.

Soutenu par Pie XII (qui n’était donc pas aussi coincé qu’on le croit en matière doctrinale…), professeur à l’Université catholique de Louvain de 1926 jusqu’à sa mort, Georges Lemaître fut aussi nommé en 1960 par le pape Jean XXIII à la tête de l’Académie pontificale des sciences à Rome, institution qu’il maintint à l’abri des assauts conservateurs de la Curie.

Ardemment opposé à la partition de l’Université de Louvain (qui intervint pourtant en 1968 à l’instigation des flamingants menés, entre autres, par l’aujourd’hui très belgicain Wilfried Martens), Georges Lemaître a reçu de brillants honneurs posthumes puisque l’astéroïde 565 porte son nom, de même que le cinquième et dernier ATV, véhicule automatique de transfert européen, ravitailleur de la Station spatiale internationale (ISS).

Une rumeur persistante chez ses anciens élèves assure que le chanoine Lemaître ne pouvait donner de cours que dans le chahut et qu’il réclamait celui-ci de ses étudiants, en leur demandant s’ils étaient malades lorsque le calme régnait dans l’auditoire.

Professeur, lui aussi, à l’UCL, le romaniste Vincent Engel lui a consacré tout récemment chez JC Lattès à Paris une remarquable biographie intitulée Le prêtre et le Big Bang qui se lit à la vitesse de la lumière tant elle est passionnante.

Une contribution essentielle à l’histoire mondiale des sciences… et au rayonnement de Charleroi !

PÉTRONE

Le prêtre et le Big Bang par Vincent Engel, Paris, Éditions JC Lattès, avril 2013, 218 pp. en noir et blanc au format 13 x 20,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 17 € (prix France)


[1] Il est vrai que dès 1922, le Russe Alexandre Friedman avait abordé la question dans la revue Zeitschrift für Physik, mais il s’agissait d’une simple ébauche, dont Lemaître ignorait tout. Or, pour que la théorie tienne, il fallait y intégrer une autre découverte, de Lemaître également, l’estimation stable de la fameuse constante de Hubble (qui était également l’un de ses maîtres et amis).

Date de publication
dimanche 5 mai 2013
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