Un livre jouissif…

François Xavier Testu, agrégé des Facultés de droit, est professeur à l’université François-Rabelais de Tours et avocat associé à la cour de Paris. Il est aussi l’auteur d’un très jouissif Bouquin des méchancetés et autres traits d’esprit publié à Paris chez Robert Laffont, dans la fameuse collection « Bouquins ».

Préfacé par un maître du genre, le journaliste Philippe Alexandre, cet ouvrage rassemble quantité de traits d’esprit, surtout vachards, de l’histoire littéraire, mondaine et politique de l’Antiquité à nos jours, avec une prédilection pour les cercles littéraires des XVIe et XVIIe siècles, les salons et la cour de France au siècle des Lumières, le monde politique et la société mondaine de la IIIe République, l’Angleterre post-victorienne, le Hollywood de l’entre-deux-guerres…

Georges Clemenceau fut sans conteste l’un des plus grands ténors du genre, et l’ouvrage lui consacre pas moins de 22 pages de citations. À propos du président de la République Félix Faure qui venait de mourir : « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui ». Sur Georges Mandel, son directeur de cabinet : « Quand je pète, c’est lui qui pue ». Sur Paul Deschanel : « Il a un bel avenir derrière lui ». À un fonctionnaire des Affaires étrangères : « Pour être ambassadeur, il ne suffit pas d’être con, il faut aussi être poli ». Sur le maréchal Lyautey, dont les mœurs défrayaient la chronique : « Il a des couilles au cul, mais ce ne sont pas toujours les siennes… »

Winston Churchill, était tout aussi impitoyable. Au sujet de son successeur Clement Attlee : « Un taxi vide approche du 10 Downing Street, Clement Attlee en descend… » Ou encore : « Clement Attlee est un homme modeste, et il a de bonnes raisons de l’être ». À Lloyd George, descendu avec lui dans une auberge et qui demandait où se trouvaient les toilettes : « Là-bas, au fond : vous verrez écrit Gentlemen ; vous entrerez quand même… » S’agissant de Charles de Gaulle durant la Seconde Guerre mondiale : « De toutes les croix que je porte, la plus lourde est la croix de Lorraine ! »

Sacha Guitry commenta en ces termes l’élection à l’Académie française de l’un de ses confrères : « Ses livres sont désormais d’un ennui immortel ». Quittant une soirée où il s’était ennuyé, il baisa la main de la maîtresse de maison en murmurant : « C’est si gentil à nous d’être venus ». D’une actrice, il constata : « Elle est facile, mais pas commode ». Et Tristan Bernard, d’une autre actrice en vogue : « Pour se faire un nom, elle a dû souvent dire oui ».

Groucho Marx maniait l’absurde avec brio. À une de ses têtes de Turc, il lança : « J’ai beaucoup entendu parler de vous. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? » Assis dans le métro, il déclara à une vieille dame debout : « Je vous céderais bien ma place, mais elle est déjà prise ». À une actrice : « Je n’oublie jamais un visage, mais dans votre cas je ferai exception ». Prenant congé : « J’ai passé une excellente soirée, mais ce n’était pas celle-là ».

Et pour conclure, voici quelques citations en vrac :

Voyant son gendre, couard et gauche, porter un glaive à sa ceinture, Cicéron demanda : « Qui a attaché mon gendre à cette épée ? »

Un jour que Louis XVIII avait tenu conseil pendant trois heures et que l’on demandait à Talleyrand ce qui s’était passé, il répondit : « Trois heures ».

D’un chevalier malpropre, Antoine de Rivarol assurait : « Il fait tache dans la boue ».

Rossini sur Berlioz : « Quel bonheur que ce garçon-là ne sache pas la musique, il en ferait de bien mauvaise ! »

De François Coppée, trop catholique à son goût, Paul Léautaud écrivit : « Anus Dei ».

D’un garçon timide, dont on disait qu’il était toujours dans les jupes de sa mère, Georges Feydeau prophétisa : « Il s’y fera des relations ».

Le peintre Kees van Dongen, à une grosse dame qui, à Deauville, s’était assise sur ses lunettes et s’excusait : « Bah ! Je préfère que ce soit arrivé au moment où je ne les avais pas sur le nez… »

Lyndon Johnson, à qui on demandait pourquoi il conservait Edgar Hoover à la tête du FBI : « Je préfère avoir ce type dans ma tente, pissant dehors, que dehors, pissant dessus ».

Et l’ouvrage fait 1153 pages…

PÉTRONE

Le bouquin des méchancetés et autres traits d’esprit par François Xavier Testu, préface de Philippe Alexandre, Paris, Éditions Robert Laffont, collection « Bouquins », novembre 2014, 1153 pp. en noir et blanc au format 13,1 x 19,7 cm sous couverture brochée en couleurs, 30 € (prix France)

Date de publication
vendredi 23 janvier 2015
Entrez un mot clef :