Écrivain, historien, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris en 1991, maître de conférences à Sciences Po Paris et Régent du Collège de Pataphysique, Bruno Fuligni (°1968) est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages aussi captivants qu’originaux, comme un Petit dictionnaire des injures politiques en 2011, un Atlas des zones extraterrestres en 2017 ou encore L’Île à éclipses – Histoire des apparitions et disparitions d’une terre française en Méditerranée (2003) consacré à l’île Julia[1].
C’est également, à l’instar du fameux essayiste normalien Henri Guillemin (1903-1992), grand orfèvre en la matière s’il en fut, un dénicheur de documents surprenants : Dans les archives inédites des services secrets – Un siècle d’histoire et d’espionnage français. 1870-1989 (2011), La France rouge – Un siècle d’histoire dans les archives du PCF (2011), Secrets d’État – Les grands dossiers du ministère de l’Intérieur. 1870-1945 (2014), Souvenirs de police – La France des faits divers et du crime vue par des policiers. 1800-1939 (2016).
Bruno Fuligni a en outre publié et présenté des manuscrits inédits, comme celui d’Adolphe Gronfier, commissaire à Paris au XIXe siècle (Dictionnaire de la racaille, 2010), le récit de captivité du communard Alexis Trinquet (Dans l’enfer du bagne – Mémoires d’un transporté de la Commune, 2013) ou l’autobiographie de l’officier de marine Georges Péan publiée sous le titre Un libertin chez les Esquimaux en 2016.
On lui doit aussi un Tour du monde des terres françaises oubliées (2014 ) et L’argot des manchots – Petit lexique en usage dans les Terres australes et antarctiques françaises (2022), qu’il fait suivre aux Editions Allary par un Voyage en France australe, un carnet de voyage dans les TAAF, ces territoires du bout du monde où il s’est rendu en 2024 pour en éplucher les archives encore vierges.
Les TAAF, acronyme des Terres australes et antarctiques françaises, sont « une collectivité territoriale à statut unique qui comprend aujourd’hui cinq districts : les îles Eparses (Europa, Juan de Nova, Bassas da India, les Glorieuses, Tromelin), l’archipel Crozet, les Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam, ainsi que la Terre Adélie (…) [couvrant] au total un territoire de 439 663 km2, auquel s’ajoute un immense domaine maritime de 2 284 193 km2 ».
Incipit :
L’utopie réalisée
« Il existe une province de France sans pollution ni chômage. On y craint si peu la délinquance que toutes les habitations restent ouvertes, de jour comme de nuit. Il n’y a d’ailleurs ni tribunaux ni prisons, pas même de véritable police : cinq gendarmes au nord, faisant office de douaniers, quatre administrateurs au sud ayant la qualité d’officiers de police judiciaire, dont ils s’efforcent d’user le moins possible.
Les habitants de cette heureuse contrée ne paient pas de loyer, il n’y a d’ailleurs pas de propriétaires privés et les rares clôtures héritées de l’histoire ont été démantelées. L’ensemble du territoire, ainsi que les bâtiments, appartiennent à l’État qui, directement ou indirectement, est aussi l’unique employeur des lieux.
Les traitements et salaires y sont corrects, d’autant que les occasions de les dépenser sont rares : le gîte, le couvert et tout le nécessaire sont fournis gracieusement, le commerce du superflu s’y réduit à sa plus simple expression. Pour ainsi dire, il n’y a pas vraiment de monnaie là-bas : l’argent liquide y est normalement interdit, les cartes de crédit y sont inconnues. On ne paie que par chèque, dans les sept bars et autant de boutiques coopératives qui forment l’économie marchande de cet étrange pays. »
Mêlant photographies anciennes et clichés actuels, récits de jadis et témoignages contemporains, Bruno Fuligni exhume la mémoire de ces lieux étonnants et décrit par le menu la vie qu’y mènent de nos jours des émules de Robinson Crusoé.
L’ouvrage a été couronné du prix Pythéas 2025 remis au forum Grimaldi dans le cadre du Salon International du Livre de Monaco.
Ce prix, du nom du mythique marin grec dont le bateau vogua jusqu’aux confins du monde connu, récompense un livre ou récit d’aventure ou de voyage écrit ou traduit en français.
Proficiat !
PÉTRONE
Voyage en France australe par Bruno Fuligni, Paris, Éditions Allary, septembre 2025, 256 pp. en quadrichromie au format 18,2 x 24,2 cm sous couverture brochée en couleurs et à rabats, 26 € (prix France)
TABLE DES MATIERES
En France australe : l’utopie réalisée
LES ILES EPARSES
Europa, scène de crime tropicale
Bassas da India, la terre qui émerge
Juan de Nova, l’île insaisissable
Les Glorieuses, cocoteraie de la Légion
Tromelin, l’oubliée ?
LES ILES AUSTRALES
L’archipel Crozet, repaire des phoquiers
Les Kerguelen, escale à Port-aux-Français
Le bonheur à Biblioker
Amsterdam, trompeuse « Côte d’Azur »
Saint-Paul, incursion sur l’île mystérieuse
Dernier horizon : envie de Terre Adélie
Sources
Remerciements
[1] C’est une île éphémère créée par le volcan sous-marin Empédocle et faisant partie des champs Phlégréens de la mer de Sicile. Elle est située dans les eaux territoriales de l’Italie, entre la Sicile au nord-est et l’île de Pantelleria au sud-ouest. Actuellement située à huit mètres de profondeur, cette île a émergé par trois fois en 1701, 1831 et 1863 à la faveur d’éruptions d’Empédocle. Le 17 août 1831, les Napolitains baptisèrent l’île nouvellement formée « Ferdinandea » en l’honneur de Ferdinand II, roi des Deux-Siciles à l’époque. Elle est aussi appelée « île Graham » par les Britanniques ou « île Julia » par les Français. Bruno Fuligni signale que Ferdinandea est encore appelée « Proserpine », du nom d’un vaisseau, ou « île de Sciacca », du nom du port de Sciacca tout proche, mais aussi « Scircca », une possible coquille pour « (île de) Sciacca ».