« La veille, son éditeur lui avait donné de l’argent pour aller chez le coiffeur. » (Antoine Blondin)

Les Éditions de La Table Ronde à Paris ressortent en version de poche un autre chef-d’œuvre[1] d’Antoine Blondin [2], Quat’ saisons, couronné du prix Goncourt de la nouvelle en 1975.

Présentation par Antoine Blondin himself :

« Au fil d’une année, les voitures des quat’ saisons proposent sur les marchés un fouillis de primeurs contrastées en volumes et en couleurs. Il arrive pourtant qu’un œil sensible découvre une harmonie sous ces disparates : pommes de terre nouvelles, carottes nouvelles, tomates nouvelles… L ’auteur de ce livre, à l’éventaire duquel on ne trouve que des nouvelles, tout court, ne souhaite pas autre chose. Il a choisi de remonter le cours des quatre saisons, de l’hiver au printemps, parce qu’ayant été cueilli à froid, il a essayé de terminer sur un coup de grâce. »

Ce coup de grâce est la dernière des 18 nouvelles de l’ouvrage, « Une belle carrière », satire jubilatoire du milieu littéraire et éditorial germanopratin dans laquelle un écrivain médiocre appelé François Maurois sera, par la grâce de Gaston Gallimard, mué en auteur faussement bègue sous le pseudonyme d’André Mauriac, fera paraître Les Chemins de la puberté[3] en deux tomes et finira membre du jury de l’Académie Goncourt…

Incipit :

Une belle carrière

Il était une fois un écrivain qui n’avait jamais eu de prix littéraire. Comme, par surcroît, il n’était ni voleur, ni homosexuel, ni aveugle, ni sourd­ muet, ni même assassin, ses livres rencontraient peu d’audience. Il s’en vendait, bon an mal an, une dizaine d’exemplaires dans des ventes de charité. Encore n’étaient-elles pas organisées à son profit. Cet homme, qui s’appelait François Maurois, n’avait toutefois aucun besoin de subsides d’autrui pour vivre : il était professeur dans un lycée de province et, sans le démon de la littérature, il fût devenu un excellent joueur de 421.

Un livre incisif, décapant et hilarant !

PÉTRONE

Quat’ saisons & autres nouvelles par Antoine Blondin, Paris, Éditions de La Table Ronde, collection « La petite vermillon », juin 2020, 208 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 8,50 € (prix France)


[1] Après, reparus chez le même éditeur, L’Europe buissonnière (1949, prix des Deux Magots), Les enfants du Bon Dieu (1952), L’humeur vagabonde (1955), Monsieur Jadis ou l’École du soir (1970) et Sur le Tour de France (1979).

[2] Licencié ès lettres de la Sorbonne, Antoine Blondin (1922-1991), romancier et critique littéraire, est aussi l’auteur d’Un singe en hiver (1959, prix Interallié) – qu’Henri Verneuil a adapté en 1962 pour le cinéma sous le même titre, un film interprété par Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo –, et Certificats d’études (1977, rassemblant des essais sur Baudelaire, Balzac, Cocteau, Dickens, Dumas, Fitzgerald, Goethe, Homère, Musset, O. Henry, Perret, Rimbaud). Journaliste sportif également, il est l’auteur de nombreux articles parus notamment dans le journal L’Équipe. Entre 1954 et 1981, il suit pour ce journal vingt-sept éditions du Tour de France et sept Jeux olympiques, et obtient en 1972 le prix Henri Desgrange de l’Académie des sports. Ses chroniques sur le tour de France ont contribué à forger la légende de l’épreuve phare du sport cycliste.

[3] Les Chemins de la liberté est un roman en trois volumes (1945-1949) de Jean-Paul Sartre.

Date de publication
mercredi 4 août 2021
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