Hue, cocottes !

Dans leur remarquable et passionnant essai intitulé Les héroïnes du plaisir paru chez Flammarion, les journalistes français Judith Spinoza (qui collabore à Infrarouge et Beaux-Arts Magazine) et Raphaël Turcat (qui travaille pour Beaux-Arts Magazine, la version française de Playboy et Le Parisien) ressuscitent avec une belle faconde soutenue par des photographies d’époque la destinée parfois fulgurante d’une vingtaine d’hétaïres qui donnèrent de leur personne à Paris au XIXᵉ siècle.

Ces jeunes, belles, étranges, charmantes, charmeuses et scandaleuses stakhanovistes du sexe hautement tarifié, gratifiées alors des titres sulfureux de « demi-mondaines », de « grandes horizontales », mais aussi de  « lionnes » conquis de hautes (tur)luttes, si elles sortaient souvent du ruisseau, ont marqué de leur sceau impérial ou républicain non seulement une grande légèreté des mœurs parmi les classes dominantes, mais aussi la modernité des idées en général et de la lutte pour l’émancipation de la femme en particulier, si bien que certaines sont passées par la grâce de leur postérieur à la postérité, à l’instar notamment des fameuses belles de jour et belles de nuit que furent  Liane de Pougy, Valtesse de La Bigne, la Païva, Mata Hari, Émilienne d’Alençon, Virginia de Castiglione, la Belle Otero, Lola Montès ou Céleste Mogador.

Liane de Pougy

– Anne-Marie Chassaigne, dite Liane de Pougy, par son second mariage, princesse Ghika, était une danseuse et courtisane bisexuelle française de la Belle Époque, puis tertiaire dominicaine sous le nom de Sœur Anne-Marie de la Pénitence, née à La Flèche (Sarthe) le 2 juillet 1869 et morte à Lausanne (Suisse) le 26 décembre 1950.

Édouard Manet, Mademoiselle Lucie Delabigne (1859-1910), dite Valtesse de la Bigne (1879), New York, Metropolitan Museum of Art.

– Émilie-Louise Delabigne, dite Valtesse de La Bigne, était une demi-mondaine française née le 13 juillet 1848 à Paris et morte le 29 juillet 1910 à Ville-d’Avray. Lingère d’origine normande, elle s’adonna à la prostitution puis devint la maîtresse du compositeur Jacques Offenbach avant de dépouiller une kyrielle de riches amants.

La Païva vers 1850

– Esther Lachmann, connue sous le nom « la Païva », comtesse Henckel von Donnersmarck, née le 7 mai 1819 à Moscou et morte le 21 janvier 1884 au château de Neudeck en Silésie, était une célèbre courtisane et demi-mondaine du XIXe siècle. Vers 1840, elle rencontra le riche pianiste Henri Herz, qui tomba éperdument amoureux d’elle et qui lui fit connaître plusieurs autres artistes : les compositeurs Franz Liszt et Richard Wagner, les écrivains Théophile Gautier et Émile de Girardin. Après avoir dilapidé la fortune d’Henri Hertz, elle se rendit à Londres où elle pluma divers amants fortunés avant de rentrer à Paris et d’y épouser un riche Portugais, Albino Francisco de Araújo de Païva, qui lui offrit un hôtel particulier au 28, place Saint-Georges, hôtel surnommé « Chez la Païva, qui paye y va » et à propos duquel, peu avant la fin de sa construction, Alexandre Dumas fils aurait dit : « C’est presque fini, il ne manque que le trottoir ».

Mata Hari vers 1906

– Margaretha Geertruida Zelle, connue sous le nom de Mata Hari, était une danseuse et courtisane néerlandaise, née le 7 août 1876 à Leeuwarden et morte le 15 octobre 1917 à Vincennes. Elle fut fusillée pour espionnage pendant la Première Guerre mondiale. C’était une danseuse nue célèbre pour son spectacle exotique et érotique au cours duquel elle se déshabillait progressivement.

Émilienne d’Alençon vers 1902

– Fille d’une concierge, Émilienne Marie André, dite Émilienne d’Alençon, née à Paris le 17 juillet 1870 et morte à Monte-Carlo le 14 février 1945, était une comédienne et grande courtisane française. Elle est connue pour ses liaisons avec le roi Léopold II de Belgique, le prince de Galles et futur roi d’Angleterre Édouard VII et peut-être l’empereur Guillaume II. Ses chapeaux furent les premiers de Coco Chanel, qu’elle contribua à lancer.

La comtesse de Castiglione posant devant l’objectif de Pierre-Louis Pierson, dans les années 1860

– Virginia Oldoïni, devenue Contessa di Castiglione par son mariage, était née à Florence le 22 mars 1837 et est morte à Paris le 28 novembre 1899. Aristocrate piémontaise, missionnée par le ministre Cavour du roi de Piémont-Sardaigne pour devenir maîtresse de l’empereur des Français Napoléon III, elle fut également une figure des débuts de la photographie. La comtesse de Castiglione fut qualifiée de « plus belle femme de son siècle ».

La Belle Otero en costume de scène

– Agustina Carolina del Carmen Otero Iglesias, dite la Belle Otero, née à Ponte Valga en Galice (Espagne) le 19 décembre 1868 et morte à Nice le 10 avril 1965, était une chanteuse et danseuse de cabaret ainsi qu’une grande courtisane de la Belle Époque. Elle a séduit des rois – Édouard VII du Royaume-Uni, Léopold II de Belgique –, des aristocrates russes et britanniques – le duc de Westminster, le grand-duc Nicolas de Russie –, des financiers, des écrivains tels que Gabriele D’Annunzio et des ministres tels qu’Aristide Briand, qui fut son amant pendant dix ans. Elle serait à l’origine de plusieurs duels et de six suicides.

Lola Montès par Joseph Karl Stieler en 1847

Lola Montès, nom de scène de Marie Dolores Eliza Rosanna Gilbert, comtesse de Landsfeld, née à Grange (comté de Sligo en Irlande) le 17 février 1821 et morte à New York le 17 janvier 1861, était une danseuse exotique, actrice et courtisane d’origine irlandaise, célèbre pour avoir été la maîtresse du roi Louis Ier de Bavière.

Céleste de Chabrillan dite « la Mogador », photographie colorisée, 1854

– Élisabeth-Céleste Vénard, née le 27 décembre 1824 à Paris et morte dans la même ville le 18 février 1909, était une prostituée, courtisane, comédienne, danseuse, actrice, autrice, chanteuse, propriétaire et directrice de théâtre, connue sous le nom de scène de « la Mogador ». Elle a navigué aussi bien dans les hiérarchies sociales que prostitutionnelles, de Paris à Melbourne (Australie), du Poinçonnet à Asnières en passant par le Vésinet et eut d’innombrables amants-clients de toutes conditions sociales.

L’occasion, aussi, de réveiller les mânes de Cora Pearl, de Léonide Leblanc, de la comtesse de Loynes, de Marguerite Steinheil, d’Apollonie Sabatier, de Marie du Plessis, de la reine Pomaré, de Blanche d’Antigny, de Marthe de Florian, d’Alice Regnault et de Clémence de Pibrac.

Cora Pearl vers 1860, photographie colorisée

Cora Pearl est le pseudonyme d’Emma Élizabeth Crouch, née en 1835 à Londres et morte le 8 juillet 1886 à Paris. Célèbre demi-mondaine, elle a séduit la plus haute aristocratie au cours de la période du Second Empire, notamment le prince Napoléon et le duc de Morny.

Léonide Leblanc

– Alexandrine Léonide Leblanc, née le 8 décembre 1842 à Dampierre-en-Burly (Loiret) et morte à Paris le 31 janvier 1894, était une comédienne française, surnommée « Mademoiselle Maximum ». Elle fait partie de ces actrices du Second Empire et de la Troisième République que l’on surnommait des « cocottes » et son protecteur le plus célèbre fut le duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe Ier.

Madame de Loynes par Amaury Duval en 1862, Paris, Musée d’Orsay

– Marie-Anne Detourbay, par son mariage comtesse de Loynes, née le 18 janvier 1837 à Reims et morte en 1908 à Paris, était une demi-mondaine qui tint un salon littéraire et politique influent sous le Second Empire et la Troisième République, maîtresse en titre du critique littéraire Jules Lemaître. Alexandre Dumas fils la surnomma « la Dame aux violettes ».

Marguerite Steinheil, portrait peint par Léon Bonnat, 1899

Marguerite Jeanne Japy, épouse Steinheil, dite Meg, née le 16 avril 1869 à Beaucourt (Territoire de Belfort) et morte le 18 juillet 1954 à Hove dans le Sussex au Royaume-Uni, était une célèbre salonnière et demi-mondaine française. Épouse du peintre académique Adolphe Steinheil jusqu’en 1908, elle est connue pour avoir entretenu une liaison avec le président Félix Faure – mort dans ses bras au palais de l’Élysée – et pour avoir ensuite été au cœur d’une sombre affaire judiciaire.

Vincent Vidal, Portrait de Madame Sabatier, musée national du château de Compiègne

Apollonie Sabatier, pseudonyme de Aglaé Joséphine Savatier, née à Mézières le 7 avril 1822 et morte à Neuilly-sur-Seine le 3 janvier 1890, était une demi-mondaine et salonnière française, égérie de nombreux artistes au milieu du XIXe siècle, parmi lesquels Charles Baudelaire.

Marie Duplessis par Camille Roqueplan

– Rose Alphonsine Plessis dite Marie Duplessis, comtesse de Perregaux, née le 15 janvier 1824 à Nonant-le-Pin et morte de phtisie le 3 février 1847 à Paris, était une célèbre courtisane française qui inspira à son amant Alexandre Dumas fils le personnage de Marguerite Gautier dans La Dame aux camélias.

La reine Pomaré

– Marie Élisabeth Sergent, née à Paris le 22 février 1825 et y morte le 10 avril 1847, était une danseuse de polka et une courtisane célèbre des dernières années de la Monarchie de Juillet (1830-1848). Elle est surtout connue sous le sobriquet de reine Pomaré, emprunté à la reine de Tahiti Pōmare IV qui défrayait alors l’actualité politique par ses démêlés avec la France.

Blanche d’Antigny dans un tableau du peintre Paul Baudry, La Madeleine pénitente.

– Marie-Ernestine Antigny, dite Blanche d’Antigny, née à Martizay le 9 mai 1840 et morte à Paris le 27 juin 1874, était une actrice française. Fameuse demi-mondaine et courtisane de haute volée du Second Empire, elle inspira à Émile Zola son personnage de Nana.

Giovanni Boldini, Portrait de Marthe de Florian (1900-1910), localisation inconnue.

Marthe de Florian, née Héloïse Mathilde Beaugiron à Paris le 9 septembre 1864 et morte à Trouville-sur-Mer le 29 août 1939, était une comédienne et demi-mondaine française de la Belle Époque. Elle est connue pour ses amours avec les hommes politiques Georges Clemenceau (avant qu’il ne devienne président du Conseil), Pierre Waldeck-Rousseau, Paul Deschanel et Gaston Doumergue, et avec l’artiste peintre italien Giovanni Boldini (1842-1931).

Alice Regnault photographiée par Nadar, vers 1880

Alice Regnault, née Augustine-Alexandrine Toulet le 5 février 1849 à Paris et morte le 12 juillet 1931 à Triel-sur-Seine, était une actrice et courtisane française. Après une modeste carrière théâtrale, où on a plus souvent loué sa beauté que son talent, elle est devenue très riche grâce à ses succès galants, puis a épousé en catimini l’écrivain Octave Mirbeau (1848-1917) à Londres en 1887.

Clémence de Pibrac

– Clémence Justine Procureur, dite Clémence de Pibrac, née le 2 avril 1869 à Sainte-Menehould et morte le 2 juin 1938 à Cormontreuil, était une artiste de music-hall et une demi-mondaine de la Belle Époque. Elle fut notamment la maîtresse entretenue d’un négociant de vin de Champagne qui lui légua deux millions de francs – une somme énorme – en 1899[1].

Vingt femmes qui ne furent pas des Saintes-Nitouche…

Mais de sacrées Nana !

PÉTRONE

Les héroïnes du plaisir par Judith Spinoza & Raphaël Turcat, Paris, Éditions Flammarion, octobre 2021, 321 pp. en noir et blanc au format 14,5 x 22 cm sous couverture brochée en couleurs, 19,90 € (prix France)


[1] Sources : Wikipédia.

Date de publication
dimanche 13 février 2022
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