« Une nation, c’est la possession en commun d’un antique cimetière et la volonté de faire valoir cet héritage indivis. » (Maurice Barrès)

Docteur en littérature française, Estelle Anglade-Trubert est professeur de lettres. En octobre 2019 à Orléans, elle a soutenu sa thèse intitulée « Maurice Barrès, écrivain et parlementaire », un brillant essai biographique et d’histoire politique qui paraît aux Éditions du Cerf à Paris sous le titre Maurice Barrès – Un destin solitaire.

Maurice Barrès, né le 17 août 1862 à Charmes (Vosges) et mort le 4 décembre 1923 à Neuilly-sur-Seine, était un écrivain et homme politique français. Il fut l’un des écrivains les plus influents dans la France de la Belle Époque, et l’un des maîtres à penser de la droite nationaliste durant l’entre-deux-guerres.

Sa pensée s’est principalement articulée autour de deux axes.

Le premier est le « Culte du Moi » décliné dans trois romans : Sous l’œil des Barbares (1888), Un Homme libre (1889) et Le Jardin de Bérénice (1891). Barrès y prétend que le premier devoir de chacun consiste à défendre son moi contre les « Barbares », c’est-à-dire contre tout ce qui risque de l’affaiblir dans l’épanouissement de sa propre sensibilité.

Le second axe est résumé par l’expression « la terre et les morts » qu’approfondissent les trois volumes du « Roman de l’énergie nationale » : Les Déracinés (1897), L’Appel au soldat (1900) et Leurs figures (1902) qui témoignent d’une évolution vers le nationalisme républicain et le traditionalisme, l’attachement aux racines, à la famille, à l’armée et à la terre natale.

Avec pour corollaires des idées putrides.

Barrès adhéra en 1899 à la Ligue de la patrie française puis à la Ligue des patriotes de Paul Déroulède (1846-1914), et fut un antidreyfusard violemment antisémite.

En 1896, il accepta même de faire partie d’une commission chargée de départager les candidats à un concours organisé par La Libre Parole dirigée par le polémiste fanatique Édouard Drumont (1844-1917) « sur les moyens pratiques d’arriver à l’anéantissement de la puissance juive en France[1] ».

Maurice Barrès fut élu le 18 janvier 1906 à l’Académie française où il succéda à José-Maria de Heredia (1842-1905). La même année, le 6 mai, il accéda à la députation de Paris (premier arrondissement, circonscription des Halles) au premier tour de scrutin, et il ne cessa plus d’être député jusqu’à sa mort.

Ses principaux discours de 1906 ont traité de l’affaire Dreyfus et de la loi de séparation des Églises et de l’État. Le 19 mars 1908, un vif duel oratoire l’opposa à Jean Jaurès au Parlement, Barrès refusant la panthéonisation d’Émile Zola défendue par Jaurès. Le 8 juillet 1908, il défendit la peine de mort.

Dans un style enlevé, net et précis, Estelle Anglade-Trubert suit de près le parcours sinueux de cet écrivain et de ce tribun incontestablement talentueux, détesté par Émile Zola et Romain Rolland, mais admiré par Léon Blum et François Mitterrand :

« Incarnation de son époque, il en endosse les ultimes contradictions.

Le Lorrain viscéral part à Paris pour conquérir le monde. Le dandy germanopratin conspue le déracinement. Le jeune prince des Lettres tourne à l’idéologue. Le fondateur du culte du moi se veut le prophète du peuple. Le chantre de la terre et des morts se réinvente adepte enthousiaste des lointains. L’élu de Nancy s’abandonne à un antiparlementarisme virulent. Le spiritualiste mélancolique se révèle jusqu’au-boutiste durant la Grande Guerre. L’imprécateur judéophobe finit par célébrer ses compatriotes israélites tombés à Verdun. Et l’académicien vieillissant, couvert d’honneurs, se plaît à jouer au maître de sagesse. »

Un précurseur droitier de Jean-Paul Sartre, en quelque sorte…

PÉTRONE

Maurice Barrès – Un destin solitaire par Estelle Anglade-Trubert, Paris, Éditions du Cerf, octobre 2023, 309 pp. en noir et blanc au format 15 x 23 cm sous couverture brochée en couleurs, 23 € (prix France)


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Barr%C3%A8s

Date de publication
mardi 28 novembre 2023
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