Le monstre et le Juste…

James Wyllie est un auteur et scénariste britannique. Il est notamment l’auteur du best-seller Femmes de nazis [1]). Il a travaillé sur de nombreux films pour la BBC, Film4 et Talkback, et il a beaucoup écrit pour des séries télévisées comme The Bill, The Tribe et Atlantis High.

Dans Goering and Goering dont la traduction française est parue sous le titre Les frères Goering – Le nazi et le résistant chez Alisio à Paris, il met en lumière les relations complexes entre Hermann, né en 1895, le futur chef de la Luftwaffe, bras droit de Hitler et créateur de la Gestapo en 1933, coupable d’innombrables crimes de guerre et contre l’humanité[2], et Albert, de deux ans son cadet, qui sera un farouche résistant au nazisme, puisqu’il aida « des centaines, voire des milliers de personnes [juives pour la plupart] en Europe, à échapper à la persécution, passant près de dix ans à travailler contre le régime que servait son frère, sauvant d’humbles commerçants aussi bien que des chefs d’État, dirigeant des filières d’évasion, faisant sortir des prisonniers des camps de concentration, influençant la politique et aidant la Résistance[3] ».

Contre toute attente, Albert resta régulièrement en contact avec son frère qui n’ignorait rien de ses agissements. Le nom de Goering lui permit de survivre sous le IIIReich malgré ses activités clandestines, mais le rendit immédiatement coupable aux yeux des Alliés.

Questionné en 1944 par ceux-ci sur ses motivations, Albert Goering, profondément protestant, expliqua « qu’il ne s’intéressait pas à la politique, qu’il détestait toute oppression et tyrannie, et qu’il faisait, d’une certaine façon, tout ce qui était en son pouvoir pour expier la brutalité et les péchés de son frère et de tous les dirigeants du régime nazi[4] ».

Albert Goering vécut en Allemagne après la guerre, mais il fut renié et mis à l’écart à cause de son patronyme. Il trouva des emplois occasionnels d’écrivain et de traducteur, vivant dans un modeste appartement loin des splendeurs de son enfance.

Il mourut le 20 décembre 1966 sans voir son activité de résistance, comparable à celles d’Oskar Schindler[5] et de Raoul Wallenberg[6], publiquement et pleinement reconnue.

De leur enfance passée entre les châteaux de Veldenstein et de Mauterndorf (chez un bienfaiteur juif) au procès de Nuremberg en 1945, James Wyllie explore le destin de deux hommes que tout oppose idéologiquement et met en lumière les relations d’une fratrie qui a fait passer la famille avant le parti.

Stupéfiant !

PÉTRONE

Les frères Goering – Le nazi et le résistant par James Wyllie, ouvrage traduit de l’anglais par Jean-Baptiste Rendu et Richard Robert, Paris, Éditions Alisio, collection « Histoire », mars 2022, 432 pp. + un cahier photo de 8 pp. en noir et blanc au format 14,5 x 22,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 21,50 € (prix France


[1] Femmes de nazis – Dans l’ombre de Goebbels, Goering, Himmler… (Paris, Éditions Alisio, novembre 2020).

[2] Pour échapper à la potence, il se suicida dans sa cellule à Nuremberg le 15 octobre 1946.

[3] Page 9.

[4] Page 20.

[5] Oskar Schindler (1908-1974) était un industriel allemand. Durant la Shoah, il sauva entre 1 100 et 1 200 Juifs en les faisant travailler dans ses fabriques d’émail et de munitions situées respectivement dans le Gouvernement général de Pologne et dans le protectorat de Bohême-Moravie. Il fut honoré du titre de « Juste parmi les nations » par le Mémorial de Yad Vashem en 1967. Sa vie est le sujet d’un roman de Thomas Keneally (La Liste de Schindler) en 1982 et d’un film (du même titre) de Steven Spielberg en 1993. Il est enterré au cimetière chrétien du mont Sion à Jérusalem.

[6] Raoul Wallenberg, né le 4 août 1912 près de Stockholm, et dont la date de décès reste incertaine, était un diplomate suédois. Héritier de l’empire industriel et financier de la famille Wallenberg, il mena une carrière d’homme d’affaires dans plusieurs pays avant d’être envoyé à Budapest pendant la Seconde Guerre mondiale. Il bénéficia d’un statut de diplomate, dont la mission était de contribuer à sauver les Juifs de Hongrie. Il utilisa la possibilité de délivrer des passeports temporaires déclarant que leurs possesseurs étaient des citoyens suédois en attente de rapatriement. Il négocia également avec des officiels nazis, comme Adolf Eichmann, afin d’obtenir l’annulation de déportations. Wallenberg sauva ainsi environ 20 000 Juifs. Il fut arrêté le 17 janvier 1945 par l’Armée rouge, et probablement soupçonné d’être un espion à la solde des États-Unis. Ce qui lui arriva ensuite n’est pas connu. Selon la version officielle des Soviétiques, il serait mort en 1947, d’une crise cardiaque pendant sa captivité, mais des témoins ont affirmé l’avoir vu vivant dans les prisons de Russie ou de Sibérie jusque dans les années 1980. (Source : Wikipédia.)

Date de publication
mercredi 16 août 2023
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