Croquer la guerre…

Jeune enseignant, Patrick Delcord est agrégé d’histoire et professeur certifié de l’enseignement secondaire. Avec La Grande Guerre en caricatures paru chez Soliflor à Bruxelles, il signe son premier ouvrage dans lequel sont reproduits et commentés 80 dessins français, anglais, allemands, hollandais et belges parus pour la plupart dans la presse écrite entre 1914 et 1918.

Un bon dessin vaut mieux qu’un long discours, disait Napoléon. Durant le premier conflit mondial, les belligérants ont fait leur cette devise, utilisant massivement l’image pour soutenir leur travail de propagande. La caricature constitue en effet une arme redoutable pour contrer l’adversaire tout en le ridiculisant et un moyen efficace pour susciter ou entretenir la combativité d’une population et de ses armées.

Cette chronique des temps forts de 14-18, répartie en cinq grands chapitres – un par année de guerre –, s’adresse aussi bien à l’amateur averti qu’à un public jeune. Et, afin que chacun puisse repérer les lieux, de petites cartes géographiques émaillent la plupart des pages.

Sélectionnés pour leur esthétique ou pour leur force de frappe, les documents reproduits montrent les visions contradictoires et affectivement chargées des différents belligérants. Cette richesse de points de vue – qu’on ne trouve pas dans les livres d’histoire – apporte un regard neuf sur une tragédie vieille de bientôt cent ans.

PÉTRONE

La Grande Guerre en caricatures par Patrick Delcord, préface de Laurence van Ypersele, Bruxelles, Éditions Soliflor, décembre 2013, 167 pp en couleurs au format 15 x 15 cm sous couverture brochée en couleurs, 15 €

Extraits :

John Bull d’aujourd’hui

Les Allemands s’indignent autant qu’ils raillent les Britanniques obligés d’en appeler à leurs troupes coloniales pour faire face à la guerre ; la civilisation britannique en se pigmentant redevient primitive, se moque la presse allemande. Répartis dans l’Army of India, les King’s African Rifles et la West African Frontier Force, les combattants recrutés en Inde et en Afrique par les Britanniques forment quand même – quoique les Allemands en pensent – une imposante armée professionnelle de quelques milliers d’hommes.

« John Bull von Heute », dessin d’Arthur Johnson paru dans Kladderadatsch, 20/06/15.

Un appétit bien mesuré

Les Anglais n’hésitent pas à faire de l’humour à propos du rationnement dont la population est victime. Pesant son morceau de viande avec un dynamomètre, voici ce qu’un enfant très scrupuleux fait remarquer à son père : « Père, vous m’avez servi un huitième d’once en trop ! »

« War-time economies », dessin d’Arthur Wallis-Mills, paru dans Punch, or the London charivari, 14/07/1915.

Le piège de Verdun se referme sur le sanglier prussien

Le dessinateur britannique Leonard Raven-Hill signe ici un dessin admirable. Le sanglier prussien s’est pris le museau dans le piège de Verdun. Coincé là-bas, il se débat pour sortir de cette situation désespérée.

« Held! », dessin de Leonard Raven-Hill, paru dans Punch, or the London charivari, 31/05/1916.

L’enlèvement des innocents du Nord-Pas-de-Calais

À Lille, les civils sont déportés pour servir l’effort de guerre allemand. Les soldats en profitent pour mettre la main sur des jeunes filles, sous l’œil horrifié de leurs parents.

« Allons, allons ! Pas d’bruit ! Ils vous reviendront, vos enfants ; ils vous reviendront… tuberculeux. », dessin d’Adolphe Léon Wilette, paru dans La Baïonnette, 7/09/1916.

De la Lune à la Terre…

En observant la Terre soumise au feu des armes, les extraterrestres se demandent à juste titre pourquoi un tel chaos sur la planète voisine. Ne soupçonnant pas l’absurdité de celui-ci, l’un d’eux propose une théorie candide qui tranche avec l’atrocité de la guerre : « C’est pour moi, de grands feux allumés par les Terriens pour retarder le refroidissement de leur planète ».

« Conjecture sélénite », dessin d’Auguste Roubille, paru dans La Baïonnette, 7/11/1918.

Date de publication
samedi 18 janvier 2014
Entrez un mot clef :