Portrait d’un brillant salaud…

Historien français spécialiste d’histoire politique au brillant parcours académique[1], Olivier Dard (°1957) est, depuis 2013, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV).

On doit à cet homme de droite des travaux[2] de portée majeure sur l’histoire de l’extrême droite dans son pays, ce qui, bien entendu, n’a pas toujours eu l’heur de plaire à certains grincheux de gauche prompts à dégainer les points Goodwin et à susciter de virulentes, mais stériles polémiques.

Alors que, comme l’a écrit Winston Churchill, « un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ».

Parmi ces travaux, pointons Charles Maurras : le maître et l’action paru chez Armand Colin en 2013 et qui ressort dans la collection « Dunod poche Histoire » sous le titre Charles Maurras – Le nationalisme intégral, un formidable travail de fourmi sur la vie, l’œuvre et la postérité « d’un homme qui incarne l’hostilité sans faille au régime républicain, à ses fondements philosophiques, ses institutions et ses élites. Monarchiste, fer de lance de l’antidreyfusisme, de la défense du maréchal Pétain et de l’antisémitisme, il a laissé son nom à l’adjectif “maurrassien” revendiqué par la droite nationaliste, xénophobe et antirépublicaine ».

Charles Maurras, né le 20 avril 1868 à Martigues (Bouches-du-Rhône) et mort le 16 novembre 1952 à Saint-Symphorien-lès-Tours (Indre-et-Loire), était un journaliste, essayiste, homme politique et poète français.

Écrivain appartenant au Félibrige[3] et agnostique dans sa jeunesse, il se rapprocha ensuite des milieux catholiques[4] et antidreyfusards.

Auteur d’une œuvre gigantesque[5], il fut atteint de surdité dès 1882, un mal dont il souffrit durant toute sa vie.

Entouré de Léon Daudet (1897-1942 ; c’était le fils de l’auteur des Lettres de mon moulin), Jacques Bainville (1879-1936) et Maurice Pujo (1872-1955), il dirigea le journal L’Action française[6], fer de lance du mouvement homonyme, d’inspiration royaliste, nationaliste et contre-révolutionnaire, qui devint le principal mouvement intellectuel et politique d’extrême droite sous la Troisième République (de juillet 1870 à septembre 1940), époque où il exerça une forte influence – à nos yeux comparable à celle de Jean-Paul Sartre militant dans le camp extrémiste adverse sous les Républiques suivantes – sur nombre d’artistes et intellectuels français dont il força parfois l’enthousiasme[7].

Sa doctrine prônait une monarchie héréditaire, tout en se réclamant violemment antisémite, antiprotestante, antimaçonnique et xénophobe.

Bien que fortement antigermanique, Maurras soutint le régime de Vichy, l’instauration d’une législation antisémite et la création de la milice durant la Seconde Guerre mondiale.

Poursuivant la publication de L’Action française sous l’occupation allemande, il contribua à en faire un outil de la propagande collaborationniste et pronazie, y compris en soutenant le recrutement de Waffen-SS français dans la division Charlemagne créée en octobre 1943.

Par exemple, Charles Maurras réclama l’exécution de résistants et des membres de leurs familles[8].

Arrêté à la Libération, il fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale en raison de ses articles.

Il fut gracié pour raisons de santé en mars 1952.

Sa condamnation à la dégradation nationale entraîna automatiquement sa radiation de l’Institut de France (il avait été élu à l’Académie française le 9 juin 1938).

Son parcours et sa pensée jouent encore un rôle essentiel dans les courants de pensée de droite et d’extrême droite en France[9].

On peut, bien évidemment, ne pas partager toutes les conclusions et interprétations d’Olivier Dard sur les idées et les agissements complexes de ce maître à (mal) penser que fut Charles Maurras, mais ses travaux de recherche soutenus par une documentation considérable méritent tout à la fois notre admiration et notre respect.

PÉTRONE

Charles Maurras – Le nationalisme intégral par Olivier Dard, Paris, Éditions Dunod, collection « Dunod poche Histoire », avril 2023 [2013], 432 pp. en noir et blanc au format 11 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 11,90 € (prix France)

SOMMAIRE

Remerciements

Introduction

1. Une enfance et une adolescence brisées par « trois failles ».

2. Le jeune critique prometteur.

3. École romane et félibrisme fédéraliste.

4. Affermissements et orientations vers le « nationalisme intégral ».

5. L’affaire Dreyfus et la fondation de l’Action française.

6. De Charles Maurras au maurrassisme.

7. Charles Maurras en guerre mondiale : le sens d’une « influence utile ».

8. Les fruits amers de la victoire.

9. Magistère intellectuel et impuissance politique.

10. Le Commandeur au crépuscule.

11. Survivre après sa mort ?

Conclusion

Sources pour l’étude de Charles Maurras

Bibliographie

Chronologie Charles Maurras (1868-1952)

Notes

Index des noms propres


[1] Olivier Dard est titulaire d’une licence en information-communication (1984), d’une maîtrise en droit public (1985), diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris (1986) et d’études approfondies en science politique (1987). Après avoir obtenu l’agrégation d’histoire en 1990, il soutient sa thèse de doctorat en histoire contemporaine (Les novations intellectuelles des années trente : l’exemple de Jean Coutrot) en 1994 sous la direction de Serge Berstein à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP Paris). Poursuivant une carrière d’enseignant et chercheur, il fut maître de conférences à l’IEP de Paris, à l’université de Franche-Comté et à l’université Paris X de Nanterre. En 2001, il a obtenu son habilitation à diriger des recherches puis fut nommé en 2003 professeur d’histoire contemporaine à l’université Paul-Verlaine à Metz. Il a dirigé jusqu’en 2013 le Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire.

[2] Notamment Henri Queuille, Journal de guerre. Londres-Alger, avril 1943 – juillet 1944 (1995), La synarchie ou le mythe du complot permanent (1998, 2012), Jean Coutrot : de l’ingénieur au prophète (1999), Les années trente : le choix impossible (1999), Le rendez-vous manqué des relèves des années trente (2002), Voyage au cœur de l’OAS (2005, 2011), Bertrand de Jouvenel (2008), avec Michel Grunewald, Charles Maurras et l’étranger, l’étranger et Charles Maurras : l’Action française – culture, politique, société (2009) et avec Ana Isabel Sardinha-Desvignes, Célébrer Salazar en France (1930-1974) : du philosalazarisme au salazarisme français (2018).

[3] Le Félibrige, fondé le 21 mai 1854 par sept jeunes poètes provençaux (Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Théodore Aubanel, Jean Brunet, Paul Giéra, Anselme Mathieu et Alphonse Tavan), est une association qui œuvre dans un but de sauvegarde et de promotion de la langue, de la culture et de tout ce qui constitue l’identité des pays de langue d’oc.

[4] Ce qui n’empêcha pas la mise à l’Index par le Saint-Office, le 9 décembre 1926, du journal L’Action française et de plusieurs livres de Maurras, une interdiction levée le 10 juillet 1939.

[5] 1887 : Le Nihilisme russe et La Philosophie allemande ; Les Nouveaux Théoriciens de l’éducation et l’École de la paix sociale ; Olivier de Serres et son Théâtre de l’agriculture ; Le Travail en France ; 1889 : Théodore Aubanel. Description ; 1890 : Lire, écouter l’Antigone… de Sophocle ;1891 : Jean Moréas ; 1895 : Le Chemin de Paradis ; 1896 : Lettres des Jeux olympiques ; 1898 : L’Idée de la décentralisation ; Trois idées politiques : Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve ; 1899 : Dictateur et Roi ; 1900-1903 : Enquête sur la monarchie ; 1901 : Anthinéa ; 1901 : Ironie et Poésie ; 1902 : Invocation à Minerve ; 1902 : Les Amants de Venise. George Sand et Musset ; 1905 : L’Avenir de l’intelligence, suivi d’Auguste Comte, Le Romantisme féminin et Mademoiselle Monk ; 1906 : Le Dilemme de Marc Sangnier. Essai sur la démocratie religieuse : 1910 : Kiel et Tanger, 1895-1905. La République française devant l’Europe ; Idées royalistes ; Si le coup de force est possible (coécrit avec Henri Dutrait-Crozon) ;1911 : Une campagne royaliste au « Figaro ». Août 1901 – janvier 1902 ; Pour Psyché ; 1912 : La Politique religieuse ; 1913 : Trois Études : Verlaine – Brunetière – Barrès ; L’Action française et la Religion catholique ; Notes sur Dante ; 1915 : L’Étang de Berre ; 1916 : Quand les Français ne s’aimaient pas ; 1916-1918 : Les Conditions de la victoire ; 1917 : Le Pape, la Guerre et la Paix ; 1918 : Les Chefs socialistes pendant la guerre ; La Paix de sang, l’espérance est militaire ; Athènes antique ; 1919 : préface à Rome, Naples et Florence de Stendhal ; 1920 : Le Conseil de Dante, 1321-1921 ; Les Trois Aspects du Président Wilson. La neutralité, l’intervention, l’armistice ; 1921 : Tombeaux ; La Démocratie religieuse ; 1922 : Pages littéraires choisies ; Inscriptions ; Romantisme et Révolution ; 1923 : Les Nuits d’épreuves et la Mémoire de l’État. Chronique du bombardement de Paris ; Mademoiselle Monk ; Poètes ; L’Allée des philosophes ; 1924 : Premiers Pas sur l’Acropole ; 1925 : La Musique intérieure ; Barbarie et Poésie. Vers un art intellectuel ; 1926 : La Bonne Mort ; La Sagesse de Mistral ; Lorsque Hugo eut les cent ans. Indications ; 1927 : L’Action française et le Vatican ; Le Voyage d’Athènes ; 1928 : La Politique du Vatican. Sous la terreur ; Le Prince des nuées ; Un débat sur le romantisme ; L’Anglais qui a connu la France ; Corps glorieux ou Vertu de la perfection ; 1929 : La Lettre à Schrameck ; La République de Martigues ; Les Secrets du Soleil ; Promenade italienne ; Napoléon, avec la France ou contre la France ? ; 1930 : De Démos à César ; L’Anthropophage, conte moral ; Corse et Provence ; Quatre Nuits de Provence ; 1931 : Triptyque de Paul Bourget ; Le Quadrilatère. Galliéni 1916, Mangin 1925, Foch 1930, Joffre 1931 ; Au signe de Flore. Souvenirs de vie politique, l’affaire Dreyfus, la fondation de L’Action française (1898-1900) ; Pour la Défense nationale ; Principes ; 1932 : Heures immortelles, 1914-1919 ; 1932 : Prologue d’un essai sur la critique ; 1933 : Paysages et Cités de Provence ; 1933 : L’Amitié de Platon ; 1932-1934 : Dictionnaire politique et critique, 5 volumes ; 1934 : Le Long du Rhône et de la mer ; 1935 : Louis XIV et la France. Essai sur la grandeur qui dure ; 1937 : Quatre Poèmes d’Eurydice ; Les Vergers sur la mer. Attique, Italie et Provence ; Jeanne d’Arc, Louis XIV, Napoléon ; Devant l’Allemagne éternelle ; Mes idées politiques ; La Dentelle du Rempart ; 1886-1936 ; 1938 : Jacques Bainville et Paul Bourget ; 1939 : Le Fauteuil de Henry Robert. Discours de réception de Charles Maurras à l’Académie française et réponse de Henry Bordeaux ; 1939 : Louis XIV ou l’Homme roi ; 1940 : Pages africaines ; 1941 : Aux mânes d’un maître ; Sans la muraille des cyprès ; Mistral ; Dante et Mistral ; La Seule France. Chronique des jours d’épreuve ; 1942 : De la colère à la justice. Réflexions sur un désastre ; 1943 : Vers l’Espagne de Franco ; 1944 : Poésie et Vérité ; Paysages mistraliens ; Le Pain et le Vin ; 1945 : L’Allemagne et nous. Déclaration de Charles Maurras à la Cour de Justice du Rhône les 24 et 25 anvier 1945 ; Où suis-je ?, poème ; 1946 : Au-devant de la nuit (sous le pseudonyme de Léon Rameau) ; 1948 : Pour un réveil français ; Les Deux Justices ou Notre J’accuse (publié sous le nom « Les Amis de Charles Maurras ») ; Antigone, Vierge-Mère de l’Ordre ; L’Ordre et le Désordre. Les idées positives et la révolution : Réflexions sur la Révolution de 1789 ; Maurice Barrès ; Le Parapluie de Marianne (sous le pseudonyme d’Octave Martin) ; Une promotion de Judas (sous le pseudonyme de Pierre Garnier) ; Réponse à André Gide ; 1949 : Inscriptions sur nos ruines, recueil d’articles de 1941 à 1943 ; Le Cintre de Riom, poèmes ; Mon jardin qui s’est souvenu ; Pour un jeune Français. Mémorial en réponse à un questionnaire ; Au Grand Juge de France. Requête en révision d’un arrêt de Cour de Justice (en collaboration avec Maurice Pujo) ; 1950 : La Prière de la fin ; Le Mont de Saturne. Conte moral, magique et policier ; 1951 : Pour réveiller le Grand Juge (en collaboration avec Maurice Pujo) ; Tragi-comédie de ma surdité ; Jarres de Biot. Lettre à mon ancien confrère Georges Duhamel ; À mes vieux oliviers ; 1952 : La Balance intérieure, poèmes ; Le Beau Jeu des reviviscences. Un après-midi d’hiver à Clairvaux ; Le Bienheureux Pie X, sauveur de la France ; Le Guignon français ou le Rouge et le blanc ; Le Procureur et l’Habitant. Deuxième lettre à M. le Procureur général près la Cour d’appel de Lyon par Charles Maurras ; Lettre à Mr Vincent Auriol, Président de la République suivi de Touchés ; Originaux de ma Provence. Types et paysages. Œuvres posthumes : 1953 : Pascal puni (conte infernal) ; Votre Bel aujourd’hui. Dernière lettre à Mr Vincent Auriol, Président de la IVRépublique ; 1954 : Maîtres et Témoins de ma Vie d’Esprit. Barrès – Mistral – France – Verlaine – Moréas ; Œuvres capitales, 4 volumes ; 1963 : Soliloque du prisonnier ; 1996 : Journal de Charles Maurras. Jeux Olympiques d’Athènes ; 2003 : La Merveille du Monde.

[6] Fondé le 21 mars 1908, il fut interdit de parution en août 1944.

[7] Parmi lesquels on relève, parmi bien d’autres, les noms de Pierre Gaxotte, Georges Dumézil, Frédéric Mistral, Robert Brasillach, Marc Sangnier, Jacques Maritain, Daniel Halévy, Gabriel Marcel, Colette, Marguerite Yourcenar, Henry de Montherlant, Charles Ferdinand Ramuz, Paul Valéry, André Malraux, Michel Déon, Roland Laudenbach, Pierre Boutang, Jacques Lacan… sans oublier Charles de Gaulle et même le nationaliste algérien Ferhat Abbas ou encore Hachemi Cherief, l’avocat de Ben Bella.

[8] Eugen Weber L’Action française, 1985.

[9] https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Maurras

Date de publication
dimanche 14 mai 2023
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