« Ce n’est pas les oiseaux qui sont les plus beaux plumes qui chantent le meilleur ! »

Le mariage de Mlle Beulemans

Frantz Fonson (1870-1924) est acteur et directeur du Théâtre des Galeries à Bruxelles quand il rédige avec le journaliste Fernand Wicheler (1874-1935) Le Mariage de Mlle Beulemans, une comédie en 3 actes créée au théâtre de l’Olympia de Bruxelles le 18 mars 1910 et reprise à Paris, au théâtre de la Renaissance, le 7 juin 1910, une œuvre impayable mêlant le français au dialecte brusseleer et à la zwanze, dont le texte vient de reparaître aux Impressions nouvelles dans la célèbre collection « Espace Nord ».

On connaît l’argument :

Le jeune parisien Albert Delpierre est épris de Suzanne, la fille d’un brasseur bruxellois, M. Beulemans, chez qui il est en stage. Mais les obstacles se multiplient : Suzanne est déjà fiancée à Séraphin Meulemeester dont on apprendra qu’il a un enfant d’une jeune ouvrière ; Mlle Beulemans entreprendra alors de rompre ses fiançailles avec Séraphin et de le convaincre de retourner auprès de celle qu’il aime et de son fils. Parallèlement, elle se rapprochera d’Albert, mais Beulemans, exaspéré par les manières délicates et le « beau » français du nouveau prétendant, proclame qu’il « n’aime pas ce garçon » et voit grandir sa mauvaise humeur en apprenant qu’il est évincé de la présidence d’honneur de la Société des Brasseries.

Le succès fut immense et demeura pérenne, notamment dans la mise en scène pour la télévision de 1967 dans laquelle jouèrent Christiane Lenain, Jacques Lippe ainsi que Leonil Mc Cormick, et la pièce fut montée ensuite en 1978, 1998, 2004 et 2014, avec d’autres troupes, mais toujours le même triomphe.

Plus fort encore, dans un message dédié en 1960 au public bruxellois pour le cinquantenaire de la pièce, Marcel Pagnol raconta lui-même la genèse sa Trilogie marseillaise :

« Vers 1925, parce que je me sentais exilé à Paris, je m’aperçus que j’aimais Marseille et je voulus exprimer cette amitié en écrivant une pièce marseillaise.

Des amis et des aînés m’en dissuadèrent : ils me dirent qu’un ouvrage aussi local, qui mettait en scène des personnages affublés d’un accent aussi particulier, ne serait certainement pas compris hors des Bouches-du-Rhône, et qu’à Marseille même, il serait considéré comme un travail d’amateur. Ces raisons me parurent fortes et je renonçai à mon projet : mais en 1926, je vis jouer Le Mariage de Mlle Beulemans ; ce chef-d’œuvre avait déjà 16 ans et son succès avait fait le tour du monde.

Ce soir-là, j’ai compris qu’une œuvre locale, mais profondément sincère et authentique pouvait parfois prendre place dans le patrimoine littéraire d’un pays et plaire dans le monde entier.

J’ai donc essayé de faire pour Marseille ce que Fonson et Wicheler avaient fait pour Bruxelles, et c’est ainsi qu’un brasseur belge est devenu le père de César et que la charmante mademoiselle Beulemans, à l’âge de 17 ans, mit au monde Marius.

Il y a aussi un autre personnage qui doit la vie à la comédie bruxelloise : c’est M. Brun qui est assez paradoxalement le fils naturel du parisien Albert Delpierre. J’avais en effet remarqué que son accent faisait un plaisant contraste avec celui de la famille Beulemans et qu’il mettait en valeur la couleur bruxelloise de la pièce. C’est pourquoi, dans le bar marseillais de César, j’ai mis en scène un Lyonnais. »

Sans le moindre ostracisme

PÉTRONE

Le mariage de Mlle Beulemans – Comédie en 3 actes par Frantz Fonson et Fernand Wicheler, préface et postface de Paul Emond, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, collection « Espace Nord », septembre 2015, 235 pp. en noir et blanc au format 12 x 18,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 8,50 €

Date de publication
vendredi 25 mars 2016
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