« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent… » (Edgar Faure)

En 1948, ancien rédacteur en chef de La Flèche de Paris[1] de Gaston Bergery[2], Jean Maze (1911-2003) a publié, sous le pseudonyme d’Orion, un Nouveau Dictionnaire des Girouettes dans le droit fil du fameux Dictionnaire des girouettes de Pierre-Joseph Charrin (1784-1863), Joseph Tastu (1787-1849) et César de Proisy d’Eppe (1788-1819), édité le 24 juillet 1815 par Alexis Eymery (1774-1854), un ouvrage qui recensait les trahisons successives des hommes politiques qui « en 1814 et 1815, crièrent « Vive l’Empereur ! », puis « Vive le Roi ! », puis encore « Vive l’Empereur ! » et encore « Vive le Roi » »[3].

Bretteur virevoltant armé d’une plume aiguisée, Jean Maze se livre, preuves à l’appui, à un féroce jeu de massacre de quelques hérauts de gauche ou « résistantialistes » français, des opportunistes à la vertu quelque peu cabossée.

Des contorsionnistes communistes en prennent évidemment pour leur grade : Louis Aragon, Paul Éluard, Jacques Duclos, Marcel Cachin, André Marty, François Billoux, Florimond Bonte, et le déserteur Maurice Thorez, bien entendu.

De pieux propagateurs de la bonne parole gaulliste (Maurice Schumann, Emmanuel d’Astier de la Vigerie), antigaulliste (Pierre Brisson), épuratrice (Julien Benda), diplomatique (Wladimir d’Ormesson), résistante (Georges Bidault, André Rousseaux, Albert Bayet), socialiste (Félix Gouin, André Philip) et chrétienne (François Mauriac, Francisque Gay, Paul Claudel – dont sont reproduits ses poèmes lèche-bottes au maréchal Pétain de mai 1941 et au général de Gaulle de septembre 1944) sont également de la revue.

Tandis que des politiciens pur jus de la IIIRépublique qui tentent d’exister encore dans la IVe (Édouard Herriot, Paul Reynaud, Jules Jeanneney, Pierre Cot) sont rhabillés pour l’hiver.

Exemples :

« Les trois couleurs à la voirie !

Le drapeau rouge est le meilleur !

Leur France, jeune travailleur

N’est aucunement ta patrie.

(Louis Aragon, Aux enfants rouges, 1932)

Comment voudriez-vous que je parle des fleurs

Et qu’il n’y ait des cris dans tout ce que j’écris ?

De l’arc-en-ciel ancien, je n’ai que trois couleurs,

Et les airs que j’aimais, vous les avez proscrits. »

(Louis Aragon, Le Musée Grévin, 1944)

« Les paroles du maréchal Pétain, le soir du 25 juin, rendaient un son presque intemporel : ce n’était pas un homme qui nous parlait, mais du plus profond de notre histoire, nous entendions l’appel de la grande nation humiliée. Ce vieillard était délégué vers nous par les morts de Verdun et par la foule innombrable de ceux qui, depuis des siècles, se transmettent ce même flambeau que viennent de laisser tomber nos mains débiles.

Une voix brisée par la douleur et par les années nous apportait le reproche des héros dont les sacrifices, à cause de notre défaite, a été rendu inutile… »

(François Mauriac, Figaro, 3 juillet 1940)

« Le général de Gaulle n’a jamais quitté le plan de l’histoire ; il reste aujourd’hui ce qu’il fut, de notre effondrement à notre libération : une voix intemporelle qui, par-delà les conjonctures de la politique quotidienne, nous rend conscients des obstacles que nous devrons surmonter pour demeurer dignes de notre destin. »

(François Mauriac, Figaro, 10 avril 1947)

Un carrousel des plus réjouissants !

PÉTRONE

Nouveau dictionnaire des girouettes, précédé de l’oubli en politique par Orion, Paris, Éditions Le Régent, janvier 1948, 350 pp. en noir et blanc au format 12 x 18,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 19,90 €


[1] La Flèche de Paris qui avait pour devise qui a pour devise « Libérer la France de la tyrannie de l’argent et des ingérences étrangères » était un journal politique hebdomadaire paru entre le 1er août 1934 et le 29 août 1939. C’était l’organe du Front commun contre le fascisme, contre la guerre et pour la justice sociale de Gaston Bergery, un mouvement politique proche de la Ligue des droits de l’homme, dont Bergery était membre du Comité central dont il démissionna en 1937 pour dénoncer sa complaisance à l’égard de Moscou.

[2] Gaston Bergery, né le 22 novembre 1892 à Paris où il est mort le 10 février 1974, était un homme politique de gauche, collaborationniste et ambassadeur français. Élu député du Front populaire en 1936, il a rédigé une partie du message radiodiffusé aux français du maréchal Pétain (11 octobre 1940), dans lequel ce dernier proposait aux Français d’adhérer à un ordre nouveau et à une collaboration réciproque avec l’Allemagne. Il a aussi rédigé, avec le journaliste juif Emmanuel Berl (1892-1976), l’« appel aux travailleurs » du maréchal Pétain.

Gaston Bergery fut ambassadeur du régime de Vichy à Moscou, d’avril à la rupture des relations diplomatiques en juin 1941. De retour en France, il refusa le poste de Garde des Sceaux et reprit sa profession d’avocat partagée entre Paris et Vichy. Il devint membre du Conseil national, puis, entre 1942 et 1944, ambassadeur à Ankara, où il entretint de bonnes relations avec l’ambassadeur allemand Franz von Papen. Après la libération de Paris et le départ de Pétain en Allemagne, il s’effaça, puis rentra en France en 1945. Arrêté, il fit cinq mois de détention préventive. Poursuivi pour intelligence avec l’ennemi, il fut traduit devant la Cour de justice de la Seine en février 1949 et acquitté. Il reprit en 1947 une carrière d’avocat. En 1951, il participa à la fondation de l’Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain. Il avait été décoré par celui-ci de l’ordre de la Francisque.

[3] www.livre-rare-book.com/book/5472496/RO80174215.

Date de publication
lundi 4 août 2025
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