Mots délectables…

Henriette Walter, née Saada le 5 mars 1929 à Sfax (Tunisie), est une linguiste française, professeur émérite de linguistique à l’université Rennes-II et directrice du laboratoire de phonologie à l’École pratique des hautes études à la Sorbonne. Elle est également présidente de la Société internationale de linguistique fonctionnelle et membre du Conseil international de la langue française.

Elle a fait paraître de nombreux livres aux Editions Robert Laffont : Le Français dans tous les sens (1988), Des mots sans-culottes (1989), L’Aventure des langues en Occident (1994), L’Aventure des mots français venus d’ailleurs (1997), Honni soit qui mal y pense (2001), en collaboration avec Bassam Baraké, Arabesques – L’Aventure de la langue arabe en Occident (2006), avec Gérard Walter, Les sciences racontées à ma petite-fille (2009), Minus, lapsus et mordicus (2014) ou encore, avec Pierre Avenas, L’Étonnante Histoire des noms des mammifères (2003), La Mystérieuse Histoire du nom des oiseaux (2007), La Fabuleuse Histoire du nom des poissons (2011) et La Majestueuse histoire du nom des arbres (2017) [1].

Par ailleurs excellente cuisinière, elle est revenue chez cet éditeur pour publier un essai aussi délicieux que passionnant intitulé Les petits plats dans les grands – La savoureuse histoire des mots de la cuisine et de la table dans lequel elle dresse l’inventaire historique et étymologique du vocabulaire gastronomique de l’Hexagone.

S’il ne s’agit pas d’un livre de recettes culinaires, cet ouvrage permet néanmoins de découvrir ce qui se dissimule sous les mots de la cuisine et de la table par le recours à la science (la phonétique historique et le vocabulaire latin, par exemple), mais aussi grâce à des anecdotes parfois largement méconnues, le tout dans un style parfaitement accessible au commun des mortels.

Extraits :

LE FEUILLETAGE ET CLAUDE GELLÉE, DIT LE LORRAIN

Oui, Claude Gellée, dit Le Lorrain (1600-1682), issu d’une famille modeste, avait tout jeune été apprenti pâtissier dans une pâtisserie de sa ville natale, dans les Vosges. Devant préparer une pâte au beurre, il oublie d’y incorporer le beurre, et il tente de corriger sa bévue en posant le beurre sur la pâte, puis il replie les bords au-dessus et aplatit le tout plusieurs fois de façon à bien intégrer la matière grasse… et c’est une galette gonflée qui sort du four ! La pâte feuilletée était née. C’est bien plus tard (1629) qu’il créera sa première toile et qu’il deviendra un paysagiste réputé.

FRAISES SARAH BERNHARDT ET PÊCHE MELBA

On nomme fraises Sarah Bernhardt un entremets où les fraises sont accompagnées de curaçao (liqueur bleue à base d’oranges), de crème et de sorbet à l’ananas. Pour la pêche Melba, c’est à la suite d’une représentation de Lohengrin en 1893 au Covent Garden à Londres qu’Escoffier eut l’idée d’honorer la cantatrice australienne Helen Porter Mitchell, alias Nellie Melba (1861-1931) [2] par un autre entremets encore plus raffiné, qu’il décrirait ainsi dans son Guide culinaire (1902) : « Je me suis inspiré du majestueux cygne qui paraît sur la scène. Je fis servir des pêches tendres et mûres à point sur un lit de fine glace à la vanille, dans une timbale en argent incrustée entre les deux ailes d’un superbe cygne taillé dans un bloc de glace et recouvert d’un voile de sucre filé ».

AUGUSTE ESCOFFIER

(1846-1935)

Chef le plus célèbre de son temps, qui avait été formé sur les bases de la cuisine riche d’Antonin Carême, Auguste Escoffier préconisa de l’alléger. D’une grande créativité, il a aussi, parmi d’autres créations, mis au point le Bouillon KUB de Maggi, et son influence sur la cuisine française ne s’est jamais démentie.

Un livre qui se dévore allégrement !

PÉTRONE

Les petits plats dans les grands – La savoureuse histoire des mots de la cuisine et de la table par Henriette Walter, Paris, Éditions Robert Laffont, mars 2020, 280 pp. en noir et blanc au format 17 x 24 cm sous couverture brochée en couleurs, 21 € (prix France)


[1] Sans oublier Le Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel (en collaboration avec André Martinet), Droz, 1973, La Phonologie du français, PUF, 1977, Le Dictionnaire des mots d’origine étrangère (avec Gérard Walter), Larousse, 1991, Les Français d’ici, de là, de là-bas, J.C. Lattès, 1998, Aventures et Mésaventures des langues de France, Éditions du Temps, 2008 et Manifeste pour l’hospitalité des langues (ouvrage collectif), éditions la Passe du vent, L’instant même, 2012.

[2] Son nom de scène provient de la ville de Melbourne, capitale de l’État de Victoria, où elle donna son premier concert. Elle a fait ses débuts internationaux en 1887 au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles où l’on remarqua immédiatement l’étendue de sa tessiture, la souplesse et la pureté de sa voix. (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nellie_Melba)

Date de publication
dimanche 23 août 2020
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