Ali, bou ma ye ! (Ali, tue-le !)

Chaos debout à Kinshasa

Sur un scénario du journaliste et écrivain belge Thierry Bellefroid, le bédéiste Barly Baruti, né en 1959 au Congo Belge, a dessiné un fort bel album dans lequel se mêlent les embrouilles, sur fond du fameux match de boxe dans la catégorie poids lourds qui, en 1974, à Kinshasa alors sous la coupe du dictateur Mobutu, opposa Mohamed Ali (né en 1942 dans le Kentucky, triple champion du monde entre 1964 et 1967, converti depuis 1965 à la religion mahométane[1], réfractaire de la guerre du Vietnam en 1967 et, pour ce fait, dépossédé de son titre et de sa licence de boxe, il fut rétabli dans ses droits en 1971 par la cour suprême américaine) au jeune George Foreman (né au Texas en 1949, champion olympique en 1968 et champion du monde professionnel WBA et WBC en 1973), deux athlètes noirs au sommet de leurs capacités.

En voici le pitch :

« 1974. Ernest, petit voyou de Harlem, navigue de combine en combine pour rembourser une dette à de dangereux malfaiteurs. Grâce à un concours organisé sur une radio privée, il gagne un voyage pour assister au « combat du siècle » entre Mohammed Ali et George Foreman, à Kinshasa ! Une aubaine pour Ernest qui va pouvoir se mettre au vert et renouer avec ses racines auprès de ses « frères africains ». Mais il est loin d’imaginer dans quel état se trouve le Zaïre au plus fort de la guerre froide…

Dirigé d’une main de fer par le président-dictateur Mobutu, gangrené par la corruption, le pays est devenu un véritable nid d’espions et de politiciens véreux. Des individus sans scrupule qui n’ont rien à envier aux pires truands de Harlem… Dans ce roman graphique, les auteurs font découvrir des dessous d’un événement médiatique et historique. Ne se contentant pas de relater cet épisode connu de tous, ils en profitent pour éclairer sur le contexte de l’époque, imaginant comment la guerre froide s’est invitée dans cette page de l’histoire du sport…

Les dessous d’un combat de légende où tous les coups étaient permis… »

On se souviendra aussi que l’opinion zaïroise manipulée par le « Citoyen Président-Fondateur » (sic) considéra que Mohamed Ali représentait les Noirs et que George Foreman, parce que mieux intégré à la nation yankee pourtant principal soutien du Caligula africain d’alors – le Néron du continent étant à l’époque l’Ougandais Idi Amin Dada – était l’incarnation des… Blancs !

C’est pourquoi la populace, dans un bel élan de racisme passé à la postérité, encouragea Mohamed Ali au cri d’Ali, bou ma ye, Ali, tue-le…

PÉTRONE

Chaos debout à Kinshasa par Thierry Bellefroid et Barly Baruti, préface de Colette Braeckman, Grenoble, Éditions Glénat, février 2016, 112 pp. en quadrichromie au format 20 x 26,5 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 22 € (prix France)

[1] Il avait rallié en 1965 le mouvement Nation of Islam d’Elijah Muhammad [1897-1975] avec qui s’était brouillé Malcolm X [1925-1965] peu avant son assassinat, puis il s’est converti à l’islam sunnite en 1975.

Date de publication
jeudi 24 mars 2016
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