À la recherche d’un temps perdu…

L'été de la rainette

D’une grande subtilité, les 23 textes très courts que Corinne Hoex a rassemblés dans L’été de la rainette, un petit bijou de poésie pointilliste paru aux éditions Le Cormier à Bruxelles, commencent tous par : « Ce serait l’été », un incipit habile pour ces tentatives de retisser la toile d’un passé de petite fille enseveli dans les brumes de la mémoire et perdu dans les méandres d’un temps lointain.

Florilège :

« Ce serait l’été. Sous la table d’osier. À l’ombre de la nappe. Dans l’herbe où court une araignée brillante et noire comme un œil. L’été sous cette table parmi les écheveaux de soie de ton ouvrage. Ton premier point de croix. C’est là qu’il faut piquer.

Écheveaux en nattes. Cheveux en tresses. Rubans rouges papillonnant. »

 

« Ce serait l’été de tes cheveux coupés en frange. Des broderies sur ton col. Et de ta jupe à plis. L’été de l’oncle Armand qui raconterait des blagues et des bêtises au fond de ton oreille. Là où sa voix chatouille.

Frange lisse. Secrets de fourmis. »

 

« Ce serait l’été des lauriers blancs des lauriers roses. Derrière la remise le jardinier brûlerait les branches qui auraient trop poussé.

Crépitements. Flammes vives. Nous n’irons plus au bois. »

 

« Ce serait l’été pluvieux de la maison humide. L’été de la grenouille qui glisse sa tête verte entre les lames du volet. Une rainette dirait l’oncle Armand. Il faudrait faire un vœu.

Un vœu trois vœux dix vœux et sauter dans les flaques. Tes cheveux sentent la pluie dirait l’oncle Armand. »

 

« Ce serait l’été sous cette table. À l’ombre de la nappe. L’été où s’effiloche la soie solide de tes sept ans.

Fil brisé. Égaré au fond de ton oubli. »

 

Magnifique, non ?

PÉTRONE

L’été de la rainette par Corinne Hoex, Bruxelles, Éditions Le Cormier, mars 2016, 31 pp. en noir et blanc au format 14 x 19 cm sous couverture brochée en bichromie et à rabats, 10 €.

Date de publication
mercredi 2 mars 2016
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