« Merchandartzing » à la belge…

Michel Draguet invite Sotheby’s à exposer au Musée Magritte, avant sa mise en vente à New York, une documentation et des archives du peintre qu’il aurait aimé pouvoir acquérir pour l’institution qu’il dirige ! Ça, il n’y a pas à dire, c’est marqué du sceau du génie. Cela a donné à un de mes amis l’idée de s’adresser lui aussi à ce directeur général, gestionnaire magnifique que le monde entier nous envie et nous enviera encore plus après ce coup de maître.

Voici la lettre qu’il se propose de lui écrire :

Cher Ami,

Vous savez que j’ai hérité d’une très belle collection d’œuvres d’art que j’ai agrandie au cours des ans avec mes modestes moyens. Vous m’aviez dit que plusieurs de ces objets viendraient opportunément compléter les collections des Musées royaux des Beaux-Arts mais que votre budget ne vous permettait malheureusement pas d’envisager de vous en porter acquéreur. Vous aviez dès lors, me disiez-vous, l’intention de faire appel au mécénat. Je ne puis que me réjouir de cette formule en vous suggérant de procéder de la sorte : je fais appel à la célèbre maison Boterham, Tartin & Co pour organiser une vente à New York ; de votre côté, vous faites savoir que les Musée royaux sont très désireux d’acheter les lots principaux; et pour preuve de votre intérêt, vous prêtez les locaux desdits Musées pour organiser une exposition avant la vente, vous mettez sur pied une conférence presse, une réception et diverses autres mondanités.

Il ne fait pas de doute que vos mécènes potentiels seront flattés, viendront se montrer et se bousculeront à votre porte pour vous faire part de leur intention de contribuer comme ils le peuvent à faire entrer dans le patrimoine public des œuvres dont il eut été, en effet, triste et minable de négocier l’achat dans la discrétion.

Il faut néanmoins envisager aussi l’hypothèse que les prix atteints, suite à ce battage bien orchestré, dépasseront les moyens de nos mécènes. Dommage et tant pis pour les Musées. Mais ce ne sera pas perdu pour tout le monde : moi au moins, j’aurai enregistré une plus-value que je partagerai avec Boterham, Tartin & Co. De votre côté, ne vous inquiétez pas : si ce plan reçoit votre adhésion, je vous propose de nous rencontrer chez Bruneau avec le représentant de Boterham, Tartin & Co de manière à préciser la manière dont nous pourrons vous remercier de l’aide que l’institution scientifique de l’État que vous dirigez aura aussi efficacement apportée à la mise en valeur de ma collection. Je ne doute pas que cette opération contribuera en même temps à clarifier auprès de l’opinion publique votre position face au phénomène de marchandisation généralisée qui frappe aujourd’hui les musées.

Veuillez agréer, Cher Ami, etc.

Signé : Votre ami, Jules Grillon-Criquet

Car si en France les bling-bling sont à l’Élysée, en Belgique ils dirigent les musées…

OCULUS PUBLICUS

Date de publication
mercredi 25 mai 2011
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