Un lanceur de vitriol…

Léon Daudet, résume Wikipédia, est un écrivain, journaliste et homme politique français, né le 16 novembre 1867 à Paris 4e et mort le 30 juin 1942 (à 74 ans) à Saint-Rémy-de-Provence.

Républicain converti au monarchisme, antidreyfusard et nationaliste clérical, député de Paris de 1919 à 1924, il fut l’une des principales figures politiques de l’Action française et l’un des collaborateurs les plus connus du journal de ce mouvement.

La bibliographie des œuvres de cet écrivain engagé et prolifique est énorme : plus de 300 notices sur le catalogue de la BNF. Il reste aujourd’hui son œuvre de mémorialiste, six volumes de « choses vues » de 1880 à 1921, « prodigieux Souvenirs », comme disait Marcel Proust qui ajoutait : « Les ressemblances entre Saint-Simon et Léon Daudet sont nombreuses : la plus profonde me semble l’alternance, et l’égale réussite, des portraits magnifiquement atroces et des portraits doux, vénérants, nobles [1] ».

Établie par l’historien Bernard Oudin, préfacée par le professeur au Collège de France Antoine Compagnon et parue chez Robert Laffont dans la fameuse collection « Bouquins », la nouvelle édition des Souvenirs et polémiques du fils aîné d’Alphonse rassemble ses réminiscences endiablées à propos des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux [2]Fantômes et Vivants, 1914, Devant la douleur (1915), L’Entre-Deux-Guerres (1915), Salons et Journaux (1917), Au temps de Judas (1920), Vers le roi (1921) –, celles de son expérience de Député de Paris (1919-1924) parues en 1933, de son « Paris vécu » (Rive droite, 1929, Rive gauche, 1930) écrit en exil à Bruxelles ainsi que Le Stupide XIXe siècle (1922), période qu’il vouait aux gémonies.

Époux un temps de la petite-fille de Victor Hugo, antisémite virulent, ami de Maurras, romancier, journaliste, éditorialiste de l’Action française, essayiste, critique, mémorialiste, membre du jury Goncourt [3], il fut avant tout un extraordinaire polémiste usant d’une violence verbale aujourd’hui inimaginable.

« S’il mit son talent au service de causes extrêmes, écrit l’éditeur, lançant des affirmations à l’emporte-pièce, tenant des propos injustes et calomnieux, nul n’aura su comme lui faire le portrait au vitriol de ses contemporains, esquisser une silhouette en quelques traits mordants, trouver la formule assassine contre l’adversaire, décrire avec une verve jubilatoire les ridicules d’un salon, d’une académie, d’une assemblée parlementaire, d’un tribunal, évoquer l’ambiance hallucinante des hôpitaux de sa jeunesse ».

Et, un exemple valant mieux que tous les discours, voici un extrait de Fantômes et Vivants qui parle d’un dîner chez la princesse Mathilde vers 1890 :

La princesse, à laquelle chacun s’accordait – je ne sais pourquoi – à trouver grand air, était une vieille et lourde dame, au visage impérieux plus qu’impérial, qui avait le tort de se décolleter. (…)

En dépit de Taine, Renan et Sainte-Beuve, elle était demeurée épaisse et sommaire. Je l’ai vue ne parlant plus guère, fixant sur ses invités à la ronde des yeux bovins et méfiants. (…)

L’ennui immense pleuvait du plafond sur la table chargée d’aigles, de verreries et de fleurs, sur les convives, qui peinaient pour animer ce cimetière d’une société jadis brillante, sur la maîtresse de maison déjà lointaine, sur les mollets rebondis des larbins.

On sortit de la table mortuaire, où la nourriture, je dois l’ajouter, était à la fois exécrable et parée, le poisson, sans goût ni sauce, prenant la forme d’une côtelette, et le rôti baignant sur une eau saumâtre, comme si le bœuf était demeuré toute la nuit assis dans une mare.

N’en jetez plus !

PÉTRONE

Souvenirs et polémiques par Léon Daudet, édition établie par Bernard Oudin, préface d’Antoine Compagnon, Paris, Éditions Robert Laffont, collection « Bouquins », mars 2015, 1 504 pp. en noir et blanc au format 13,4 x 19,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 32 € (prix France)


[1] Cité par Kléber Haedens dans la préface des Souvenirs Littéraires de Léon Daudet, Grasset, coll. Poche, 1968, pp. 9 et 16.

[2] Il fut un temps étudiant en médecine.

[3] Il a fait obtenir en 1919 le Prix Goncourt à Marcel Proust (pourtant de mère juive et surtout dreyfusard) qui le lisait et est resté son ami (Proust lui a dédié Le côté de Guermantes).

Date de publication
lundi 3 août 2015
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