Ceci (n’)est (pas) une Belgique…

Il se confirme au fil de ses publications que Patrick Roegiers est bien l’un de nos plus grands auteurs, qui manie la langue française avec un brio époustouflant et construit ses textes en virtuose de l’architecture du verbe.

Dans son roman intitulé Le bonheur des Belges qui vient de paraître chez Grasset à Paris et qui constitue sans conteste un ouvrage majeur de la rentrée littéraire, il fait en outre preuve d’une imagination débordante, alliée à un esprit d’analyse d’une grande acuité pour proposer le pendant hilare du fameux Chagrin des Belges de Hugo Claus et pour décrypter à sa manière la mort de la Belgique de Papa et l’effondrement progressif du pays le plus improbable du monde, mais aussi le plus original et l’un des plus productifs qui soient sur le plan de l’imagination artistique, culturelle et… politique.

Se livrant à un jeu de massacre des plus désopilants, Patrick Roegiers y appelle à la barre, à travers le récit fantasmagorique, allumé et bondé d’anachronismes livré par un héros de onze ans sans prénom ni parents (on lui donne du « Vilain Flamand »), des témoins de la belgitude aussi variés que Yolande Moreau en mère assassine, Victor Hugo à Waterloo lors d’une reconstitution de la bataille, Jacques Brel qui chante la naissance du pays avec la Malibran, les quatre fils Aymon en visite à l’Exposition Universelle de 1958, le collaborateur fasciste Léon Degrelle se prenant pour Tintin, mais aussi Pieter Bruegel, Thyl Ulenspiegel, le Manneken-Pis, Henri Conscience, Guido Gezelle, Verhaeren, Maeterlinck, Verlaine, Nadar, le Père Damien, Adolphe Sax, James Ensor, Maurice Grevisse, Ghelderode, Magritte, Simenon, Marguerite Yourcenar, Eddy Merckx, Maurice Béjart, Albert Frère, Dirk Frimout, Toots Thielemans, Johnny Hallyday, Adamo, Sœur Sourire, Plastic Bertrand, Benoît Poelvoorde, Hercule Poirot, Bob et Bobette, Gaston Lagaffe (ainsi que Bart De Wever et Marc Dutroux !) ou Hugo Claus himself, sans oublier les mythiques références au Tour des Flandres cycliste, aux batailles des Éperons d’or et de l’Yser… ainsi que l’érection d’un « mur de betteraves » séparant Flamands et Francophones !

Un fameux bazar !

PÉTRONE

Le bonheur des Belges par Patrick Roegiers, Paris, Éditions Grasset, mars 2012, 452 pp. en noir et blanc au format 14 x 20,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 22,00 € (prix France)

Date de publication
dimanche 2 septembre 2012
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