Né à Florence de parents américains et mort à Londres où il a exercé l’essentiel de sa carrière artistique, le brillant portraitiste de la « Belle Époque », paysagiste et aquarelliste virtuose John Singer Sargent (1856-1925) a passé le plus clair de sa vie à voyager et il est considéré aujourd’hui comme l’un des plus importants artistes américains de sa génération.
Il reste toutefois méconnu en France, où aucun musée ne lui avait encore consacré d’exposition monographique.
Quand ses premières pérégrinations ont amené John Singer Sargent à Paris où il s’est installé en 1874 –il avait à peine 18 ans –, la capitale française était en effervescence et le jeune homme s’y forma dans les ateliers de Carolus-Duran[1] et de Léon Bonnat[2].
Rapidement, par la virtuosité de sa touche, la force de ses portraits et l’élégance de son regard, il imposa son style singulier et séduisit le Tout-Paris. Le milieu artistique français salua ce talent hors du commun, qui choquait parfois, avant que la reconnaissance ne cède peu à peu la place à une certaine méfiance… et à l’oubli au XXᵉ siècle.
Cent ans après sa disparition, le Musée d’Orsay organise, en collaboration avec le Metropolitan Museum of Art de New York, une exposition rétrospective exceptionnelle qui réunit près de 130 œuvres majeures et redonne toute sa lumière à la période parisienne de Sargent – sans doute la décennie plus décisive et la plus vibrante de sa carrière.
Les Éditions Gallimard à Paris en publient, rédigé sous la direction des commissaires de l’exposition Caroline Corbeau-Parsons et Paul Perrin, le splendide catalogue officiel intitulé John Singer Sargent – Éblouir Paris, ainsi que, sous la plume de la seule Caroline Corbeau-Parsons et portant le même titre, un fort joli carnet d’exposition dans la fameuse collection « Découvertes »
La période couverte va depuis les débuts du peintre parmi les élèves de l’atelier de Carolus-Duran jusqu’au scandale suscité dix ans plus tard au Salon par son chef-d’œuvre reproduit sur la couverture du catalogue, le portrait de « Madame X » (Virginie Gautreau), qui contribua au départ de John Singer Sargent pour Londres.
Née à la Nouvelle-Orléans d’une famille d’anciens émigrés français, Virginie Amélie Avegno (1859-1915) s’était installée en France en 1867. Elle épousa l’homme d’affaires Pierre Gautreau, devint une importante figure de la vie mondaine parisienne et fut reconnue comme l’une des femmes les plus belles de son temps.
Fasciné par sa beauté atypique et fardée, John Singer Sargent la convainquit de poser. Les longues séances aboutirent à un coup de maître. Il avait 28 ans, et son modèle, 25. Conscient d’avoir peint une œuvre exceptionnelle, mais provocante, l’artiste redoutait les réactions des commentateurs et des visiteurs. Dès l’ouverture du Salon de 1884, le tableau attira tous les regards et fit scandale, même si une partie de la critique en reconnaissait l’importance. On considéra comme inconvenants la bretelle droite descendue sur l’épaule, le décolleté plongeant, le maquillage trop prononcé du modèle et son profil jugé hautain.
John Singer Sargent en 1903
Photo prise par James E. Purdy[3]
John Singer Sargent repeignit ultérieurement la bretelle sur l’épaule et garda le portrait dans son atelier jusqu’à sa vente au Metropolitan Museum of Art en 1916, après le décès de Virginie Gautreau. Il rebaptisa alors le tableau « Madame X » et le désigna comme « la meilleure chose qu’il ait faite »[4].
Et les Américains le tiennent désormais pour leur Joconde…
PÉTRONE
John Singer Sargent – Éblouir Paris, catalogue d’exposition, ouvrage collectif sous la direction de Caroline Corbeau-Parsons et Paul Perrin, Paris, Éditions Gallimard et Musée d’Orsay, septembre 2025, 256 pp. en quadrichromie au format 24 x 32 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 45 € (prix France)
John Singer Sargent – Éblouir Paris, carnet d’exposition par Caroline Corbeau-Parsons, Paris, Éditions Gallimard et Musée d’Orsay, collection « Découvertes », septembre 2025, 64 pp. en quadrichromie au format 12 x 17 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 11,50 € (prix France)
EXPOSITION « JOHN SINGER SARGENT – ÉBLOUIR PARIS »
Conçue en partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York, cette exposition vise à faire découvrir ce peintre à un large public. Elle réunit plus de 130 œuvres majeures, dont certaines n’ont jamais été présentées en France.
Adresse :
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing
F-75007 Paris
Tél. 00 33 1 40 49 48 14
Dates :
Du 23 septembre 2025 au 11 janvier 2026
Horaires :
Lundi : Fermé
Mardi : 9h30 – 18h00
Mercredi : 9h30 – 18h00
Jeudi : 9h30 – 21h45
Vendredi : 9h30 – 18h00
Samedi: 9h30 – 18h00
Dimanche: 9h30 – 18h00
Tarifs :
• Plein tarif : 16 €
• Tarif réduit : 13 €
• Enfant & Cie : 13€
• Nocturne : 12€
Commissariat :
• Caroline Corbeau-Parsons, Conservatrice arts graphiques et peintures, musée d’Orsay
• Paul Perrin, Directeur des collections et de la conservation, musée d’Orsay
• En collaboration avec Stephanie Herdrich, Alice Pratt Brown Curator of American Paintings and Drawings, Metropolitan Museum of Art
[1] Carolus-Duran, pseudonyme de Charles Auguste Émile Durant, né le 4 juillet 1837 à Lille et mort le 18 février 1917 à Paris, était un peintre et sculpteur français. Parfois qualifié de « peintre mondain », il fut l’un des portraitistes les plus appréciés de la haute société de la Troisième République.
[2] Léon Bonnat, né le 20 juin 1833 à Bayonne et mort le 8 septembre 1922 à Monchy-Saint-Éloi, était un peintre, graveur et collectionneur d’art français.
[3] Par James E. Purdy — Getty Images, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=69552767
[4] https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/presentation/john-singer-sargent-eblouir-paris