Vingt histoires médicales…

Patrick Berche, né en 1945, est un médecin français, biologiste des hôpitaux, professeur des universités et praticien hospitalier, chef de service de microbiologie de l’hôpital Necker-Enfants malades, ancien doyen de la faculté de médecine Paris-Descartes, qu’il a contribué à créer en 2004. Il a été directeur général de l’Institut Pasteur à Lille de juillet 2014 à juin 2018.

Jean-Jacques Lefrère, né en 1954 et mort en 2015, était un hématologue et un écrivain français, connu du grand public pour ses travaux sur la sécurité transfusionnelle et ses recherches littéraires sur Rimbaud et Lautréamont.

En 2011, ils ont publié chez Perrin un essai historique intitulé Gloires et impostures de la médecine qui reparaît cette année, au sein de la même maison, en version de poche dans la fameuse collection ‘Tempus ».

Divisé en quatre parties consacrées respectivement à l’histoire de l’exploration du corps humain, de la découverte de l’invisible, des innovations thérapeutiques et des dérives médicales, cet ouvrage explique tout d’abord comment des savants grecs, Érasistrate[1] et Hérophile[2], trois siècles avant notre ère, autopsièrent des cadavres pour mieux comprendre l’anatomie humaine, puis comment le Bruxellois André Vésale[3], qui finira chirurgien de l’empereur Charles Quint, puis de Philippe II d’Espagne, révolutionna cette science par l’observation de blessés et de morts dans des batailles, mais aussi de pendus par faits de justice. Après quoi l’on apprend comment l’Anglais William Harvey[4] découvrit en 1628 les principes de la circulation sanguine et l’Américain William Beaumont[5] ceux du processus de la digestion par l’aménagement d’une fistule permettant de voir l’intérieur de l’estomac d’un de ses patients, Alexis Saint Martin, puis comment le docteur Laennec[6] inventa le stéthoscope en regardant des enfants jouer avec un morceau de bois.

La deuxième partie traite de la découverte de l’asepsie par le docteur Ignaz Semmelweis[7] à qui l’écrivain français Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) rendit un vibrant hommage en lui consacrant sa thèse de doctorat en médecine, La Vie et l’Œuvre de Philippe Ignace Semmelweis, soutenue en 1924. Puis des travaux de Gerhard Hansen contre la lèpre[8], du docteur Burkitt[9] contre la leucémie et du virologue Gajdusek[10] contre le kuru.

Consacrée aux innovations thérapeutiques, la troisième partie traite de la découverte de l’anesthésie par Horace Wells[11], puis de l’insuline par Frederick Banting[12], ainsi que des groupes sanguins par Karl Landsteiner, suivie des travaux d’Arnault Tzanck[13] sur la transfusion sanguine.

La dernière partie, quant à elle, se penche sur quelques dérives de la médecine comme le charlatanisme du zouave magnétiseur Henri Jacob[14], celle des injections de jouvence du docteur Brown-Séquard[15] à base d’extraits de testicule de chien et de cochon d’Inde, sans oublier les « travaux » du neurologue Edgar Bérillon[16] qui, pendant la Première Guerre mondiale, voulut démontrer la supériorité physique et physiologique du Français sur l’Allemand en comparant le poids de leurs selles.

Bien pires furent les prétentions eugénistes d’Alexis Carrel[17], l’ignoble enquête de Tuskegee[18] en Alabama – une étude de la syphilis sur une population noire que l’on regardait mourir sans la soigner –, les effets du thalidomide[19] sur les bébés et l’affaire du sang contaminé[20].

Vingt histoires stupéfiantes, joliment troussées et habilement narrées…

PÉTRONE

Gloires et impostures de la médecine par Patrick Berche et Jean-Jacques Lefrère, Paris, Perrin, collection « Tempus », octobre 2021 [2011], 502 pp. en noir et blanc au format 10,9 x 17,7 cm sous couverture brochée en couleurs, 10 € (prix France)

SOMMAIRE

DE L’ART D’EXPLORER LE CORPS HUMAIN

Hérophile et Érasistrate : la première exploration du corps humain

André Vésale ou la connaissance retrouvée de l’anatomie humaine

William Harvey découvre la circulation du sang

L’aventure de Saint-Martin et Beaumont

Laennec invente le stéthoscope

LA DÉCOUVERTE DE L’INVISIBLE

Ignaz Semmelweis, l’homme qui « touche les microbes sans les voir »

Gerhard Hansen, une vie de lutte contre la lèpre

L’extraordinaire quête du docteur Burkitt

Un virologue chez les cannibales papous

LES INNOVATIONS THÉRAPEUTIQUES

La singulière découverte de l’anesthésie

La résurrection par l’insuline

Karl Landsteiner découvre les groupes sanguins

Arnault Tzanck, pionnier de la transfusion sanguine

LES DÉRIVES DE LA MÉDECINE

Le Zouave Jacob ou la thaumaturgie par le magnétisme

Les injections de jouvence du docteur Brown-Séquard

Edgar Bérillon ou la science patriotique

Alexis Carrel, pour le meilleur et pour le pire

L’enquête de Tuskegee, conspiration du silence et du racisme

Les bébés du thalidomide

L’Affaire du sang contaminé

Bibliographie

Index

Remerciements


[1] Érasistrate, né vers 310 av. J.-C. et mort vers   250 av. J.-C., surnommé « l’Infaillible », est un médecin clinicien et expérimental et un grand anatomiste de la Grèce antique.

[2] Hérophile de Chalcédoine, né vers 330-320 av. J.-C. et mort vers 260-250 av. J.-C., est un médecin grec né à Chalcédoine en Asie Mineure (actuellement Kadiköy en Turquie). Avec Érasistrate, il fut parmi les premiers médecins à s’intéresser au corps en bonne santé et à essayer de comprendre le fonctionnement normal du corps, contrairement à la tradition hippocratique qui était entièrement axée sur le problème de la maladie.

[3] André Vésale, né à Bruxelles le 31 décembre 1514 et mort à Zakynthos le 15 octobre 1564, est un anatomiste et médecin brabançon, considéré par de nombreux historiens des sciences comme le plus grand anatomiste de la Renaissance, voire le plus grand de l’histoire de la médecine. Ses travaux, outre qu’ils ont fait entrer l’anatomie dans la modernité, mettront fin aux dogmes du galénisme qui bloquaient l’évolution scientifique depuis plus de mille ans aussi bien en Europe que dans le monde islamique.

[4] William Harvey, né à Folkestone (Kent) le 1er avril 1578 et mort à Londres le 3 juin 1657, est un médecin anglais. On lui attribue la découverte et la démonstration de la circulation sanguine générale, dans son ouvrage majeur de Motu Cordis (1628).

[5] William Beaumont (21 novembre 1785 – 25 avril 1853) était un chirurgien de l’US Army qui se rendit célèbre par ses recherches sur la digestion humaine. On dit de lui qu’il est le « père de la physiologie gastrique ».

[6] René-Théophile-Marie-Hyacinthe Laennec, né le 17 février 1781 à Quimper, mort le 13 août 1826 (à 45 ans) à Douarnenez, est un médecin français, créateur du diagnostic médical par auscultation (Traité de l’auscultation médiate, 1819) grâce à l’invention du stéthoscope.

[7] Ignaz Semmelweis, né le 1er juillet 1818 à Ofen (nom allemand de Buda, qui fait aujourd’hui partie de Budapest situé en Hongrie) et mort le 13 août 1865 à Döbling près de Vienne, est un médecin obstétricien hongrois qui démontra l’utilité du lavage des mains après la dissection d’un cadavre, avant d’effectuer un accouchement. Il démontra également que le lavage des mains diminuait le nombre des décès causés par la fièvre puerpérale des femmes après l’accouchement. Jusqu’alors, les médecins accoucheurs essayaient en vain de comprendre d’où venaient les fièvres puerpérales en effectuant de nombreuses autopsies. Ce fut un coup terrible pour ceux qui furent finalement convaincus par les idées de Semmelweis : il s’avérait qu’eux-mêmes transmettaient involontairement la maladie.

[8] Gerhard Henrik Armauer Hansen, né le 29 juillet 1841 à Bergen et mort le 12 février 1912 à Florø (Norvège), est un médecin bactériologiste et dermatologue norvégien. Il est resté célèbre pour sa découverte en 1873 du « bacille de Hansen » (Mycobacterium leprae), la bactérie responsable de la lèpre. Cette découverte revêt une importance historique, car il s’agit de la première démonstration d’une relation de causalité entre une bactérie et une maladie connue.

[9] Denis Parsons Burkitt (28 février 1911 – 23 mars 1993) est un chirurgien britannique, connu en particulier pour ses travaux sur le lymphome de Burkitt, nommé ainsi parce qu’il est le premier à le décrire.

[10] Daniel Carleton Gajdusek, né le 9 septembre 1923 à Yonkers et mort le 11 décembre 2008 à Tromsø en Norvège est un médecin pédiatre américain, d’origine slovaque par son père et hongroise par sa mère. Dans les années 1950, il fut confronté au kuru, une maladie neurologique qui atteint les Forés, un peuple papou des montagnes de Nouvelle-Guinée. Avec l’aide d’autres chercheurs, il démontre que la maladie se transmet aux femmes et aux enfants qui ingèrent des broyats de cerveaux humains à l’occasion de pratiques cannibales. Il obtient en 1976 pour ces découvertes le prix Nobel de médecine.

[11] Horace Wells (né le 21 janvier 1815 à Hartford et mort par suicide le 24 janvier 1848 à New York) est un dentiste américain qui fut un pionnier dans l’utilisation des techniques d’anesthésie en dentisterie. Il utilisa principalement le protoxyde d’azote (aussi appelé gaz hilarant).

[12] Frederick Grant Banting (14 novembre 1891 – 21 février 1941) est un médecin et scientifique canadien récompensé par le prix Nobel de physiologie ou médecine de 1923 pour avoir découvert l’insuline.

[13] Arnault Tzanck (né à Vladicaucase, Ossétie du Nord, en 1886, et mort en 1954) est un médecin français et un des pionniers de la transfusion sanguine bien que sa spécialité fût la dermatologie. Il est l’inventeur du cytodiagnostic de Tzanck.

[14] Auguste-Henri Jacob, dit le zouave Jacob, né le 6 mars 1828 à Saint-Martin-des-Champs (Saône-et-Loire) et mort le 23 octobre 1913 à Paris, était un guérisseur français célèbre à Paris sous le Second Empire.

[15] Charles-Édouard Brown-Séquard, né le 8 avril 1817 à Port-Louis (île Maurice) et mort le 2 avril 1894 à Sceaux (France), est un physiologiste et neurologue français, né sujet de l’Empire britannique. De 1864 à 1867, il fut professeur de physiologie et de neuropathologie à Harvard, puis professeur à la faculté de médecine de Paris en 1869. En 1873, il pratique la médecine à New York. De retour en France, il succède à Claude Bernard en 1878 à la chaire de médecine expérimentale au Collège de France. Il fut élu membre de l’Académie des sciences en 1886.

[16] Just Edgar Eugène Bérillon, né le 23 mai 1859 à Saint-Fargeau (Yonne) et mort le 6 mars 1948, est un médecin et psychiatre français, connu pour ses travaux sur l’hypnose. Ses prises de position durant la Grande Guerre sont à l’origine de publications et de conférences prétendument « scientifiques », mais particulièrement insultantes à l’endroit du peuple allemand, de son hygiène et de ses mœurs (comme La Bromidrose fétide de la race allemande, 1915).

[17] Alexis Carrel, né le 28 juin 1873 à Sainte-Foy-lès-Lyon et mort le 5 novembre 1944 à Paris, est un chirurgien, biologiste et eugéniste français. Pionnier de la chirurgie vasculaire, lauréat du prix Nobel de médecine en 1912, il est renommé pour son expérience du cœur de poulet battant in vitro pendant un temps très supérieur à la vie d’un poulet. S’étant fait mondialement connaître par la publication de L’Homme, cet inconnu en 1935, il milita pour l’eugénisme et l’euthanasie des criminels. Sous l’Occupation, il adhéra au très fasciste et très pronazi Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot (1898-1945).

[18] L’étude de Tuskegee sur la syphilis (1932-1972) est une étude clinique menée à Tuskegee, Alabama par des médecins américains pour mieux connaître l’évolution de la syphilis lorsqu’elle n’est pas traitée, réalisée sans en informer les sujets, sous couvert d’une prise en charge médicale par le gouvernement américain. Le Service de santé publique des États-Unis a commencé cette étude en 1932, en collaboration avec l’université Tuskegee, une université traditionnellement noire d’Alabama. Les chercheurs ont enrôlé 600 métayers afro-américains pauvres du comté de Macon. Parmi eux, 399 avaient déjà contracté la syphilis avant le début de l’étude, tandis que 201 n’étaient pas contaminés. Ces hommes ont reçu des soins médicaux gratuits, des repas, et une assurance entièrement gratuite pour leur participation à l’étude. Mais alors qu’on leur avait affirmé qu’elle ne durerait que six mois, elle s’est en fait étalée sur 40 ans. Même après que le financement pour leurs soins a été stoppé, l’étude continua sans que soient informés les participants du fait qu’ils ne seraient jamais soignés. Aucun d’entre eux ne fut même informé du fait qu’ils étaient malades ni ne fut traité avec de la pénicilline, alors même que cet antibiotique avait fait la preuve de son efficacité dans le traitement de la syphilis, dès 1940. Après une trentaine d’années pendant lesquelles les institutions sanitaires ont laissé faire, le scandale éclata dans les années 1970 lorsque Peter Buxtun, médecin en santé publique, en révéla l’existence à la presse, après avoir vainement tenté d’alerter ses autorités de tutelle.

[19] Le thalidomide est un médicament utilisé durant les années 1950 et 1960 comme sédatif et anti-nauséeux, notamment chez les femmes enceintes. Il a été découvert qu’il est à l’origine de graves malformations congénitales. Ces effets tératogènes furent d’abord occultés ou niés, notamment par le fabricant Grünenthal GmbH. Dans un deuxième temps, ils firent l’objet d’un scandale sanitaire qui aboutit au retrait du médicament du marché mondial à partir de 1961. Bien qu’il soit difficile à estimer, le nombre total des victimes s’échelonne entre 10 000 et 20 000. Aujourd’hui, le thalidomide est de nouveau utilisé de façon contrôlée pour ses propriétés immunomodulatrices et antitumorales.

[20] L’affaire du sang contaminé est un scandale sanitaire, politique et financier ayant touché plusieurs pays dans les années 1980 et 1990 à la suite d’infections par transfusion sanguine. Elle touche plus particulièrement la France par l’ampleur du scandale et des révélations qui sont faites sur le comportement des décideurs médicaux, administratifs et politiques. En raison de prises de mesures de sécurité inexistantes ou inefficaces, de retard dans la prise de décisions préventives de protection et/ou curatives, de défaillances médicales, industrielles et administratives, de nombreux hémophiles et patients hospitalisés ont été contaminés par le VIH ou l’hépatite C à la suite d’une transfusion sanguine. (Sources : Wikipédia)

Date de publication
jeudi 16 décembre 2021
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