Une défaite historique de la flotte française…

Porteur du titre de peintre officiel de la Marine accordé par le ministre français de la Défense, membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la Mer (Pornichet, France), le Belge Jean-Yves Delitte (°1963) est architecte-designer de formation.

Il a publié ses premières histoires en bandes dessinées dans le légendaire hebdomadaire Tintin. Par la suite, outre Les Aventures de Donnington et Les Coulisses du Pouvoir sur des scénarios de Philippe Richelle, il met en images Tanâtos avec Didier Convard, ou encore Les Brigades du Tigre avec Xavier Dorison et Fabien Nury, tout en réalisant deux tétralogies en tant qu’auteur complet : Le Neptune et Les Nouveaux Tsars.

Il excelle aussi dans les fresques maritimes en bandes dessinées, par exemple en imaginant les aventures d’un corsaire amérindien à la fin du XVIIIsiècle avec sa série Black Crow ou en relatant l’histoire du prestigieux trois-mâts barque le Belem, celle de la majestueuse frégate Hermione ainsi que la romanesque aventure de la Bounty, tout en dressant une vision angoissante de notre futur à travers la tétralogie U-Boot.

Depuis 2017, il dirige aux Éditions Glénat à Grenoble la collection « Les grandes batailles navales », dans laquelle il a fait paraître Actium, Chesapeake, Trafalgar, Jutland, Tsushima, Lépante, La Hougue, Le Bismarck, Gravelines, Hampton Road, Gondelour, Tsushima, Stamford Bridge, Midway, Leyte, Texel, Salamine, No Ryang et Falkland.

Il vient d’y publier Les Cardinaux, un album qui fait le récit de l’une des plus cuisantes défaites de la marine de guerre française, appelée la Royale encore de nos jours.

Rappel des faits :

Au milieu du XVIIIe siècle, le Saint-Empire ne cesse plus de s’effondrer, rongé par d’incessantes guerres intestines qui se sont conclues par des traités de paix a la rédaction imparfaite. Alors, quand dans les premiers jours de l’année 1754, des soldats anglais et français se disputent aux Amériques pour quelques arpents de terre, le monde s’embrase à nouveau, et dans un triste jeu de domino infernal, la guerre de Sept Ans éclate.

En 1759, parce que le conflit s’enlise, le royaume de France de Louis XV rêve de prendre l’ascendant sur son éternel ennemi anglais.

La bataille des Cardinaux, connue sous le nom de Battle of Quiberon Bay (« la bataille de la baie de Quiberon ») par les Britanniques, a opposé les flottes française et britannique le 20 novembre 1759 et s’est déroulée dans un triangle de sept milles marins formé par les îles d’Hœdic et Dumet et par la pointe du Croisic, au large de la Bretagne.

Alors que la France s’était engagée aux côtés de l’Autriche contre la Prusse et la Grande-Bretagne, naquit un projet d’invasion de l’Angleterre destiné à concentrer sur cette dernière l’effort militaire et à mettre rapidement fin au conflit maritime et terrestre qui épuisait financièrement le royaume de Louis XV.

Ce projet d’invasion prévoyait une attaque directe de Londres par des troupes embarquées des Pays-Bas autrichiens, accompagnée de deux actions de diversion, l’une constituée d’un corps expéditionnaire débarquant en Écosse pour ensuite envahir l’Angleterre par le nord-ouest et l’autre initiée sur le nord-ouest de l’Irlande.

La partie la plus compliquée du projet consistait à rassembler et équiper une armée terrestre de 17 000 soldats dans le Morbihan, des troupes devant être escortées jusqu’à destination par une escadre de 21 vaisseaux de ligne préparée à Brest et commandée par le maréchal Hubert de Brienne, comte de Conflans.

Les préparatifs furent rendus ardus par les antagonismes politiques et l’état de délitement de la Royale consécutif du manque de moyens financiers et humains.

En parallèle, l’Angleterre de William Pitt imposait un blocus naval hermétique sur les côtes bretonnes françaises, par l’intermédiaire du Western Squadron de l’amiral Edward Hawke qui tirait profit de sa présence dans la Manche et le golfe de Gascogne pour espionner les préparatifs d’invasion et intensifier l’entraînement de ses équipages.

Le 14 novembre 1759, exploitant une accalmie météorologique, la flotte de Conflans quitta enfin Brest et se dirigea vers la baie de Quiberon.

Le même jour, Hawke, bien renseigné, quitta l’abri de Torbay pour venir l’affronter.

Le matin du 20 novembre, Conflans aperçut l’escadre du commodore Robert Duff à la sortie de la baie de Quiberon et la prit en chasse.

L’escadre de Duff feignit de fuir jusqu’au moment où la flotte de Hawke apparut à l’horizon. La surprise était totale et Conflans choisit de se réfugier dans la baie plutôt que d’affronter les Anglais en pleine mer.

Mais, par une mer à nouveau déchaînée, Hawke conduisit la chasse et provoqua le combat durant lequel 44 vaisseaux s’affrontèrent dans un espace restreint et qui mena à la dislocation de la flotte française.

Au bilan de la bataille, la Royale perdit six vaisseaux et déplora 2 500 tués alors que la Royal Navy avait vu deux de ses navires s’échouer et perdu 300 hommes. Conséquences secondaires de la bataille, les flottilles françaises réfugiées dans les estuaires de la Vilaine et la Charente restèrent bloquées plus de deux ans, privant le royaume de leur puissance de feu.

Cette défaite française, dont Conflans porta seul la responsabilité aux yeux de ses contemporains, sonna le glas du projet d’invasion de l’Angleterre[1].

Comme toujours, les dessins de Jean-Yves Delitte sont saisissants (comme en atteste celui de la couverture de l’album) et le récit qu’ils illustrent s’avère très prenant.

De la bien belle ouvrage !

PÉTRONE

Les Cardinaux par Jean-Yves Delitte, préface de Denis-Michel Boëll, couleurs de Douchka Delitte, Grenoble, Éditions Glénat, Paris, Musée national de la Marine, collection « Les grandes batailles navales », octobre 2022, 56 pp. en quadrichromie au format 24 x 32 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 15,50 € (prix France)


[1] Sources : Les Cardinaux | Éditions Glénat (glenat.com) et Bataille des Cardinaux — Wikipédia (wikipedia.org)

Date de publication
samedi 29 octobre 2022
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