Féministe et militante wallonne[1] aux côtés de Léonie de Waha[2], Marie Delcourt, née à Ixelles le 18 novembre 1891 et morte à Liège le 11 février 1979, était une philologue classique, helléniste et historienne de la littérature belge francophone.

En 1914, elle a rejoint le réseau de renseignement belge « La Dame Blanche » qui collectait des informations sur les mouvements de troupes allemandes pour le compte du War Office britannique. Pour cet engagement, elle fut décorée de la Croix d’officier de l’Empire britannique.

Détentrice d’un diplôme de docteur en philosophie classique (université de Liège, 1919) complété par des études à la Sorbonne et à l’Institut des hautes études à Paris, elle fut la première femme chargée de cours[3] à l’Ulg, à partir de 1929, jusqu’à son éméritat en 1961.

En 1932, elle épousa un de ses étudiants, l’écrivain liégeois Alexis Curvers (1906-1992), futur auteur de romans à succès (Bourg-le-Rond, 1937, Printemps chez des ombres, 1939, Tempo di Roma, 1957).

Elle entretint des relations avec de nombreuses personnalités du monde littéraire belge comme Norge et bien d’autres. Elle anima aussi un groupe d’intellectuels français et allemands qui se réunissaient au château de Colpach au Luxembourg. On y retrouve Paul Claudel, André Gide, Jean Paulhan, Jean Schlumberger, Henri Michaux, Karl Jaspers, Walther Rathenau ou Bernard Groethuysen.

Son œuvre scientifique considérable et diversifiée lui valut une réputation internationale. Elle a écrit essentiellement des traductions (comme les tragédies d’Euripide et la correspondance d’Érasme), des biographies (d’Eschyle, Périclès, Euripide, Érasme, Thomas More), sur la religion et les mythes grecs (l’Oracle de Delphes, Héphaïstos, Œdipe, Hermaphrodite…).

En 1947, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de pénurie et de crise sanitaire, elle publia chez Baude à Bruxelles[4] une Méthode de cuisine à l’usage des personnes intelligentes, maintes fois réimprimée puis restée longtemps épuisée et désormais disponible – et c’est un must ! – aux Éditions Les Belles Lettres à Paris.

Rédigés dans une langue magnifique et faisant montre d’un savoir culinaire encyclopédique, ses 35 chapitres, qui font le tour de tous les ingrédients de la cuisine bourgeoise de nos régions, prodiguent des conseils sagaces et livrent des recettes goûteuses qui n’ont pas pris une ride, qu’il s’agisse de potages, de hors-d’œuvre, de plats de viandes (rôties, sautées, grillées, braisées, en ragoûts, bouillies, farcies, hachées, en terrine, frites ou d’abats), de poissons, de mollusques, de crustacés, d’œufs, de fruits de mer, de légumes, de pâtes, de riz, soufflés, en sauce ou sucrés.

Exemples :

Macaroni aux champignons

On peut, si l’on veut, se borner à faire fraterniser dans un plat creux une couronne de pâtes cuites à l’eau salée et liées d’un peu de beurre, avec, au centre, des champignons dorés dans la poêle ; le fromage pourra être servi à part, ou être répandu sur le macaroni. Mais, si vous disposez d’une grande quantité de champignons de prairie, essayez ceci, qui est fort laid, mais délicieux : faites sauter vos champignons, puis, avant que tout le liquide en soit évaporé, mêlez-les aux pâtes que vous avez pris soin d’égoutter avant que leur cuisson soit terminée et remettez cinq minutes au feu. Ainsi, les pâtes achèvent de gonfler grâce au liquide des champignons. Ajoutez en finissant du poivre, et mêlez, sans cuire, le fromage. Cela fait un brouet noir plus plaisant aux narines et au palais qu’aux yeux.

Choux de Bruxelles à la crème

Les faire étuver, cuits et égouttés, dans du beurre noisette jusqu’à ce qu’ils menacent d’attacher. Mouillez-les alors de crème ou de lait et achevez la cuisson jusqu’à ce que le liquide soit absorbé. C’est assez bon pour faire risquer une digestion laborieuse.

Du nanan, non ?

PÉTRONE

Méthode de cuisine à l’usage des personnes intelligentes par Marie Delcourt, préface d’Alexis Curvers, Paris, Éditions Les Belles Lettres, septembre 2021 [1947, 1985], 334 pp. en noir, blanc et brun au format 14 x 20,5 cm sous couverture brochée monochrome à rabats, 23 € (prix France)

[1] Elle était membre de l’équipe dirigeante de l’Union des Femmes de Wallonie, une association créée en octobre 1912 à Liège afin de regrouper des femmes wallonnes pour les encourager à perpétuer les traditions de la culture wallonne, mais aussi d’éveiller une conscience politique chez les femmes.

[2] Léonie de Waha de Chestret dite Léonie de Waha, née le 31 mars 1836 à Liège et est morte le 8 juillet 1926 à Tilff, était une pédagogue, militante wallonne et féministe belge. Elle était membre de l’équipe dirigeante de l’Union des Femmes de Wallonie, avec Marie Delcourt.

[3] En y créant le cours d’histoire de l’humanisme.

[4] L’ouvrage ressortit en 1985 aux Éditions de l’Université de Liège, dans les publications de la Faculté de Philosophie et Lettres.