« Plus une découverte est originale, plus elle semble évidente par la suite. » (Arthur Koestler)

Juif hongrois de langue allemande, fils d’industriel, né à Budapest en 1905 et naturalisé britannique, Arthur Koestler fait ses études à Vienne, puis devient journaliste en Palestine. Revenu en Europe, il adhère au Parti communiste allemand, trouvant là une réponse à la menace nazie.

Il part un an en Union soviétique et participe ensuite à la guerre civile espagnole, ce qui lui vaudra d’être emprisonné et condamné à mort par les franquistes, puis échangé quelque temps plus tard contre un prisonnier espagnol par le gouvernement britannique. De cet épisode est né le texte autobiographique Un Testament espagnol (1937) qui connut un grand succès international.

Dès 1938, ayant rompu avec le Parti communiste en raison des procès de Moscou (1936-1938), Arthur Koestler combat sans relâche le régime stalinien, notamment à travers son roman majeur, Le Zéro et l’Infini publié en anglais en 1940 et traduit en français en 1945, au grand dam d’intellectuels de « gauche » comme Simone de Beauvoir.

À partir de 1940, il vit en Angleterre, où, atteint de la maladie de Parkinson et de leucémie, il se suicide avec sa troisième épouse en mars 1983.

Son œuvre de romancier, philosophe, historien et essayiste lui vaut une renommée mondiale.

Dans la remarquable collection « Le goût des idées » qu’il dirige aux Éditions Les Belles Lettres à Paris, Jean-Claude Zylberstein a fait paraître récemment deux essais scientifiques d’Arthur Koestler, qui se lisent l’un comme un roman policier et l’autre comme un récit de science-fiction.

Le premier s’intitule L’étreinte du crapaud et voici la présentation qu’en donne l’éditeur :

« Le 26 septembre 1926, un biologiste autrichien nommé Paul Kammerer se tua d’un coup de revolver. Dans les milieux scientifiques, on considéra ce suicide comme le dénouement d’une bataille tantôt obscure, tantôt scandaleuse, autour des doctrines fondamentales de l’évolution.

Aux disciples de Lamarck, apôtres de l’hérédité des caractères acquis, les expériences de Kammerer menées pendant plus de quinze ans sur des générations d’amphibiens tels que la salamandre et le fameux crapaud accoucheur, apportaient des arguments apparemment décisifs.

D’où la fureur du camp opposé : celui des néo-darwinistes, adeptes des mutations fortuites préservées par la sélection naturelle. À leur tête, le savant anglais William Bateson insinua que les expériences étaient truquées, mais réussit à ne pas en examiner les résultats – s’arrangeant en particulier pour ne pas voir une pièce capitale : les « rugosités nuptiales » du dernier spécimen de crapaud accoucheur…

Un biologiste américain devait administrer le coup de grâce : se trouvant à Vienne, il y fit une découverte qu’il publia, et à la suite de laquelle Kammerer se suicida.

Longtemps intrigué par cette curieuse affaire, Arthur Koestler s’attendait, lorsqu’il décida de reprendre l’enquête, à raconter la triste histoire d’un savant qui trahit sa vocation : le suicide de Kammerer était, en effet, passé pour un aveu, et toute son œuvre en est restée discréditée.

Or, en analysant la documentation de l’époque et en se renseignant auprès de tous les survivants du drame, Koestler s’aperçut peu à peu qu’il procédait à la réhabilitation d’un homme qui, très probablement, fut la victime d’une trahison. »

Passionné de parapsychologie, Arthur Koestler a par ailleurs rédigé un curieux et passionnant ouvrage intitulé Les Racines du hasard.

Voici ce qu’en écrit Jean-Claude Zylberstein :

« Ce livre est une excursion à la frontière de deux domaines fondamentaux de la recherche : la physique quantique, infra atomique, d’une part, la parapsychologie, d’autre part.

En montrant comment la parapsychologie est devenue scientifiquement respectable, Koestler rappelle qu’aux États-Unis on se servait de l’électronique pour expérimenter sur la psychokinèse et qu’en URSS, la télépathie était une discipline officielle de la recherche.

De plus en plus « occulte », la physique théorique, enfreignant joyeusement les lois de la nature, naguère encore sacro-saintes, montrait une inclination étonnante pour des concepts « surnaturels » comme la masse négative, les trous dans l’espace, le temps renversé. Dans le monde fantastique de la physique des quanta, les notions raisonnables d’espace, de temps, de matières et de causalité n’ont plus cours.

Les plus grands physiciens de notre époque, Einstein, Planck, Heisenberg, ont été parfaitement conscients du caractère « mystique » des concepts dont ils se servaient, et plusieurs d’entre eux ont tenté une synthèse de la physique et de la parapsychologie.

Koestler examine certains de ces efforts de synthèse pour relier les sciences exactes aux intuitions de l’homme en quête de réalités profondes ; il esquisse une hypothèse personnelle à propos de ce problème qu’il demande à tous les chercheurs d’aborder sans préjugés, en se gardant à la fois d’un matérialisme figé et d’une crédulité superstitieuse. »

« Étonnant, non ? », comme disait Pierre Desproges…

PÉTRONE

L’Étreinte du crapaud par Arthur Koestler, traduction de l’anglais par Georges Fradier, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection « Le goût des idées » dirigée par Jean-Claude Zylberstein, janvier 2018, 207 pp. en noir et blanc au format 12,5 x 19 cm sous couverture brochée en couleurs, 15 € (prix France)

Les Racines du hasard par Arthur Koestler, traduction de l’anglais par Georges Fradier, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection « Le goût des idées » dirigée par Jean-Claude Zylberstein, janvier 2018, 138 pp. en noir et blanc au format 12,5 x 19 cm sous couverture brochée en couleurs, 15 € (prix France)

Date de publication
dimanche 11 février 2018
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