« Les vraies femmes de lettres sont des phénomènes. » (Guy de Maupassant)

Les Éditions Flammarion lancent une nouvelle série d’ouvrages au sein de la collection de poche « Librio » : Les œuvres du matrimoine.

Cette série, qui propose des textes courts, tombés dans l’oubli et rédigés par des femmes de lettres françaises, se donne pour objectif de leur donner « la visibilité et la légitimité qu’elles méritent et surtout permettre le plaisir de la lecture de leurs œuvres ».

Voici la présentation [1] des six premiers titres réédités :

Belle Belle ou le Chevalier Fortuné suivi de La Belle aux cheveux d’or par Marie-Catherine d’Aulnoy

Il s’agit de deux contes publiés en 1698 par Marie-Catherine Le Jumel de Barneville, baronne d’Aulnoy, née à Barneville-la-Bertran en 1651 et morte à Paris le 14 janvier 1705, célèbre pour son salon littéraire et son goût pour l’émancipation féminine, mais aussi pour sa tentative rocambolesque et inaboutie d’élimination de son détestable époux.

C’est l’une des auteures à l’origine du genre écrit du conte de fées auquel, à la différence de Charles Perrault, elle a insufflé un esprit subversif en usant d’allégories et de satires. Son travail de création littéraire est souvent rapproché de celui de Jean de La Fontaine pour sa critique masquée de la cour et de la société française du XVIIe siècle.

Résumés apéritifs :

Lorsque le roi ordonne à tous les gentilshommes du royaume de rejoindre son armée ou d’envoyer un fils à leur place, le père de Belle Belle est bien ennuyé, car il est très vieux et n’a que des filles. C’est sans compter le coup de pouce d’une bonne fée, qui transforme notre héroïne en un ravissant chevalier. Une fois à la cour, celui-ci fait des ravages jusque dans le cœur du roi, et sème un certain trouble…

La Belle aux cheveux d’or est si jolie que quiconque l’aperçoit en tombe instantanément amoureux. Si bien que le roi de la contrée voisine, qui ne l’a pas encore vue, veut l’épouser. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le cœur de la Belle est un royaume difficile à conquérir, et le jeune ambassadeur chargé de la demande en mariage n’est pas au bout de ses peines !

Isoline par Judith Gautier

Épouse de l’homme de lettres Catulle Mendès (1841-1909) et fille de l’écrivain Théophile Gautier (1811-1872), Judith Gautier (1845-1917) s’est illustrée par sa passion pour l’Asie (Chine et Japon notamment), par son rôle de pionnière dans l’analyse de la mystique wagnérienne, et par ses relations passionnées avec l’avant-garde littéraire de son temps, de Victor Hugo à Charles Baudelaire en passant par Gustave Flaubert. Elle fut également la première femme à entrer à l’Académie Goncourt, en 1910, au couvert de Jules Renard (1864-1910).

Son Isoline, court roman aux accents gothiques, brosse le portrait d’une héroïne rebelle, qui trouve refuge dans la nature et la lecture.

Pitch :

De retour dans sa Bretagne natale, Gilbert, marin en permission, fait la rencontre d’Isoline, dont il tombe éperdument amoureux. La jeune fille vit enfermée dans un château, tenue à l’écart du monde par son père. Très vite, cet amour naissant se heurte à de nombreux obstacles. Seule la nature, figure protectrice, offre aux deux amants un espace de bonheur et de liberté.

Mademoiselle de Clermont par Félicité de Genlis

Stéphanie Félicité du Crest, par son mariage comtesse de Genlis, marquise de Sillery, née le 21 janvier 1746 à Issy-l’Évêque et morte le 31 décembre 1830 à Paris, est une romancière, dramaturge, mémorialiste et pédagogue française.

Harpiste de talent, elle rencontra Rousseau et Voltaire, fut l’amie de Bernardin de Saint-Pierre, de Talleyrand, de Juliette Récamier, et composa une œuvre riche de quelque 140 volumes.

Son premier essai, Théâtre à l’usage des jeunes personnes, reçut les éloges de d’Alembert.

Elle s’illustra dans des genres littéraires variés et réfléchit à la place des femmes en littérature dans La Femme auteur (1802) et De l’influence des femmes sur la littérature française comme protectrices des lettres (1811).

La comtesse de Genlis se chargea également de l’éducation des enfants d’Orléans et notamment de celle du futur roi des Français, Louis-Philippe (1747-1793), qu’elle éleva avec l’idée d’en faire un nouveau Saint Louis.

Dans son court roman Mademoiselle de Clermont, sans doute son chef-d’œuvre, elle relate le destin de deux amants maudits qui méritent une place au panthéon des couples mythiques de la littérature :

Mademoiselle de Clermont, princesse de vingt ans, tombe follement amoureuse du duc de Melun. Cette passion, comme elle le découvre assez tôt, est réciproque. Hélas, la jeune femme ne dispose pas de son cœur, et son frère ne voit pas cet amour d’un bon œil. Lorsqu’un accident tragique survient, l’héroïne est prise au piège d’un monde cruel où seules les apparences comptent et où les sentiments véritables ne s’expriment qu’en secret.

Histoire de M. le marquis de Cressy par Marie-Jeanne Riccoboni

Marie-Jeanne Riccoboni (1713-1792), amie de Diderot, est longtemps actrice à la Comédie-Italienne (de 1734 jusqu’en 1760) avant d’écrire des romans à succès.

Elle a écrit cinq nouvelles (Histoire d’Aloïse de Livarot [1780], Histoire des amours de Gertrude, dame de Château-Brillant et de Roger, comte de Montfort [1780], Histoire de Christine de Suabe [1780], Lettre de la marquise d’Artigues à sa sœur [1785] et Histoire de Deux jeunes amies [1786]) et dix romans mettant au goût du jour le style épistolaire.

Citons parmi ceux-ci les Lettres de Fanny Butler (1757), les Lettres de Juliette Catesby (1759), les Lettres de la comtesse de Sancerre (1767), les Lettres d’Elizabeth–Sophie de Vallière (1772) ou encore les Lettres de Milord Rivers (1777).

Marie-Jeanne Riccoboni fréquenta le salon des d’Holbach, peut-être aussi celui des Helvétius. Elle y rencontra les grands philosophes anglais de l’époque, comme Adam Smith et David Hume, avec qui elle correspondit.

Publiée en 1758, l’Histoire de M. le marquis de Cressy annonce Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (1741-1803) et même Bel-Ami de Guy de Maupassant (1850-1893) : on y trouve des personnages machiavéliques ainsi que tous les ingrédients d’une croustillante intrigue amoureuse.

Dans le sillage du duc de Vendôme, vainqueur de la guerre d’Espagne, le marquis de Cressy revient à la cour de France après six ans d’absence. Bel homme, cultivé, malin, il fait rapidement des ravages autour de lui. Entre toutes ces femmes qui tombent irrémédiablement sous son charme, il hésite : va-t-il privilégier les sentiments ou l’ambition ?

Lettres secrètes, chantage amoureux, rebondissements tragiques… Le marquis de Cressy apprendra combien la manipulation des sentiments passionnés est un jeu dangereux.

Vingt-Quatre Heures d’une femme sensible par Constance de Salm

Constance Marie de Théis, née le 7 septembre 1767 à Nantes et morte le 13 avril 1845 à Paris, qui devint par son premier mariage épouse Pipelet de Leury et par ses secondes épousailles princesse, puis comtesse (1803) puis à nouveau princesse de Salm-Dyck (1816), était une poétesse et femme de lettres française.

Surnommée « la Muse de la Raison » par Marie-Joseph Chénier (1764-1811), frère cadet du grand poète André Chénier (1762-1794). elle fut aussi appelée « le Boileau des femmes ».

En 1793, sous la Terreur, elle rédigea Sapho, sa première tragédie lyrique en vers, jouée plus de cent fois l’année suivante.

Femme engagée, passionnée, aux qualités littéraires reconnues et dont le succès porta ombrage à quelques hommes de lettres en place, mais également célèbre en son temps pour son salon littéraire, Constance de Salm a aussi écrit des drames ainsi qu’un unique roman, Vingt-Quatre Heures d’une femme sensible, à travers lequel elle a souhaité composer « une utile et grande leçon » d’indépendance à destination de ses lectrices.

Dans ce texte épistolaire intimiste, elle décrit avec virtuosité les affres du sentiment amoureux :

Un soir, en sortant de l’opéra, une jeune femme aperçoit l’homme qu’elle veut épouser disparaître dans une calèche avec une autre, la coquette Mme de B***. À cette vue, la spirale infernale de la jalousie se referme sur elle. Pendant les vingt-quatre heures qui suivent, l’héroïne adresse quarante-six lettres à son amant pour lui confier les tourments qui la consument.

Laissez-moi par Marcelle Sauvageot

Née en 1900 à Charleville (Ardennes), Marcelle Sauvageot était une professeure agrégée de lettres dans le collège de garçons de cette ville. Vers la mi-vingtaine, elle tomba malade de tuberculose et enchaîna une série de longs séjours en sanatorium : d’abord à Tenay-Hauteville dans l’Ain où elle commence à écrire un roman à la suite d’une déception amoureuse, puis plus tard à Davos, en Suisse, où elle est décédée le 6 janvier 1934.

Elle laisse en héritage une œuvre unique publiée pour la première fois en 1933 à 163 exemplaires hors commerce sous le titre Commentaire.

Elle fut bien accueillie par les rares destinataires au sein de la communauté littéraire et artistique parisienne, notamment par Paul Valéry, Paul Claudel, Robert Brasillach, Jacques de Bourbon Busset et Henri Focillon.

L’ouvrage a été réédité de multiples fois, sous différents titres intitulés. Il est notamment publié en 1997 sous le titre Commentaire : récit d’un amour meurtri, et en 2004 sous le titre Laissez-moi : commentaire.

Par le recours à une prose délicate et sensible, Marcelle Sauvageot y traduit le cri d’une femme blessée face à l’amour perdu et à l’impitoyable destin.

Scénario :

De retour au sanatorium pour soigner sa maladie, une jeune femme reçoit une lettre de son amant. La nouvelle est brutale : il la quitte pour se marier avec une autre. L’héroïne choisit de lui répondre en plongeant tour à tour dans les souvenirs, le désir, la colère et les illusions perdues. Au fil des lettres, elle transcende la douleur de cette rupture en une bouleversante déclaration d’amour à la vie.

PÉTRONE

Belle Belle ou Le Chevalier fortuné suivi de La Belle aux cheveux d’or par Marie-Catherine d’Aulnoy, Paris, Éditions Flammarion, collection « Librio – Les œuvres du matrimoine », janvier 2022, 79 pp. en noir et blanc au format 12,9 x 20,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 3 € (prix France)

Isoline par Judith Gautier, Paris, Éditions Flammarion, collection « Librio – Les œuvres du matrimoine », janvier 2022, 91 pp. en noir et blanc au format 12,9 x 20,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 3 € (prix France)

Mademoiselle de Clermont par Félicité de Genlis, Paris, Éditions Flammarion, collection « Librio – Les œuvres du matrimoine », janvier 2022, 72 pp. en noir et blanc au format 12,9 x 20,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 3 € (prix France)

Histoire de M. le marquis de Cressy par Marie-Jeanne Riccoboni, Paris, Éditions Flammarion, collection « Librio – Les œuvres du matrimoine », janvier 2022, 87 pp. en noir et blanc au format 12,9 x 20,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 3 € (prix France)

Histoire de M. le marquis de Cressy par Marie-Jeanne Riccoboni, Paris, Éditions Flammarion, collection « Librio – Les œuvres du matrimoine », janvier 2022, 87 pp. en noir et blanc au format 12,9 x 20,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 3 € (prix France)

Vingt-Quatre Heures d’une femme sensible par Constance de Salm, Paris, Éditions Flammarion, collection « Librio – Les œuvres du matrimoine », janvier 2022, 94 pp. en noir et blanc au format 12,9 x 20,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 3 € (prix France)

Laissez-moi par Marcelle Sauvageot, Paris, Éditions Flammarion, collection « Librio – Les œuvres du matrimoine », janvier 2022, 72 pp. en noir et blanc au format 12,9 x 20,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 3 € (prix France)


[1] Sources : Flammarion et Wikipédia.

Date de publication
lundi 10 janvier 2022
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