« En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. » (Georges Clemenceau)

Professeur émérite à Sciences Po, Michel Winock est l’auteur d’une œuvre considérable qui lui vaut d’être reconnu comme l’un des meilleurs historiens et biographes actuels.

Il a fait paraître chez Perrin à Paris, sous-titrée « Édition du centenaire », une luxueuse version nouvelle, revue, actualisée, augmentée et enrichie d’un cahier iconographique supplémentaire de sa biographie de Georges Clemenceau (1841-1929) publiée en version princeps chez le même éditeur en 2007 [1] puis dans la collection de poche « Tempus » en 2011.

Médecin, homme intransigeant plus tard ami de Claude Monet, maire républicain et antimonarchiste du XVIIIarrondissement de Paris durant la guerre de 1870 (époque où il rompit définitivement avec Jules Ferry), député de la Seine en 1871 sur les listes de l’Union républicaine, il tenta en vain de jouer les intermédiaires entre la Commune et les Versaillais, puis fut élu conseiller municipal de Paris en 1871 et en 1874 avant d’être choisi comme président du conseil municipal de cette ville en 1875 et de remporter un siège de député radical (d’extrême gauche, donc) de la capitale française en 1876 jusqu’en 1893.

Ardent défenseur de la séparation des Églises et de l’État, militant opiniâtre en faveur de l’amnistie des Communards, adversaire du colonialisme et de l’impérialisme prônés par Jules Ferry autant que de l’anarchisme violent, orateur brillant et féroce – ce talent lui permit de faire tomber quantité de ministères – dreyfusard de choc aux côtés d’Émile Zola, Georges Clemenceau fut sénateur de 1902 à 1906, puis ministre de l’Intérieur appelé à envoyer une troupe de 20 000 soldats le 20 mars 1906 pour calmer des grévistes à Lens, ce qui l’amena à rompre avec la gauche socialiste, révolutionnaire et syndicaliste.

Président du Conseil de 1906 à 1909, il ferrailla contre le pape et l’Église catholique, mais celui que l’on surnommait alors le « premier flic de France » [2] fut confronté en 1907 et 1908 à d’autres grèves dures dans lesquelles des personnes périrent et qui l’amenèrent à agir avec poigne, ce qui lui valut de se brouiller avec Jean Jaurès.

Redevenu Président du Conseil le 16 novembre 1917  [3], il fut un chef de guerre habile et inflexible, ce qui lui valut un second surnom, celui de « Père la Victoire », et il fut l’un des artisans du traité de Versailles signé le 28 juin 1919. Il présenta la démission de son cabinet le 17 janvier 1920 et quitta la politique, notamment pour voyager, avant de s’éteindre le 24 novembre 1929 des suites d’une crise d’urémie.

On lui doit un grand nombre de bons mots – parfois très féroces – restés à la postérité :

« On ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. »

Au sujet de Georges Mandel, son directeur de cabinet :« Quand je pète, c’est lui qui pue. »

À Paul Deschanel, qui lui demandait de « solutionner » un problème : « Nous voulons bien essayer de solutionner votre problème, mais il faudrait d’abord nous l’explicationner ».

À propos du maréchal Lyautey, dont les mœurs étaient bien connues : « Voilà un homme admirable, courageux, qui a toujours eu des couilles au cul… même quand ce n’étaient pas les siennes ».

« Donnez-moi quarante trous du cul et je vous fais une Académie française. »

« Toute tolérance devient à la longue un droit acquis. »

Enfin, d’aucuns disent que ses dernières volontés étaient : « Pour mes obsèques, je ne veux que le strict minimum, c’est-à-dire moi. »

PÉTRONE

 

Clemenceau – Édition du centenaire par Michel Winock, Paris, Éditions Perrin, novembre 2017, 570 pp. en noir et blanc + 2 cahiers de 8 pp. en quadrichromie au format 16,5 x 24,8 cm sous couverture cartonnée et jaquette en couleurs, 35 € (prix France)

[1] Elle fut couronnée par le prix Aujourd’hui.

[2] Il soutint la création de la Police scientifique par Alphonse Bertillon et des brigades régionales mobiles (dites « Brigades du Tigre ») par Célestin Hennion, nommé à la tête de la nouvelle Sûreté générale qui créa un fichier des récidivistes et un service d’archives.

[3] Poste que le Tigre occupa jusqu’au 18 janvier 1920.

Date de publication
mercredi 25 avril 2018
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