Un Nostradamus belge

L'Afrique Centrale dans cent ans

Magistrat au Congo Belge (il fut conseiller à la cour d’appel d’Élisabethville, au Katanga) et illustre inconnu de l’histoire des lettres de langue française, l’Ixellois Paul Salkin (1869-1932) est l’auteur d’un roman époustouflant publié en 1926 chez Payot à Paris dans une collection scientifique, sorte d’apax visionnaire intitulé L’Afrique Centrale dans cent ans dans lequel il imagine, sur le mode du fantastique et de la science-fiction à la manière de chez nous, la situation de notre colonie au début du XXIe siècle. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur a le regard perçant quand, avec 35 à 75 ans d’avance, en plus des troubles de la décolonisation, d’une guerre en Algérie, de la création de l’ONU et de l’instauration de l’Union européenne avec Bruxelles pour capitale, il pressent pour le Congo l’indépendance et son lot de révoltes, l’émergence des nationalismes régionaux, les tentations de « recours à l’authenticité » en butte à celles d’occidentalisation à tout va, le potopoto actuel des religions (dans un salmigondis de catholicisme, de protestantisme, de kimbanguisme, d’islam et d’animisme) et la mise au pas des uns et des autres par un pouvoir autoritaire…

En 2002, à l’initiative de Marc Quaghebeur, cet ouvrage passionnant était reparu aux Archives et Musée de la Littérature à Bruxelles, avec une belle préface de l’historien congolais Isidore N’Daywel è Nziem (qui tient Paul Salkin pour un homme « doté d’une perception exacte des enjeux de l’histoire (…) tels que les perçoivent les Congolais contemporains »), mais ce retirage s’était épuisé rapidement. Or voilà qu’il ressort ces jours-ci chez le même éditeur, dans le cadre des manifestations diverses qui accompagnent le cinquantenaire de l’indépendance de la République Démocratique du Congo. Une belle initiative et une magnifique occasion de (re)découverte d’un texte abracadabrantesque !

PÉTRONE

L’Afrique Centrale dans cent ans par Paul Salkin, avant-propos de Marc Quaghebeur, préface d’Isidore N’Daywel è Nziem, Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature, mai 2010, 160 pp. en noir et blanc au format 14,8 x 21,5 cm sous couverture brochée en couleur, 14 € (prix Belgique).

Date de publication
mercredi 20 octobre 2010
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