Ce n’est qu’un au revoir…

Le texte ci-dessous a paru dans la livraison du 6 juillet 2013 de l’édition belge du magazine Marianne :

En 2013, quatre abdications souveraines se seront produites : celle de Beatrix, reine des Pays-Bas, annoncée le 28 janvier, celle du pape Benoît XVI, proclamée le 11 février, celle de l’émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, intervenue le 25 juin et celle du roi des Belges Albert II avec prise d’effets le 21 juillet.

Pour aller plus loin dans la compréhension de ce qui pourrait n’apparaître qu’un effet de mode, d’opportunité politique ou d’imitation du père (Léopold III, le père d’Albert II, a abdiqué en 1953), on se référera à l’excellent ouvrage paru tout récemment sous le titre Le deuil du pouvoir (Paris, Les Belles Lettres), une compilation d’essais sur l’abdication publiée à l’instigation d’Alain Boureau, directeur d’études à l’École des hautes études en Sciences sociales à Paris, et de Corinne Péneau, maître de conférences à l’université de Paris-Est Créteil, dont le propos explicite vise à compléter le texte fondateur et magistral de Jacques Le Brun, Le Pouvoir d’abdiquer. Essai sur la déchéance volontaire, paru chez Gallimard en 2009, qui se penchait sur les fins de règne de l’empereur romain Dioclétien, de Charles Quint, de Richard II et de Jacques II d’Angleterre ainsi que de Philippe V d’Espagne.

Le deuil du pouvoir s’étend quant à lui aux cas de l’abdication de Christine de Suède, de la renonciation du pape Célestin V placée dans la perspective globale du XIIIe siècle, des départs de Charles de Gaulle en 1946 et 1969 mais aussi au cas doctrinal de l’abdication du supérieur des jésuites en faveur de son collatéral dans les Constitutions de l’ordre tandis qu’une étude de Jacques Le Brun s’attache à repérer les échos contemporains de l’abdication dans le film Habemus Papam de Nanni Moretti et dans Le Roi Lear de Shakespeare.

L’ouvrage débouche sur une conclusion forte : « L’abdication [volontaire], ce renoncement au pouvoir, constitue l’état pur d’un acte de volonté dans la sphère politique ou religieuse. Une instance souveraine, qui ne dépend de rien d’autre que de soi-même, décide de s’abolir. L’abdication apparaît alors non comme le simple abandon du pouvoir, mais comme un acte de pouvoir – celui de l’individu imposant son choix, se repliant sur son corps et abandonnant le corps politique – ou, du moins, comme une autre façon de le manipuler et de s’en saisir ».

Une manière de rester présent sans l’être, en somme…

PÉTRONE

Le deuil du pouvoir Essais sur l’abdication sous la direction d’Alain Boureau et Corinne Péneau, Paris, Les Belles Lettres, mars 2013, collection « Histoire », 196 pp. en noir et blanc au format 15 x 21,5 cm sous couverture brochée monochrome, 23 € (prix France)

Un événement pas si rare…

Quelques abdications dans l’Histoire, toutes causes confondues :

Sylla, dictateur romain (-79)

Dioclétien (305)

Isaac Ier Comnène, empereur byzantin (1059)

Huizong, empereur chinois de la dynastie Song (1126)

Étienne II de Hongrie (1131)

Albert Ier de Brandebourg (1169)

Ladislas III de Pologne (1206)

Célestin V, pape (1294)

Jean d’Écosse (1296)

Jean VI Cantacuzène, empereur d’Orient (1355)

Richard II d’Angleterre (1399)

Éric VII de Danemark (1439)

Amédée VIII de Savoie (1440)

Murad II, sultan ottoman (1444-1445)

Charles Quint (1555-1556)

Marie Ire d’Écosse (1567)

Christine de Suède (1654)

Jean II de Pologne (1668)

Jacques II d’Angleterre (1688)

Auguste II de Pologne (1706)

Philippe V d’Espagne (1724)

Victor-Amédée de Sardaigne (1730)

Ahmed III, sultan ottoman (1730)

Charles de Naples (1759)

Stanislas II de Pologne (1795)

Qianlong, empereur chinois de la dynastie Qing (1796)

Charles-Emmanuel IV de Sardaigne (1802)

Charles IV d’Espagne (1808)

Joseph Bonaparte de Naples (1808)

Gustave IV de Suède (1809)

Louis Bonaparte de Hollande (1810)

Napoléon Ier (1814-1815)

Victor-Emmanuel Ier de Sardaigne (1821)

Pierre IV de Portugal (1826)

Charles X de France (1830)

Pierre Ier du Brésil (1831 )

Michel Ier de Portugal (1834)

Guillaume Ier des Pays-Bas (1840)

Louis-Philippe Ier (1848)

Louis Ier de Bavière (1848)

Ferdinand Ier d’Autriche (1848)

Charles-Albert de Sardaigne (1849)

Léopold II de Toscane (1859)

Isabelle II d’Espagne (1870)

Amédée Ier d’Espagne (1873)

Alexandre Ier de Bulgarie (1886)

Milan Ier de Serbie (1889)

Puyi, dernier empereur de Chine (1912)

Nicolas II de Russie (1917)

Guillaume II d’Allemagne (1918)

Rama VII de Siam (1935)

Édouard VIII du Royaume-Uni (1936)

Charles II de Roumanie (1940)

Victor-Emmanuel III d’Italie (1946)

Wilhelmine des Pays-Bas (1948)

Léopold III de Belgique (1951)

Farouk Ier d’Égypte (1952)

Fouad II d’Égypte (1953)

Charles de Gaulle (1946 et 1969)

Juliana des Pays-Bas (1980)

Jean de Luxembourg (2000)

Norodom Sihanouk de Cambodge (2004)

Beatrix des Pays-Bas (2013)

Benoît XVI, pape (2013)

Hamad ben Khalifa Al Thani, émir du Qatar (2013)

(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Abdication)

Date de publication
dimanche 14 juillet 2013
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