« Ce qui est en jeu, dans l’érotisme, c’est toujours une dissolution des formes constituées. » (Georges Bataille)

Le philosophe belge Arnaud de la Croix (°1959), a signé de nombreux essais[1] dont certains connaissent une belle pérennité comme L’Érotisme au Moyen Âge – Le corps, le désir, l’amour paru en 1999 chez Tallandier à Paris, revu en 2003, réimprimé en 2013 et ressorti une nouvelle fois en octobre 2021.

Dans cet ouvrage, il décrit les évolutions de l’expression du sentiment amoureux et du désir physique, en France essentiellement, durant les dix siècles que dura le Moyen Âge.

Et sa préface, dont nous avons recopié ci-après quelques extraits, résume parfaitement le propos de l’auteur :

« Tout commence par une approche des conceptions du désir et de l’amour développées dans l’Antiquité par le Grec Platon et le Romain Ovide, car l’un et l’autre influenceront en profondeur les médiévaux. (…)

Nous plongerons ensuite dans l’Occitanie de la fin du XIe siècle (…), où s’invente un érotisme singulier. (…) La lyrique courtoise surgit en Provence comme une culture neuve, que le milieu chevaleresque, bientôt mimé par la classe bourgeoise, impose à côté de et contre la culture dominante de l’Église.

Au XIIe siècle, le courant courtois, prônant l’adultère, connaît des prolongements originaux. Il marque progressivement toute l’Europe, mais se mélange, dans l’entourage des Plantagenêt, d’un apport particulier, la matière de Bretagne. Des mythes d’origine celtique inspirent une sexualité passionnelle, où la femme joue un rôle d’initiatrice. En réaction, Chrétien de Troyes tentera de concilier l’amour avec le couple, en décrivant un modèle relationnel égalitaire, dépassionné.

Le XIIe siècle connaît aussi l’efflorescence, au sein de l’Église et dans ses marges, d’une mystique qui emprunte son vocabulaire sensuel à la lyrique courtoise comme au Cantique des cantiques. Mystique essentiellement féminine, où les visions le disputent à l’extase, où se nouent de brûlantes épousailles avec le divin.

Au XIIIe siècle, Guillaume de Lorris et Jean de Meun, auteurs du célèbre Roman de la Rose, signent la dégradation puis la profanation du grand rêve courtois. La réaction féministe de Christine de Pisan à la misogynie du second retiendra notre attention.

Loin des effusions mystiques, les fabliaux du XIIIe siècle où le sexe s’affiche crûment, les chansons sensuelles des goliards, l’obscénité de nombre de sculptures et gargouilles (…), évoquent une sexualité différente, liée à la tradition orale, au paganisme antique ou à des croyances populaires très peu chrétiennes. »

Une très brillante démonstration, aux antipodes des poncifs circulant à propos de dix siècles d’ère chrétienne qui n’auraient été ni libérés ni chauds bouillants…

PÉTRONE

L’Érotisme au Moyen Âge – Le corps, le désir, l’amour par Arnaud de la Croix, Paris, Éditions Tallandier, collection « Texto – Le goût de l’histoire » dirigée par Jean-Claude Zylberstein, octobre 2021 [1999, 2003, 2013], 168 pp. en noir et blanc au format 12 x 18 cm sous couverture brochée en couleurs, 8,50 € (prix France)

SOMMAIRE

Préambule

De l’Éros antique à l’érotisme médiéval

Fin’amor

Dorée d’Amour

Éros mystique et féminin

Sexualité populaire

Conclusion

Épilogue : la fin du Moyen Âge

Bibliographie

Fin’amor : discographie sélective

Index


[1] Barthes – Pour une éthique des signes, Éditions de Boeck (1987), Pour lire la bande dessinée (en collaboration avec Frank Andriat), Éditions De Boeck (1992), Sur les routes du Moyen Âge, Éditions du Rocher (1997), Arthur, Merlin et le Graal, un mythe revisité, Éditions du Rocher (2001), Les Templiers au cœur des croisades, Éditions du Rocher (2002), Marie ou la Renaissance (en collaboration avec Christian Lutz), Éditions le Cri (2002), L’Ordre du temple et le reniement du Christ, Éditions du Rocher (2004), L’Âge des ténèbres : la christianisation de l’Occident, Labor (2006), Blueberry, une légende de l’Ouest, Point Image (2007), Hildegarde de Bingen : la langue inconnue, Alphée (2008), L’École de la nuit : introduction à la magie noire, Camion noir (2009),  Hitler et la franc-maçonnerie, Éditions Racine (2013), Les Illuminati : la réalité derrière le mythe, Éditions Racine (2014), Les Templiers, chevaliers du Christ ou hérétiques ?, Éditions Tallandier (2014), La Religion d’Hitler, Éditions Racine (2015), Treize livres maudits, Éditions Racine (2016), Léon Degrelle :1906-1994, Éditions Racine (2016), Ils admiraient Hitler : 12 portraits de disciples du dictateur, Éditions Racine (2017), 13 complots qui ont fait l’histoire, Éditions Racine (2018), Himmler et le Graal, Éditions Racine (2018), Le Pacte avec le diable, de saint Augustin à David Bowie, Éditions Racine (2019), Nouvelle Histoire de Bruxelles, Éditions Racine (2020), Hergé occulte – La ligne sombre, Éditions Camion noir (2021).

Date de publication
vendredi 5 novembre 2021
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