Vox populi…

« De nos jours, rares sont ceux, même parmi les latinistes, à qui le nom de Publilius Syrus est familier », écrit le brillant spécialiste [1] Guillaume Flamerie de Lachapelle dans sa présentation des Sentences parues tout récemment aux Éditions Les Belles Lettres à Paris.

« Des mimes qu’écrivit cet ancien esclave dans le courant du 1er siècle av. J.-C. ne subsistent plus aujourd’hui que de brèves formules à valeur proverbiale, que les Romains appelaient sententiae. D’aspect tantôt grave, tantôt humoristique, ces sentences reflètent sans doute assez bien la morale populaire du temps (“Un malade se fait du tort quand il institue son médecin héritier” ; “Le courage croît à force d’oser, la peur à force d’hésiter” ; “La mort est heureuse dans l’enfance, amère dans la jeunesse, trop tardive dans la vieillesse”).

Déjà prisées d’un Sénèque, elles ont été rassemblées en recueil dès l’Antiquité et font partie de toute une littérature gnomique que le Moyen Âge et la Renaissance apprécièrent grandement. Elles ont ensuite retenu l’attention des amateurs de bons mots aussi bien que des anthropologues, des moralistes aussi bien que des historiens. Cet intérêt s’est traduit par de nombreuses éditions, d’Érasme aux philologues allemands de la fin du XIXe siècle.

Par la suite, pourtant, les savants ont eu tendance à délaisser une œuvre dont l’édition critique la plus récente date de 1895 ; la dernière version française, épuisée depuis longtemps, remonte aux années 1930. »

Répondant à cette relative désaffection, la publication est donc bienvenue d’une nouvelle version de ces quelque 730 aphorismes dans une traduction nouvelle, chacun d’entre eux étant l’objet d’un commentaire critique, exégétique ou littéraire, tandis qu’une introduction et diverses annexes complètent ce véritable puits de sagesse.

Florilège :

« L’incapacité est le prétexte pour ne pas se donner de peine. »

« Il est plus facile de commettre l’injustice que de la supporter. »

« C’est à soi-même qu’on pense quand on a pitié de son prochain en proie au malheur. »

« La conclusion d’une entreprise est toujours juge de son déroulement. »

« Il n’est point d’heure qui soit heureuse pour quelqu’un sans être malheureuse pour un autre. »

« Un avare ne fait rien de bien, sauf quand il meurt. »

« Le fer de la charrue est plus utile que le bronze du champ de bataille. »

« Immense est le pouvoir de l’habitude. »

« La table fait naître plus d’amitiés que l’esprit. »

« On obéit mieux à une demande qu’à un ordre. »

C’est plutôt bien vu, non ?

PÉTRONE

Sentences par Publilius Syrus, édition bilingue latin-français, introduction, traductions et notes de Guillaume Flamerie de Lachapelle, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection « Fragments », novembre 2011, 159 pp. en noir et blanc au format 13,5 x 21 cm sous couverture brochée en couleurs, 25 € (prix France)


[1] Agrégé de lettres classiques et docteur ès-lettres, il est maître de conférences de langue et littérature latines à l’Université Michel-de-Montaigne/Bordeaux 3.

Date de publication
samedi 3 décembre 2011
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