Auteur de nombreux ouvrages qui font autorité[1], ancien élève de l’École normale supérieure, docteur de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne habilité à diriger des recherches en histoire, François Delpla (°1948) est un grand spécialiste du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale.
Il publie, aux Éditions du Cerf à Paris, Sur ordre d’Hitler – Crimes passés inaperçus (1933-1945), une enquête serrée et éclairante sur un pan obscur des abominations commises par le peintre autrichien raté – et criminel hélas réussi – qui fut à l’initiative d’innombrables meurtres de masse et de génocides perpétrés dans des camps de concentration ou d’extermination et presque partout en Europe durant la Seconde Guerre mondiale.
Car nombreux sont ceux qui ignorent que le Führer fut aussi un assassin ayant commandité et parfois participé lui-même à des meurtres ciblés.
« La nuit des Longs Couteaux[2], en juin 1934, en est le prélude », écrit François Delpla qui lui consacre un chapitre de son ouvrage. « Hitler en personne vient arrêter dans un hôtel[3], pistolet au poing à la manière d’un gangster, son compagnon de route, le chef des sections d’assaut, Ernst Röhm[4]. Refusant le suicide en prison, Röhm est exécuté à la va-vite par un SS[5]. »
L’auteur passe aussi en revue, dans 33 autres chapitres, une kyrielle d’exécutions oubliées et de morts suspectes, notamment celles de l’ex-chancelier impérial Bernhard von Bülow (1849-1929), du maréchal et président du Reich Paul von Hindenburg (1847-1934), du pape Pie XI (1857-1939), du ministre nazi de l’Armement Fritz Todt (1891-1942), du roi Boris III de Bulgarie (1894-1943), du comte italien Galeazzo Ciano[6] (1903-1944), du général allemand Hans von Sponeck (1888-1944), des anciens ministres français Marx Dormoy (1888-1941), Georges Mandel (1885-1944) et Jean Zay (1904-1944), du général français Henri Mordacq (1868-1943), de la princesse italienne Mafalda de Savoie (1902-1944), du chef communiste allemand Ernst Thälmann (1886-1944) et d’anonymes comme Mildred Fish, Bruno Lüdke, Otto Schmidt, Paul et Ludwig Kompalla, Erika von Brockdorff, Johan Heinenn, Paul Müller, August Dickmann, Hermann Stöhr, Franz Jägerstätter, Markus Luftglass, Véra Obolensky et bien d’autres…
Et même d’infâmes collabos français comme Jacques Schweblin (1901-1945) et Eugène Deloncle (1890-1944) !
Dans ce page-turner, François Delpla enquête avec minutie sur ces cold cases, compare les hypothèses, en échafaude parfois d’autres, analyse les causes, évalue les conséquences et fait apparaître la préméditation.
Le tout prouvant la responsabilité d’Hitler…
PÉTRONE
Sur ordre d’Hitler – Crimes passés inaperçus (1933-1945) par François Delpla, Paris, Éditions du Cerf, février 2025, 408 pp. en noir et blanc au format 15,5 x 24 cm sous couverture brochée en couleurs, 24 € (prix France)
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Chapitre 1. Les meurtres de 1933
Chapitre 2. La nuit des Longs Couteaux
Chapitre 3. Un discours prophétique
Chapitre 4. Un meurtre hitlérien bien documenté : l’exécution de Galeazzo Ciano
Chapitre 5. Les meurtres de personnalités chrétiennes
Chapitre 6. Diplomate, un métier à haut risque
Chapitre 7. Fleurs et couronnes pour le général von Seeckt
Chapitre 8. Les morts de l’Anschluss
Chapitre 9. La répression finement dosée de Bohême-Moravie
Chapitre 10. La nuit de Cristal et ses mystères
Chapitre 11. Du côté de l’occulte
Chapitre 12. Hitler et la justice : Gürtner liquidé
Chapitre 13. Hitler et la justice : le tournant de 1942
Chapitre 14. Les procès manqués
Chapitre 15. L’affaire Blomberg-Fritsch et la mort du dénonciateur.
Chapitre 16. Les trépas rapprochés de deux premiers ministres
Chapitre 17. D’autres disparitions opportunes
Chapitre 18. Mafalda, la princesse morte d’une opération au bras
Chapitre 19. Pas d’humanistes dans la Wehrmacht !
Chapitre 20. Terroriser les nazis
Chapitre 21. Morts pour Vichy
Chapitre 22. Hitler et l’Orchestre rouge
Chapitre 23. L’assassinat des assassins
Chapitre 24. Kluge : un suicide, vraiment ?
Chapitre 25. Le rachat par le front
Chapitre 26. Les suicides : provoqués, inventés ou niés
Chapitre 27. Vrais et faux accidents aériens
Chapitre 28. La répression de la corruption
Chapitre 29. Le sort du fils de Staline
Chapitre 30. « La grande évasion » et son châtiment
Chapitre 31. Les cibles manquées : Winston Churchill, Otto Strasser et Jozip Broz Tito
Chapitre 32. Disculpations
Chapitre 33. 1945 : le tri final
Chapitre 34. Le sort des premiers témoins
Conclusion
Annexe : Discours radiodiffusé d’Hitler devant le Reichstag, 13 juillet 1934
Sigles
Bibliographie
Index des noms
[1] Les Papiers secrets du général Doumenc 1939-1940 (1991), Montoire : les premiers jours de la collaboration (1996), La Ruse nazie. Dunkerque : 24 mai 1940 (1997), Aubrac : les faits et la calomnie (1998), Hitler (1999), L’Appel du 18 Juin 1940 (2000), La Face cachée de 1940 : comment Churchill réussit à prolonger la partie (2003, thèse de doctorat), La Libération de la France (avec Jacques Baumel, 2004), Les Tentatrices du diable : Hitler, la part des femmes (2005), Nuremberg face à l’histoire (2006), Un tragique malentendu : de Gaulle et l’Algérie (avec Jacques Baumel, 2006), Qui a tué Georges Mandel (1885-1944) ? (2008), Mers el-Kébir (2010), Petit Dictionnaire énervé de la Seconde Guerre mondiale (2010), Churchill et Hitler (2012), Hitler. 30 janvier 1933 : la véritable histoire (2013), Une histoire du Troisième Reich (2014), Hitler : propos intimes et politiques 1941-1942, tome I (2016), Hitler : propos intimes et politiques 1942-1944, tome II (2016), Hitler et Pétain (2018), Martin Bormann, homme de confiance d’Hitler (2020).
[2] La nuit des Longs Couteaux est l’expression généralement utilisée pour faire référence aux assassinats perpétrés par les nazis en Allemagne, au sein de leur propre mouvement, entre le vendredi 29 juin et le lundi 2 juillet 1934, et plus spécifiquement pendant la première nuit, du 29 au 30 juin 1934.
[3] L’hôtel Hanselbauer à Bad Wiessee, en Bavière.
[4] Ernst Röhm était un officier, homme politique et chef de groupe paramilitaire allemand, né le 28 novembre 1887 à Munich et mort assassiné le 1er juillet 1934 à la prison de Stadelheim, à Munich. Il était le fondateur de la Sturmabteilung (SA) nazie, une force paramilitaire violente de 400 000 hommes qui installa à partir de 1932 un climat de terreur dans les rues allemandes. Son exécution et celle de nombreux autres membres de la SA permirent aux nazis de rassurer les militaires, les conservateurs, et les Allemands en général, en faisant passer Adolf Hitler, devenu chancelier en janvier 1933, pour le garant de l’ordre dans le pays.
[5] La Schutzstaffel (« escadron de protection »), plus communément désignée par son sigle SS, était une des principales organisations du régime national-socialiste. Fondée en avril 1925, initialement chargée de la protection rapprochée d’Adolf Hitler, la SS devint au fil des années un État dans l’État, accumulant les compétences et les missions et passant du stade de groupuscule à celui d’une énorme organisation. Progressivement, ses domaines d’activité se multiplièrent. Elle eut une fonction politique, notamment au travers de l’Allgemeine SS (la branche regroupant les unités politiques, administratives et de police de la SS), répressive avec le RSHA (une administration centrale qui dirigeait l’essentiel des organes de répression allemands) et le contrôle des camps de concentration, idéologique et raciale au travers du Lebensborn (une association dont le but était d’accélérer la création et le développement d’une race aryenne parfaitement pure et dominante) et de l’Ahnenerbe (un institut de recherches pluridisciplinaire dont le but était notamment de prouver la validité des théories nazies quant à la supériorité raciale des Aryens sur les races supposées inférieures), militaire après la création en 1934 de la SS-VT (connue sous le nom de Waffen-SS à compter de 1940), et devint également un empire économique. Elle fut aussi le principal organisateur et exécutant de l’extermination des Juifs d’Europe, lors des opérations mobiles de tuerie en Pologne et en Union soviétique (la « Shoah par balles ») perpétrées par les Einsatzgruppen (« groupes d’intervention »), ainsi que par la mise en place des camps d’extermination. Entièrement dévouée à Hitler, elle fut dirigée pendant la quasi-totalité de son existence par Heinrich Himmler (1900-1945). Traversée par de profondes rivalités internes, en conflit permanent avec d’autres organismes, notamment la Wehrmacht (l’armée régulière) ou diverses personnalités du Troisième Reich, dotée d’une organisation complexe, mouvante, accumulant les doubles emplois et les contradictions, elle fut pourtant l’un des instruments les plus efficaces et les plus meurtriers de la terreur nazie.
[6] Le gendre de Benito Mussolini (1883-1945) Source : Wikipédia..