Des actes de foi…

Spécialiste du XVIIe siècle, Laurence Plazenet est maître de conférences en littérature française à l’université Paris-Sorbonne. Elle a fait paraître récemment aux Éditions Flammarion une anthologie en tout point remarquable intitulée Port-Royal, dans laquelle sont rassemblés de nombreux textes emblématiques de ce que fut l’une des plus grandes entreprises de la pensée en Occident.

Écoutons l’auteure :

« Port-Royal est un biais privilégié pour comprendre l’histoire politique, religieuse et intellectuelle du Grand Siècle. Comment un petit couvent sans éclat, perdu dans la vallée de Chevreuse, a-t-il pu s’imposer, en quelques années, comme le centre spirituel, culturel et moral de la France ? Fleuron de la réforme catholique, au cœur de la plus importante querelle théologique d’alors – celle du jansénisme –, le monastère de Port-Royal, auquel furent liés, de près ou de loin, les plus grands écrivains (Pascal, La Rochefoucauld, Racine, Mme de Sévigné…), irradia la société de son temps.

C’est en 1608, sous l’impulsion de la mère Angélique, que commence la réforme de Port-Royal : la jeune femme décide de mettre en œuvre au monastère la « règle de stricte observance ». S’imposant dès lors comme un modèle de rigueur et d’austérité, Port-Royal commence son irrésistible ascension. L’abbé de Saint-Cyran y prêche, diffusant la doctrine de son ami Jansénius, imprégnée d’augustinisme. Il y fonde les Petites Écoles, qui révolutionnent l’enseignement – alors monopole des jésuites.

Port-Royal attire de nouvelles vocations, mais aussi des femmes du monde, qui viennent s’y retirer, ou encore les « Solitaires » – ces hommes désireux de mener une vie tournée vers Dieu sans pour autant entrer dans les ordres et qui, pour ne pas déroger à l’exigence de labeur, s’illustreront par des travaux remarquables, parmi lesquels la première traduction en français moderne de la Bible. Promouvant l’exigence spirituelle contre le faste et l’ostentation des biens de ce monde, Port-Royal ne pouvait que s’attirer les foudres de Louis XIV, dont le règne était marqué par le culte du moi et du divertissement : après avoir brillé au milieu des persécutions, l’abbaye fut finalement rasée en 1712, sur ordre du roi, qui souhaitait qu’il n’en demeurât pas un seul vestige.

Comprendre à quoi tient la puissance singulière de cette poignée de femmes et d’hommes dévoués à Dieu, scruter les plis de leurs vies, traquer leurs voix au plus juste de ce qu’elles furent… Voilà ce que propose cette anthologie, qui rassemble des textes d’auteurs célèbres (Pascal, Racine, Saint-Cyran, Lemaistre de Sacy, etc.) comme de religieuses anonymes. On y découvrira l’histoire de l’abbaye, de sa fondation à sa destruction ; la description des lieux et des activités quotidiennes ; les Vies des principales personnalités de Port-Royal ; des écrits spirituels ; des récits de captivité de religieuses…

Formant un fabuleux gisement narratif, cet ensemble de textes d’époque, d’une qualité littéraire remarquable, fait renaître tout un pan de l’âge classique. »

Une référence absolue sur un sujet véritablement passionnant à propos duquel le grand philosophe marxiste Lucien Goldmann (1913-1970) écrivit dans Le Dieu caché (1955) que « la révolution, c’est l’engagement des individus dans une action qui comporte le risque, le danger d’échec, l’espoir de réussite, mais dans laquelle on joue sa vie ».

PÉTRONE

Port-Royal, anthologie présentée par Laurence Plazenet, Éditions Flammarion, collection « Mille et une pages », octobre 2012, 1323 pp. en noir et blanc au format 14 x 20 cm sous couverture brochée en couleurs, 29 € (prix France)

Date de publication
dimanche 30 décembre 2012
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