Titulaire d’un doctorat d’État obtenu en 1994 à l’université de Provence et diplômé de l’École pratique des hautes études en sciences historiques et philologiques, Martin Aurell (1958-2025) était un historien médiéviste d’origine espagnole, naturalisé français, spécialiste des Plantagenêt, d’Aliénor d’Aquitaine, de la légende arthurienne, des troubadours ou encore des épées.
Esprit brillant, il a enseigné l’histoire du Moyen Âge à l’Université de Poitiers, il fut membre de l’Institute for Advanced Studies de l’université de Princeton (1999) ainsi que de l’Institut universitaire de France (2000-2012), il fut directeur du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (2015-2022) et il a dirigé les Cahiers de Civilisation médiévale (2000-2022). Membre du conseil scientifique universitaire du Centre vendéen de recherches historiques, il l’a présidé de 2023 à son décès. Ses recherches portaient principalement sur les pouvoirs, les structures de parenté et la culture politique des Xe-XIIIe siècles en Occident[1].
Les Éditions Perrin ressortent au format de poche, dans leur remarquable collection « Tempus », son essai magistral sur L’empire des Plantagenêt (1154-1224) paru en 2022, un ouvrage dans lequel il se penche sur l’histoire de la montée en puissance, de l’apogée et de la décadence d’une des plus grandes familles politiques du Moyen Âge.
Les Plantagenêt sont une maison royale issue de la première maison d’Anjou avec le mariage en 1127 de Geoffroy V dit Plantagenet, fils de Foulques V d’Anjou, comte d’Anjou et du Maine, avec Mathilde l’Emperesse, fille d’Henri Ier Beauclerc, duc de Normandie, comte de Bretagne et roi d’Angleterre.
Ses membres dirigeants furent rois d’Angleterre (1154-1485), ducs de Normandie (1144-1204), ducs d’Aquitaine (1152-1453), ducs de Bretagne (1181-1203), seigneurs d’Irlande (1171-1485), princes de Galles (1301-1484), comtes du Maine (1110-1204), comtes de Poitou (1137-1202) et comtes d’Anjou (1129-1204), et leur maison est éteinte en ligne légitime depuis l’exécution d’Édouard Plantagenêt (1475-1499) en 1499 par Henri VII (1457-1509), fondateur de la dynastie des Tudor (1485-1603).
C’est en 1152, quand il épousa Aliénor d’Aquitaine (1124-1204), que le jeune fils de Geoffroy V, Henri II (1133-1189), héritier du trône d’Angleterre, donna naissance à l’Empire Plantagenêt en étendant son influence territoriale de l’Écosse aux Pyrénées et de l’Irlande au Limousin.
En trois générations, de 1154 à 1224, cet empire s’imposa sur l’échiquier politique, mais cet assemblage hétéroclite de comtés, de marches et de duchés fut sans cesse agité par des rébellions, d’autant que, par serment, les Plantagenêt étaient vassaux du roi de France qui, de son côté, cherchait à étendre son pouvoir.
Henri II s’entoura d’une cour brillante composée de clercs savants amenés à prix d’or en Angleterre et il instaura un État fort et centralisé dans le but d’affermir sa domination sur son espace politique disparate, tandis que, par le biais des plus belles plumes de l’époque, il fabriqua sa légende, réécrivit son histoire familiale et s’inventa même des ancêtres aussi improbables qu’Arthur, le célèbre roi de Bretagne.
Dans toutes les cours de ses principautés, on chanta ses louanges, et la fierté de le servir aiguisa l’affrontement contre les Capétiens.
En revanche, dans les coulisses du pouvoir se jouait le triste spectacle d’une famille déchirée, soudée par la haine et dont les fils – Richard Cœur de Lion (1157-1199) ou Jean sans Terre (1166-1216) ainsi surnommé parce qu’il perdit la Normandie, l’Anjou et le Maine en 1204-1205 – étaient prêts à tuer le père pour sauver leur mère répudiée, la reine Aliénor.
William Shakespeare tira de ce drame ses plus belles pages.
Après le règne désastreux de Jean sans Terre, l’Angleterre fut dirigée par :
– Henri III (1207- 1272)
– Édouard Ier (1239-1307), qui mit la main sur le pays de Galles et l’Écosse
– Édouard II (1284-1327)
– Édouard III (1312-1377), qui revendiqua la couronne de France face à Philippe VI à partir de 1337, entraînant la guerre de Cent Ans
– Richard II (1367-1399), qui fut renversé et remplacé en 1399 par un cousin germain, le duc de Lancastre, devenu Henri IV d’Angleterre, fondateur de la maison de Lancastre. Cette usurpation entraîna une division de la famille Plantagenêt qui conduisit finalement à une guerre civile. À partir du règne désastreux d’Henri VI (1421-1471) et en dépit du prestige d’Henri V (1386-1422), la maison d’York contesta le pouvoir de la maison de Lancastre, ce qui aboutit à la guerre des Deux-Roses (1455-1485), si bien que Richard III (1452-1485) fut le dernier roi Plantagenêt.
L’impopularité du meurtre de l’archevêque Thomas Becket (1118-1170), assassiné à Cantorbéry par quatre chevaliers zélés parce qu’il était conflit avec le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt sur les droits et privilèges de l’Église catholique, jeta définitivement l’opprobre sur la famille.
En 1224, la veuve de Jean sans Terre livra le Poitou à Philippe Auguste, entraînant le retrait des Anglais du sol continental, le dernier Plantagenêt, Henri III, y conservant seulement la Gascogne[2].
PÉTRONE
L’empire des Plantagenêt (1154-1224) par Martin Aurell, Paris, Éditions Perrin, collection « Tempus », juin 2025 [2002, 2004], 572 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 11 € (prix France)
[1] En sus de nombreux articles et préfaces, on lui doit Une Famille de la noblesse provençale au Moyen Âge, les Porcelet (1986), La Vielle et l’épée – troubadours et politique en Provence au XIIIe siècle (1989), L’État et l’aristocratie en Catalogne et en Provence. IXe-XIVe siècles (1994, thèse d’État), Les noces du comte : mariage et pouvoir en Catalogne. 785-1213 (1995), La noblesse en Occident. Ve-XVe siècles (1996), Les actes de la famille Porcelet d’Arles. 972-1320 (2000), La Provence au Moyen Âge (2005, avec Jean-Paul Boyer et Noël Coulet), La légende du roi Arthur. 550-1250 (2007), Le chevalier lettré : savoir et conduite de l’aristocratie aux XIIe et XIIIe siècles (2011), Des Chrétiens contre les croisades. XIIe-XIIIe siècle (2013), Aliénor d’Aquitaine (2020), Excalibur, Durandal, Joyeuse : la force de l’épée (2021), Les chevaliers de la Table ronde : romans arthuriens (2022, anthologie commentée avec Michel Pastoureau), Dix idées reçues sur le Moyen Âge (2023), Aliénor d’Aquitaine, souveraine femme (2024).
[2] Wikipédia.