Éloge de la trahison…

Degrelle Qui suis-je

Se qualifiant lui-même de militant de divers groupuscules « solidaristes », dans sa jeunesse, après un séjour dans les prisons de Moscou (1975) et dans les troupes phalangistes chrétiennes du Liban (1976), Francis Bergeron s’est essentiellement consacré depuis lors à l’action culturelle et à l’écriture. Il préside l’association littéraire des Amis d’Henri Béraud (500 adhérents). Auteur de livres pour enfants, il a vendu 300 000 exemplaires de la série du « Clan des Bordesoule ». Sur un plan purement professionnel, il participe à la direction d’un groupe industriel international de premier plan.

Il a fait paraître récemment aux Éditions Pardès à Grez-sur-Loing un petit essai intitulé Degrelle Qui suis-je ?

Voici la présentation qu’il en donne :

« Degrelle a été un vrai héros de roman à la Alexandre Dumas, un personnage fascinant, digne des plus grandes épopées, avec sa part de faconde, de farce, de grandiloquence, d’auto- justifications, d’aveuglement, d’échecs, mais aussi d’héroïsme, de grandeur, de tragédie.

Écrivain précoce, curieux de tout, Léon Degrelle a effectué son premier reportage au Mexique à 23 ans. Puis, ce militant catholique, ami d’Hergé, polémiste dans l’âme, s’est lancé bruyamment dans la politique en faisant de Rex, journal et maison d’édition de l’Action catholique belge, un parti qui obtiendra vingt et un députés et onze sénateurs en mai 1936. Député de Bruxelles en avril 1939, son immunité parlementaire est bafouée par une arrestation arbitraire en mai 1940.

Méprisé par les autorités allemandes d’occupation de la Belgique, il prendra sa revanche sur le front de l’Est : engagé comme simple soldat sous uniforme allemand, en août 1941, il terminera la guerre, à 38 ans, avec le titre de commandeur de la division SS Wallonie. Par sa force de conviction, sa lecture de l’Histoire et son talent d’écrivain (La Campagne de Russie 1941-1945), il s’efforcera de nous convaincre que la croisade antibolchevique était une guerre juste, faite d’esprit de sacrifice et de don de soi.

Ce Degrelle Qui suis-je ? retrace la vie tumultueuse de cet ancien militant de la jeunesse catholique belge, personnage à multiples facettes et au destin exceptionnel, qui, après 1945, de son exil en Espagne, se fera le metteur en scène de sa propre gloire. »

Si tous ces faits sont globalement exacts et leur interprétation plus ou moins discutable (dans son ouvrage, Francis Bergeron qualifie Pierre Daye de « Bainville belge », comparaison qui ne nous a pas sauté aux yeux à la lecture de ses reportages à la Tintin dans le vaste monde ou de sa biographie de Rubens…) mais fort bien rédigée, on regrettera surtout la perspective adoptée par l’auteur, et son silence plutôt grand – voire total – sur ce qui entraîna la condamnation à mort de Léon Degrelle (par contumace), à savoir :

– Son implication directe ou indirecte dans de nombreux crimes de sang, comme la déportation et la mort en Allemagne de son ancien ami rexiste Robert du Bois de Vroylande [1], l’assassinat du bourgmestre de Namur, François Bovesse, le 1er février 1944, avant celui d’Alexandre Galopin, gouverneur de la Société Générale de Belgique – le 28 février 1944 à Etterbeek –, la désignation (par Léon Degrelle himself) d’une centaine d’otages dont certains seront abattus par la police allemande le 21 juillet 1944 ou encore la tuerie de Courcelles les 17 et 18 août 1944 qui fit 27 victimes et, à Bruxelles, l’assassinat de Louis Braffort, bâtonnier de l’ordre des avocats, le 24 août 1944.

Pour notre part, nous considérons avec l’historien Jean-Michel Étienne que « Degrelle qui, même lorsqu’il est au front de l’Est, ne peut ignorer ce que font les rexistes en Belgique, n’aura jamais un mot de blâme pour leur activité. […] Il couvrira de son autorité tous les meurtres et tous les sévices perpétrés par les rexistes. Certes, Degrelle n’est pas un criminel de guerre […], il n’en reste pas moins qu’il a laissé se faire en son nom et au nom de son mouvement une politique passablement immonde » [2].

– Sa trahison de la Belgique, amorcée par son discours du 17 janvier 1943 au Palais des Sports de Bruxelles, une diatribe dans laquelle il affirmait la germanité des Wallons en vue d’intégrer la Légion Wallonie à la Waffen SS (ce qui sera chose faite le 1er juin 1943), mais aussi moyen de s’ouvrir la voie au poste de Gauleiter des Wallons au sein du Reich après la victoire des nazis et une probable partition de la Belgique. Le simple fait de fournir en temps de guerre des hommes à l’ennemi constitue d’ailleurs, partout dans le monde, un cas de haute trahison.

Bien sûr, le « Beau Léon » avait une « grande et belle gueule [3] » et l’art de tourner l’Histoire à son avantage, mais ce n’est pas une raison suffisante pour donner foi à ses imprécations ou d’en faire un modèle de vertu, fût-elle guerrière !

PÉTRONE

Degrelle Qui suis-je ? par Francis Bergeron, Grez-sur-Loing, Éditions Pardès, collection « Qui suis-je ? », février 2016, 126 pp. en noir et blanc au format 14 x 21 cm sous couverture brochée en couleurs, 12 € (prix France)

Sommaire :

Introduction : Pourquoi Degrelle

I. Léon de Bouillon

II. Le farceur de Louvain

III. Au pays des Cristeros

IV. Tintin mon copain

V. Lisez Rex !

VI. Votez Rex !

VII. Pierre Daye, le Bainville belge

VIII. Le coup de crosse de Malines

IX. La guerre en prison

X. La Légion Wallonie

XI. Hitler pour 1000 ans

XII. Front de l’Est

XIII. Arriba España !

XIV. Exil et tentatives d’enlèvement

XV. La persécution des témoins

XVI. Paix à ses cendres !

Conclusion : au panthéon des très grands soldats

ANNEXES

  1. Chronologie
  2. Citations de Léon Degrelle
  3. Opinions sur Léon Degrelle
  4. Une bibliographie de Léon Degrelle
  5. Études sur Léon Degrelle et le rexisme
  6. Le grand Léon a toujours la cote
  7. Les compagnons de Léon Degrelle

 

[1] Après avoir quitté le mouvement rexiste (dont il était un compagnon de la première heure à Louvain) après le « coup de crosse de Malines » en 1936, Robert du Bois de Vroylande publia la même année Quand Rex était petit, dans lequel il se moquait des combines et de la vanité de Léon Degrelle qualifié de « Monsieur Bluff, » ce que celui-ci ne pardonna jamais…

[2] Jean-Michel Étienne, Le mouvement rexiste jusqu’en 1940, Paris, Armand Colin, Cahiers de la Fondation nationale des Sciences politiques, n°195, 1968, p. 171

[3] On parlait même de son Rex appeal durant la campagne électorale de 1936…

Date de publication
lundi 11 avril 2016
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