Philosophe de formation, Arnaud de la Croix est un spécialiste belge de l’histoire du Moyen Âge ainsi que de celles de l’ésotérisme et du fascisme, des thèmes sur lesquels il a publié de nombreux ouvrages qui font autorité.
Ce sera à l’évidence une nouvelle fois le cas avec son opus intitulé Esthétique et érotisme nazis paru à Mons, aux Éditions universitaires de l’UMons, un essai illustré en couleurs qui mêle deux thématiques indissociables et pourtant rarement abordées ensemble par les historiens du nazisme, et jamais de manière aussi large er systématiquement documentée.
Partant d’un extrait de Mein Kampf dans lequel Hitler voit dans le Juif un prédateur sexuel pollueur du sang aryen, Arnaud de la Croix expose les idées du dictateur allemand – qui se voulait artiste… – en matière d’esthétique générale et de « pureté raciale », et leur concrétisation par la politique de son ministre de la Propagande, Joseph Goebbels (1897-1945), ainsi que dans les réalisations monumentales du sculpteur Arno Breker (1900-1991), de la cinéaste Leni Riefenstahl (1902-2003) et de l’architecte du Reich Albert Speer (1905-1981).
S’y adjoignent les volontés natalistes d’Heinrich Himmler (1900-1945) en vue de fournir de futurs membres à la SS au moyen des Lebensborn, ainsi que l’exploitation d’un bordel de luxe, le Salon Kitty, par Reinhard Heydrich (1904-1942) et Walter Schellenberg (1910-1952) pour espionner sa clientèle étrangère et les dignitaires nazis qui le fréquentent, ou encore le recours au naturisme et à l’écologie pour participer à la glorification du corps des Übermenschen tout en stimulant les ardeurs reproductrices.
Mais notre auteur va plus loin encore, en abordant, à travers le destin d’Ernst Röhm (1887-1934), la question de la répression de l’homosexualité, mais aussi de sa tolérance relative, par exemple dans les statues d’Arno Breker déjà cité, avant de revenir sur le scandale provoqué en 1974 par le film Portier de nuit de la réalisatrice italienne Liliana Cavani (°1933) – un long métrage avec Charlotte Rampling (°1946) et Dirk Bogarde (1921-1999) portant sur la « dimension désirante » de la relation trouble entre une rescapée des camps de concentration et son ancien tortionnaire –, puis de montrer les prolongements inattendus de ce scandale dans des productions cinématographiques, musicales et littéraires postérieures.
Le tout se voyant complété par un exposé comparatif sur l’esthétique et l’érotisme du fascisme mussolinien.
Fascinant !
PÉTRONE
Esthétique et érotisme nazis par Arnaud de la Croix, préface d’Anne Staquet, Mons, Éditions universitaires de l’UMons, collection « Impertinentes », avril 2025, 141 pp. en quadrichromie au format 14 x 21,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 22 €